Intervention de Jean-François Husson

Commission mixte paritaire — Réunion du 17 novembre 2020 à 19h30
Commission mixte paritaire sur le projet de loi de finances rectificative pour 2020

Photo de Jean-François HussonJean-François Husson, sénateur, rapporteur pour le Sénat :

Comme nous en avons pris l'habitude, nous sommes de nouveau réunis en CMP, pour l'examen d'un quatrième PLFR, dont nous espérons bien qu'il sera le dernier.

Nous avons pris acte de la révision à la baisse par le Gouvernement de sa prévision de croissance pour 2020, à présent estimée à une chute du PIB de 11 %, ce qui nous paraît prudent. Ce scénario, qui inclut déjà la prolongation du confinement en décembre, repose sur l'hypothèse d'une perte d'activité de 20 % en novembre, par rapport au niveau d'avant la crise, alors qu'il avait été de - 30 % en avril, lors du premier confinement. Cependant, cette hypothèse est sans doute un peu pessimiste, et la Banque de France prévoit, pour sa part, une perte d'activité de 12 % en novembre.

Dans ce texte, la hausse des dépenses liées aux mesures de soutien explique seule la dégradation de la trajectoire budgétaire. Comme vous le savez, il s'agit surtout de mesures permettant de compenser directement les pertes des entreprises, grâce au fonds de solidarité, aux exonérations de cotisations sociales et à l'activité partielle.

Le Gouvernement a donc fait le choix de la prudence, le budget rectificatif reposant sur des hypothèses extrêmement conservatoires et ce déficit, souhaitons-le, ne devrait pas être atteint. Des crédits budgétaires seront ainsi probablement reportés en 2021, ce dont nous aurons l'occasion de reparler.

Au total, les ouvertures de crédits opérées au fil des quatre LFR de 2020 représentent un montant dix fois plus élevé que les années précédentes. Cela est colossal, mais nécessaire, et c'est pour cette raison que nous avons voté ces quatre textes, sans en modifier l'équilibre global. Les mesures de soutien sont présentes, bien dotées, et le Gouvernement dispose pour affronter les prochaines semaines de marges de manoeuvre nécessaires, dont nous veillerons à contrôler l'usage.

Cependant, le Sénat a procédé à quelques modifications, ajouts et suppressions, qui répondent à des attentes légitimes. Tout d'abord, nous avons été saisis de cas concrets montrant qu'un certain nombre de commerçants, travailleurs indépendants et petits entrepreneurs ne sont pas, ou pas suffisamment, soutenus. Nous avons conclu qu'il fallait prévoir pour eux, au-delà de l'aide de 1 500 euros, un renforcement du fonds de solidarité afin de tenir compte de leurs charges fixes.

Par ailleurs, certains secteurs aux caractéristiques spécifiques sont en très grande difficulté. C'est le cas notamment de la filière équine, pour laquelle nous avons prévu une exonération des aides versées et le renforcement des moyens budgétaires. Les activités de loisirs indoor rencontrent des difficultés similaires, et un fonds de péréquation a donc été créé pour soutenir ce secteur. Le tissu économique doit être préservé.

S'agissant des compensations aux collectivités territoriales, le Sénat a adopté plusieurs mesures. Tout d'abord, un prélèvement sur recettes (PSR) de compensation des dépenses exceptionnelles engagées par les collectivités en réponse à la crise. Une compensation pour les pertes des régies municipales a également été prévue. En outre, au sujet des avances remboursables aux autorités organisatrices de la mobilité (AOM), des garde-fous ont été adoptés, avec une clause de retour à meilleure fortune et à la prévision d'un remboursement dans un délai minimal de six ans. Enfin, le Sénat a souhaité qu'une aide exceptionnelle soit déployée pour les Alpes-Maritimes.

Des aménagements ont également été proposés pour tenir compte de la situation particulière rencontrée cette année. Ainsi, nous avons supprimé la reprise financière prévue en 2020 au détriment des communes et établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) ayant augmenté leur taux de taxe d'habitation entre 2017 et 2019, à condition qu'ils aient conclu un accord de gouvernance financière. De plus, nous avons reporté d'un an l'obligation de compter au moins deux salariés pour bénéficier de la réduction d'impôt Madelin, s'agissant des investissements réalisés en 2019. Des crédits ont également été rétablis pour le sport et pour la mission interministérielle de coordination anti-fraude (Micaf).

Par ailleurs, nous avons accepté l'amendement de crédit du Gouvernement, qui consacre 25 millions d'euros supplémentaires aux assistants d'éducation, dans les collèges et les lycées professionnels. Un amendement de la commission à l'article 1er a aussi été adopté, pour éviter que l'État ne récupère 50 millions d'euros qui, s'ils n'étaient pas versés pour compenser Action Logement, devront bénéficier au régime de sécurité sociale, non à l'État. Enfin, nous avons supprimé le mécanisme de droit à l'image collective applicable aux sportifs professionnels tel qu'il existait jusqu'en 2010, et avait été réintroduit à l'Assemblée nationale, tout en étant pleinement conscients des difficultés rencontrées par le milieu sportif dans le contexte actuel.

Le Sénat s'est montré à la fois raisonnable et constructif. Et je remercie le rapporteur général de l'Assemblée nationale de son écoute, et pour le temps qu'il a consacré à nos propositions. Certes, toutes ne resteront pas inscrites dans le texte, mais des engagements ont été pris entre nous pour que les dossiers avancent. Ainsi en est-il notamment des compensations des collectivités territoriales - sur lesquelles nous reviendrons dans le cadre du projet de loi de finances (PLF) -, et de l'amélioration du fonctionnement du fonds de solidarité, en particulier vis-à-vis des travailleurs indépendants.

De même, s'agissant de la question de la compensation de la taxe d'habitation soulevée au travers de l'amendement de M. Michau, je m'engage à ce que nous en reparlions lors des discussions du PLF.

En tout état de cause, sont conservés, parmi les propositions des sénateurs, le maintien des crédits dédiés au sport initialement prévus pour être annulés, la suppression du rétablissement du droit à l'image collective dans sa version de 2010, l'enveloppe de 500 000 euros de la Micaf qui devait être annulée, et le fait que les 50 millions d'euros qui ne sont pas nécessaires pour compenser Action Logement restent au bénéfice des régimes de sécurité sociale.

Dans la rédaction de compromis, nous sommes aussi parvenus à dégager 8 millions d'euros supplémentaires pour la filière équine, et à allouer 20 millions d'euros pour le département des Alpes-Maritimes, durement frappé par les catastrophes naturelles.

Enfin, concernant les avances remboursables en faveur des AOM, la rédaction du Sénat a été conservée, intégrant une clause de retour à meilleure fortune et un délai minimal de remboursement de six ans. Pour des raisons techniques de fonctionnement des avances remboursables, nous avons toutefois prévu que le remboursement devrait se faire dans les dix ans.

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