Je vous prie d'abord de bien vouloir excuser le président Rapin, retenu en séance par un projet de loi dont il est rapporteur : l'ordre du jour des travaux du Sénat a été modifié hier soir.
À la suite du retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne, le 31 janvier dernier, une année de transition s'est ouverte qui se terminera le 31 décembre prochain ; elle devait permettre de convenir d'un nouveau partenariat avec le Royaume-Uni, devenu un État tiers, mais toujours aussi intégré économiquement à l'Union européenne et proche d'elle sur les plans géographique et historique. Nous voici aujourd'hui au pied du mur, puisque le négociateur en chef pour l'Union européenne, notre ami Michel Barnier, avait indiqué que deux mois étaient nécessaires pour permettre la validation parlementaire du futur accord euro-britannique dans les temps... Le Conseil européen du 15 octobre dernier n'a pu que constater les divergences persistantes entre Londres et Bruxelles et rappeler que l'accord de retrait et ses protocoles, conclus il y a un an, devaient être mis en oeuvre intégralement et en temps voulu, alors même qu'ils sont directement mis en cause par le projet de loi sur le marché intérieur britannique, qui est encore en cours d'examen. Après avoir claqué la porte la semaine dernière, le Royaume-Uni est revenu à la table des négociations à la faveur de propos de Michel Barnier, qu'il a jugés rassurants. Comment sortira-t-on, monsieur le ministre, de ce mauvais vaudeville ?
Nous souhaitons savoir si la négociation, qui s'intensifie enfin, a des chances d'aboutir : où en est-on sur les principaux points d'achoppement, à commencer par la pêche ? C'est un sujet qui me tient particulièrement à coeur, moi qui ai été président de la commission de la pêche du Parlement européen pendant cinq ans. Nous sommes soucieux pour nos pêcheurs qui dépendent, pour plus du tiers de leurs prises, des eaux britanniques, mais aussi pour la filière transformation du poisson qui fait vivre plusieurs de nos ports. Nous sommes aussi préoccupés par l'avenir du marché intérieur : son intégrité est menacée par le risque d'une concurrence déloyale à ses portes et l'insuffisance des contrôles sur la frontière en mer d'Irlande. Le backstop n'est plus une solution.
Ces enjeux essentiels ont naturellement été repris dans le mandat de négociation défini par les Vingt-Sept. On peut aujourd'hui s'interroger : avec toutes les lignes rouges tracées dans ce mandat, quelle marge de négociation est laissée à Michel Barnier ? Dans quelle mesure peut-on espérer que le Royaume-Uni consente à continuer d'appliquer les règles de l'Union, alors qu'il a choisi de la quitter précisément pour recouvrer sa souveraineté, qu'il fait de cette reconquête un symbole politique et qu'il annonce déjà la création d'une dizaine de ports francs sur ses côtes ? Peut-on compter sur le levier que constitue l'octroi de l'équivalence pour les services financiers, même si le fonctionnement des marchés financiers européens dépend largement de la place de Londres ?
Nos inquiétudes concernent aussi la période qui s'ouvrira au 1er janvier 2021 : quelle que soit l'issue de la négociation, plus rien ne sera comme avant en matière de circulation des personnes, d'énergie, de sécurité et défense, de protection des données personnelles, de recherche, d'espace... Dans tous ces champs, quelles sont les perspectives de coopération que nous pouvons envisager avec le Royaume-Uni ?