En ce qui concerne le pass sport, je m'en tiendrai à la réunion organisée par Jean Castex. Elle s'est tenue quelques jours après ma réaction par rapport aux 2 milliards d'euros attribués à la culture tandis que rien n'était annoncé pour le sport. Le Premier ministre a alors annoncé que 122 millions d'euros seraient consacrés au sport dans le cadre du Plan de relance. Par ailleurs, lorsque nous avons parlé du pass sport, le Premier ministre nous a demandé un état des lieux au 31 décembre en matière de perte d'effectifs dans le sport amateur. Il a également sollicité nos propositions pour une allocation sportive de rentrée, que nous pouvons appeler pass sport. Ces propositions doivent tenir compte de l'implication des autres acteurs de l'ANS. Les collectivités et le monde économique en font partie, aux côtés de l'État et du mouvement sportif.
La proposition du CNOSF en la matière consiste à mettre en place une aide de l'État destinée prioritairement aux jeunes de moins de 18 ans. Cette aide peut concerner 5 millions de jeunes pour une participation de 30 euros par jeune. Le total n'est donc « que de 150 millions d'euros », soit un tiers de ce qui avait été prévu pour le pass culture. Ces 30 euros ne sont en outre pas suffisants.
Nous savons que les collectivités territoriales sont déjà impliquées. Selon une enquête de l'ANS, 37 départements et 7 régions ont mis en place une aide. Si l'État assure une impulsion, nous pouvons imaginer que les collectivités territoriales seraient d'accord pour la relayer. L'État finançant 30 euros, les collectivités territoriales - régions et départements - pourraient participer à hauteur de 15 euros chacun. Nous atteindrions ainsi 60 euros, soit une incitation intéressante. Un certain nombre de villes peuvent aussi aider, mais cet appui doit être considéré uniquement comme un appui supplémentaire. En matière d'action du monde économique, il existe aussi des chèques sport qui font partie intégrante des chèques vacances.
Nous avons fait des propositions sur ce sujet qui doit être traité avec l'ANS mais la décision finale appartient à l'État. Il lui revient de donner l'impulsion. S'il la donne, les collectivités territoriales suivront ou pas. Je pense que nous pourrions arriver à ce qu'il y ait une vraie politique d'incitation sportive qui ne pèse pas sur le budget du sport mais qui soit davantage relayée par le budget consacré aux familles.
Quant au Plan de relance de 30 millions d'euros sur deux ans, dont 21 millions d'euros pour les fédérations et 9 millions d'euros pour l'innovation, ce montant a en effet été réduit à 20 millions d'euros au total. Toutefois, il semble que les 10 millions d'euros supprimés soient de nouveau dans le circuit, nous en avons eu confirmation orale. Encore une fois, nous discutons de 1, 2 ou 3 millions d'euros, alors que la perte globale pour le mouvement sportif se situerait autour du milliard d'euros. Il faudra peut-être avoir un peu plus le respect des proportions.
Pour ce qui est de l'indemnisation liée à la billetterie, nous étions en visioconférence avec l'ensemble des fédérations olympiques quand nous avons appris que le rugby bénéficiait d'un budget de 40 millions d'euros. Christian Dutel nous a indiqué ne pas en être informé, ni même savoir d'où provenaient ces fonds. En conséquence, nous nous interrogeons sur la responsabilité de la répartition de ces derniers.
Sur le dernier point relatif aux 30 minutes d'activité physique par jour à l'école, nous militons pour un lien accru entre l'école et le milieu associatif. En conséquence, nous avons mis en place un dispositif, la carte passerelle, qui permet à tous les clubs volontaires d'accueillir gratuitement pendant la période de rentrée, de septembre à novembre, tous les enfants qui souhaiteraient découvrir un sport dans un club de leur choix. À cet effet, nous avons développé l'application « mon club près de chez moi ». 155 000 clubs sont répertoriés, parmi lesquels ceux qui sont volontaires pour l'opération sont identifiés. Les parents et les enfants peuvent découvrir le club pouvant les accueillir. Entre le 1er et le 15 septembre, nous avons enregistré 650 000 connexions, lesquelles traduisent une appétence réelle des parents pour amener leurs enfants aux clubs. J'ajoute que nous avons mené simultanément, avec le ministère, une autre opération appelée « envie de sport ». Enfin, le CNOSF a lancé la campagne « j'ai l'esprit club » pour diriger les enfants vers les clubs.
Je précise par ailleurs, à l'attention de Claude Kern, que les clubs professionnels s'arrêtant d'eux-mêmes ne peuvent pas bénéficier du chômage partiel parce que cette décision ne leur est pas imposée. En revanche, s'ils ne s'arrêtent pas, ils perdent beaucoup d'argent et peuvent aller jusqu'au dépôt de bilan. Les clubs les plus solides souhaitent continuer, à l'inverse des clubs les plus en difficulté. Je n'ai pas de solution. Nous pouvons assumer une retransmission télévisée des matchs de basket par exemple, mais c'est la seule aide que nous pouvons donner. Il reviendra à la fédération et à la ligue nationale de basket de décider de continuer ou pas. Je crains que ce soit un sujet de dissension entre les clubs, et je partage votre inquiétude. Je pense que la solution viendra d'une indemnité de billetterie ou d'une indemnité de perte de recettes induite par une cessation d'activité.
Les décrets d'organisation territoriale relatifs à l'ANS sont enfin parus il y a dix jours ; du temps doit lui être laissé pour sa mise en place. Je souhaite néanmoins vous parler du modèle sportif français, qu'il est nécessaire de comparer à d'autres pour s'en faire une opinion.
Ainsi, il existe d'un côté les modèles étatico-étatiques dans lesquels se situe le modèle français, avec un ministère des sports qui décide de la politique sportive de la Nation. De l'autre, se trouve le modèle de l'Italie dans lequel il n'y a pratiquement pas de ministère des sports et où l'autorité est donnée au comité olympique italien. Vous pouvez vous rendre compte de la différence de traitement quand le comité olympique italien est en charge de la gestion du stade olympique de Rome et de tout ce qui est à côté. Je ne suis pas partisan du modèle italien, je considère que les modèles dans lesquels un seul acteur peut décider de ce qui est bon pour tout le monde ne sont pas un bon modèle. Le bon modèle doit permettre que tous les acteurs soient d'accord, afin que l'intérêt général prédomine. C'est ce que nous tentons de faire avec l'ANS. Nous nous sommes rendu compte qu'il n'y a jamais eu besoin de voter véritablement parce que nous étions d'accord immédiatement sur ce qui relevait de l'intérêt général. J'étais un inconditionnel de l'Agence ; je le suis toujours maintenant qu'elle s'est concrétisée.
Madame Sabine Van Heghe, je partage évidemment votre souci sur la santé publique. Nous ne sommes pas les seuls à oeuvrer pour la santé. Les clubs de sport marchands et la pratique individuelle ont aussi intérêt à ce qu'une pratique sportive existe. Le confinement a ceci de bon qu'il a incité les Français à pratiquer. J'espère qu'ils verront tout l'intérêt d'une pratique régulière et appropriée, qu'ils inciteront d'autres Français et amèneront leurs enfants à pratiquer, si possible dans les clubs.
La question que vous avez posée sur les contrats aidés interpelle forcément. Mettez-vous à la place d'un président de club incité en 2015 à créer des emplois dans le cadre des contrats aidés. 20 ou 25 000 clubs se sont mobilisés pour créer des emplois aidés qui ont été supprimés deux ans après. Une étude évaluait à 80 % les emplois aidés qui pouvaient être pérennisés. Par la suite, les clubs ont été invités à nouveau à créer des emplois. Je pense qu'un peu de continuité, quelle que soit la nature du gouvernement, serait appréciée par les présidents de clubs qui s'engagent et qui créent des emplois, même s'ils sont aidés. Ils savent que les aides sont limitées dans le temps.
Quant à la question posée par Jérémy Bacchi en lien avec la pratique sportive, le vivre-ensemble et la cohésion sociale, nous devrions peut-être nous intéresser davantage à l'évaluation économique en matière d'économie sociale et solidaire. Nous avons des difficultés à évaluer ce que l'activité peut apporter en termes économiques, mais la traduction économique est malheureusement incontournable en temps de crise ou en temps d'évaluation budgétaire.
La baisse du nombre de licenciés ne touche pas tous les sports de la même façon. Notre chiffre sera forcément remis en question quand les résultats de l'enquête seront connus, car 20 % des fédérations ne sont pas touchées par une diminution. Sur les 80 % qui le sont, la moitié enregistre une diminution de 50 %. La moyenne globale se retrouvera autour de 25 % avec des fédérations qui n'auront pas subi de pertes ; il conviendra alors de décider de l'attitude à adopter.
Quant à l'incidence par rapport aux JO, le calendrier n'a pas été remis en question par le CIO et les jeux auront bien lieu en 2024. Le COJO a ainsi pris des dispositions pour optimiser les changements de sites, au plan économique. Une série de mesures ont été annoncées pour revoir ces sites ; l'économie d'échelle se situe autour de 150 à 200 millions d'euros, ce qui n'est pas négligeable par rapport au budget du COJO. J'en profite pour rappeler que ce budget est à 98 % privé. Il repose sur ce que le CIO donne au COJO, aux alentours d'1,5 milliard d'euros, sur la billetterie pour le même montant, et sur le marketing dont le minimum est estimé à 1,2 milliard d'euros. La question du marketing est forcément posée, parce qu'un certain nombre d'entreprises qui pouvaient être des partenaires du COJO sont aujourd'hui en difficulté, ne serait-ce qu'Air France.
Quoi qu'il en soit, le calendrier sera maintenu sans aucun problème ; Nicolas Ferrand, directeur général de Solideo, l'a confirmé également pour les équipements à construire. A ce titre, j'estime tout à fait anormal que le budget de la Solideo fasse partie du budget du sport, puisqu'il donne une image fausse de la hausse de ce dernier. Le budget du sport ne devrait porter que sur le fonctionnement. De plus, en termes d'équipements, un tiers du budget de la Solideo est consacré à la construction du village olympique et du village des médias. Pourquoi, dès lors, n'est-il pas affecté au budget du logement ?