Dans les pays où il y a un fort degré de contrainte ou une forte cohésion sociale et donc une adhésion forte à des mesures rigoureuses et un grand respect des consignes, la gestion de crise a été plus efficace. On se demande pourquoi l'Afrique a été peu touchée. Les remontées de données sont peut-être en cause, mais nous manquons certainement aussi d'informations sur les modes de contamination.
Concernant la situation géopolitique, nous estimons que si une nouvelle forme de guerre froide s'instaure entre Chine et États-Unis, l'Europe aura de gros soucis car une partie des pays européens sont très arrimés aux États-Unis tandis que d'autres veulent se rapprocher de la Chine. Cette tension sera difficile à résoudre, sauf si nous renforçons la cohésion européenne.
Le repli des pays sur eux-mêmes durant la crise a des conséquences diverses. Il existe un risque de fortes tensions sur les marchés agricoles dans les mois qui viennent et même de pénuries alimentaires. Le commerce des biens a plutôt résisté durant la crise. Celui des services a connu une évolution contrastée avec l'effondrement des secteurs liés à la mobilité des personnes et l'explosion des services numériques.
Concernant les mobilités résidentielles en France, qui constitue un sujet important sur lequel nous nous penchons, on constate en effet ce désir des métropolitains de s'installer dans des territoires ruraux pour changer de mode de vie. Lors du premier confinement, un quart de la population parisienne est partie, mais est revenue à l'issue du confinement. Cela enclenchera-t-il un mouvement plus important de déménagements ? Nous manquons de données et capteurs fins sur ce sujet. Clairement il y a là un sujet de prospective et des scénarios à construire, notamment pour savoir si nous devrons accueillir plus d'enfants dans les classes des villes moyennes.
Le travail de prospective a beaucoup évolué depuis les balbutiements des années 1930 puis 1950. Les sujets traités, les contextes de son utilisation et les outils ont changé. Une des principales évolutions a consisté à être plus démocratique, à impliquer davantage les acteurs du changement. La prospective ne se résume pas à rendre des études sur le futur. Il convient d'impliquer le public.
Dans le travail de prospective, on utilise le passé, de même qu'on prend en compte les regards décalés, créatifs, les intuitions. Dans notre rapport Vigie, il y a des parties analytiques, mais aussi le regard décalé d'auteurs de science-fiction. Parfois un bon auteur donnera mieux à voir le futur. Mais la prospective doit donner une vision partagée et donc se fonder sur une analyse. Les deux approches sont complémentaires.
La prospective n'a pas pour vocation de prédire l'avenir. On sera toujours surpris. Mais si l'on se prépare à une diversité de futurs possibles, on sera moins pris au dépourvu et plus résilients. Il faut distinguer l'imprévisible, qui est insaisissable, de l'incertitude, qui peut être mesurée et appréhendée par le prospectiviste pour aider ensuite à l'action.
Concernant la violence sociale, si elle existe sous forme de tension, elle ne se manifeste pas de manière explosive. Concernant la dette, c'est un excellent sujet de prospective.