Madame Fournier, sur l'arrêt de l'Eurostar à Calais-Fréthun, je ne suis pas en mesure de vous dire si nous pourrons donner droit à cette demande, mais j'en prends note et je m'engage à la relayer auprès de mon collègue des transports et de l'opérateur concerné.
En ce qui concerne le rôle des élections américaines dans l'attitude britannique, il ne nous appartient pas de nous immiscer dans cette relation du grand large, mais le Royaume-Uni se rend compte en cette matière qu'il est peut-être plus européen qu'il ne le pensait et que son opinion est sensible aux questions de qualité alimentaire, d'environnement et de santé. Justement, un point soulevé lors des négociations commerciales entre ces deux pays était la reconnaissance mutuelle des standards alimentaires et le respect des normes ; pour l'instant, ces négociations semblent avoir peu progressé. Les États-Unis seront vigilants - Joe Biden l'a dit, mais je pense que Donald Trump le pense également - au respect par les Britanniques de leurs engagements ; Nancy Pelosi et d'autres personnalités américaines ont dit ne pas vouloir signer d'accord commercial avec un pays qui ne respecte pas ses engagements internationaux.
Pour ce qui nous concerne, nous souhaitons éviter les réexportations sans vérification du respect initial de nos standards dans les procédés de production. C'est ce sur quoi nous devrons être vigilants, si un accord commercial est conclu entre le Royaume-Uni et les États-Unis.
L'accord commercial conclu entre le Japon et le Royaume-Uni est un bon exemple, monsieur Marie. En effet, selon nos informations, cet accord est, à 99 %, voire davantage, le décalque de l'accord signé entre l'Union européenne et le Japon ; sans cela, il n'aurait pu être négocié dans ces délais... C'est donc évident, la souveraineté est loin d'être mieux protégée en n'étant que nationale. J'en suis convaincu, si l'accord entre l'Union européenne et le Japon n'avait pas été préalablement conclu, les Britanniques seraient encore en train de négocier avec le Japon et l'accord leur serait probablement moins favorable. L'Europe n'est pas parfaite, sans doute, mais c'est la première puissance commerciale mondiale et elle pèse plus dans les négociations commerciales qu'une économie nationale, si importante soit elle, engagée dans une négociation bilatérale.
Madame Harribey, la question de la protection des données personnelles est très importante. Au 1er janvier prochain, les Britanniques respecteront les mêmes règles que les nôtres, mais nous garderons un levier unilatéral et, si les Britanniques dégradaient, dans les mois qui suivent, leurs standards par rapport au RGPD, nous réévaluerions nos contreparties. Du reste, si nous négligions de le faire - vous avez cité le Privacy Shield, qui a succédé au Safe Harbour, dans le cadre de la protection des données personnelles entre l'Union et les États-Unis -, la Cour de justice de l'Union européenne nous imposerait un nouveau cadre de protection de nos données avant tout nouveau transfert. Les institutions européennes vérifient scrupuleusement le respect de nos standards et cela s'appliquera si l'on soupçonne un dumping britannique en la matière.
Madame Gruny, votre question portait sur notre relation avec l'Irlande et en particulier sur la question du land bridge. Nous avons la garantie que les transferts de marchandises transitant par le Royaume-Uni, mais ne relevant que d'un mouvement Irlande-France, seront considérés comme une circulation au sein du marché intérieur. Nous préserverons ce land bridge.
Sur les contreparties des ports francs, il n'y a rien de tangible pour l'instant, ce n'est qu'une alerte. Il y a effectivement des risques de désalignement ou de dumping britannique dans plusieurs domaines. Je ne crois pas à un « Singapour-sur-Tamise », à un dumping généralisé, parce que ce n'est pas, au fond, le modèle européen des Britanniques et que l'on construit une relation commerciale dans la durée, mais nous devons nous préparer à des actions ciblées de dumping dans tel ou tel domaine, moins encadrés que la finance : chimie, industrie automobile ou autres.
Monsieur Marie, il n'y aura pas d'accord séparé sur la pêche et il ne peut y en avoir un ; ce serait trop facile. Nous ne céderons pas à la technique du salami, c'est très clair pour nous et ça l'est maintenant pour les Vingt-Sept. Nous n'accepterons pas un accord séparé - ni un accord conclu à part, ni le fait de considérer la pêche comme une variable d'ajustement - et ce n'est pas non plus l'optique de Michel Barnier. Ce dernier a été très clair à l'égard des Britanniques : il ne négociera pas la question de la pêche à la dernière heure de la dernière nuit, ce qui reviendrait à un accord séparé. La question de la pêche a donc été abordée lors des négociations de cette semaine afin de ne pas isoler cette question. Cela dit, je prends note de votre vigilance, qui nous aide, car nous pouvons en faire état auprès du négociateur. Pour l'instant, la fermeté et l'unité ont été exemplaires ; il faut les maintenir jusqu'au bout, il faut tenir bon.
Vous avez également évoqué le rôle de la Cour de justice de l'Union européenne. Ce point de difficulté était, pour le Royaume-Uni, plus symbolique qu'autre chose, mais ce qui compte pour nous, c'est l'efficacité ; on doit pouvoir vérifier le respect des règles, notamment en matière d'aides d'État, et sanctionner les manquements. La Cour est compétente pour l'application de l'accord de retrait ; pour les relations futures, le négociateur explore des solutions permettant de garantir l'application de notre niveau d'exigence réglementaire.
Vous posez la question du respect de nos normes en matière agricole, monsieur Gremillet ; cela vaut d'ailleurs tant pour nos relations avec le Royaume-Uni que dans le cadre du CETA ou du Mercosur, même si c'est encore plus important à l'égard des Britanniques, avec qui nos échanges agricoles sont dix fois plus importants qu'avec le Canada. On arrive assez bien à assurer le respect de nos normes sanitaires et environnementales - aucun produit n'entre en Union européenne s'il ne respecte nos normes alimentaires - ; en revanche, on a encore du mal à reconstituer, techniquement, les procédés de production, qui peuvent présenter un avantage comparatif. C'est au travers de règles unilatérales que nous lutterons efficacement contre le dumping et les subventions.
Vous avez souligné le rôle du ministre Julien Denormandie pour le verdissement de la politique agricole commune (PAC) à Luxembourg, la semaine dernière. Les écorégimes sont un facteur important de verdissement équitable : non seulement le seuil est ambitieux - au moins 20 % des dépenses du premier pilier de la PAC -, mais il est obligatoire, aucun pays ne peut s'en abstenir. Sans cela, nous sommes vertueux seuls et ce n'est ni efficace ni équitable.
Madame Jourda, la coopération judiciaire et policière est effectivement un enjeu prioritaire de la négociation. Je ne sais où nous aboutirons, mais ce serait dans l'intérêt de tous que les Britanniques gardent l'accès à certains de nos outils ou bases de données en matière de renseignement, de protection des frontières et de coopération judiciaire et policière. Néanmoins, nous devons aussi protéger l'autonomie européenne ; le Royaume-Uni ne doit pas pouvoir accéder, en tant qu'État tiers, à toutes les informations injectées dans les outils.
Sur le mandat d'arrêt européen, les Britanniques sont plus fermés ; nous souhaiterions en garder le principe, au travers de cet outil ou d'un autre. On l'a vu en matière terroriste, ce dispositif a permis d'accélérer de plusieurs années le transfèrement de certaines personnes. Le Royaume-Uni en fait un enjeu de souveraineté, mais il est dans l'intérêt de tous de préserver une coopération en la matière, car cela fonctionne dans les deux sens.