Intervention de Elisabeth Borne

Commission des affaires sociales — Réunion du 18 novembre 2020 à 16h30
Projet de loi de finances pour 2021 — Audition de Mme élisabeth Borne ministre du travail de l'emploi et de l'insertion

Elisabeth Borne, ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion :

Dans cette période difficile, le ministère du travail a un rôle fondamental à jouer. Je souhaite à cet égard saluer l'engagement des agents du ministère et de ses opérateurs, très mobilisés sur le terrain.

Pour les secteurs en difficulté ou concernés par les fermetures administratives, nous amplifions les mesures exceptionnelles de soutien aux emplois et aux entreprises. C'est pourquoi le 4e projet de loi de finances rectificative (PLFR) ouvre 20 milliards d'euros supplémentaires pour 2020, dont plus de 2 milliards d'euros sur l'activité partielle. Notre objectif est de maintenir des conditions très protectrices pour les entreprises et les salariés dont l'activité est partiellement ou totalement arrêtée.

La situation sanitaire, loin de remettre en cause les dispositifs du plan de relance, en montre au contraire toute la pertinence. Comme l'a rappelé le Premier ministre le 20 octobre dernier, la territorialisation du plan de relance est un gage d'efficacité et de cohésion et sera l'un des facteurs de sa réussite. Comme je l'ai indiqué dans une circulaire du 18 septembre dernier, les politiques de l'emploi et de l'insertion doivent donc, plus que jamais, faire l'objet d'une coopération renforcée avec chaque niveau de collectivité. C'est pourquoi les élus locaux ont été associés à l'élaboration des objectifs territoriaux partagés du plan « 1 jeune, 1 solution ».

Le budget de relance porté par le PLF pour 2021 est un budget ambitieux, qui mobilise des moyens sans précédent, pour à la fois donner à chacun les armes permettant d'accéder à l'emploi et de s'y maintenir durablement et donner à nos entreprises les compétences nécessaires aux métiers de demain, afin qu'elles soient plus résilientes et plus compétitives.

Pour 2021, les crédits alloués au ministère du travail, de l'emploi et de l'insertion se décomposent en deux volets.

D'une part, les crédits de la mission « Travail et emploi », qui constituent le budget « socle » de mon ministère : ce budget est en augmentation de plus de 400 millions d'euros et s'élève à 13,2 milliards pour 2021, conformément aux trajectoires prévues avant la crise. En outre, dans le cadre du renforcement de la Stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté, nous avons proposé de nouvelles mesures dans le cadre du 4e PLFR pour 2020.

D'autre part, les crédits exceptionnels de la mission « Plan de relance » viennent s'ajouter à cet effort : 10 milliards d'euros de crédits de paiement sont alloués à mon ministère sur les 22 milliards d'euros de « France relance » pour 2021. Ce budget « de relance » permet ainsi de renforcer considérablement le budget « socle » du ministère et donc l'efficacité de son action d'insertion et de maintien de tous dans l'emploi. Cette action consiste à déployer quatre priorités, que j'aborderai successivement.

Premièrement, face à la crise, nous déployons une réponse massive, un véritable « bouclier anti-licenciements », pour sauvegarder et développer les emplois.

Dans le cadre de la relance, nous mobilisons un effort substantiel de 7,6 milliards d'euros, dont 2,2 milliards d'euros financés par l'Unedic, pour prendre en charge l'activité partielle et la formation des salariés pendant leur temps non travaillé. L'objectif est de réarmer nos entreprises pour qu'elles sortent de la crise plus compétitives grâce à des salariés qui seront montés en compétences, et, en même temps, de rendre aux salariés la maîtrise de leur parcours en leur donnant des perspectives crédibles de reconversion.

Sur ces fonds, 500 millions d'euros seront alloués au dispositif « Transitions collectives », présenté en Conférence du dialogue social il y a deux semaines et qui vise à favoriser les transitions professionnelles interbranches. Celui-ci consiste à prendre en charge tout ou partie de la rémunération et de la formation des salariés dont l'emploi est menacé de disparition pour qu'ils se reconvertissent dans des métiers porteurs présents sur le même territoire. Un appel à manifestation d'intérêt sera prochainement lancé pour déployer ce dispositif auprès de bassins d'emplois pilotes.

Deuxième priorité : veiller à donner à tous les jeunes, quelle que soit leur situation, des solutions d'insertion dans l'emploi. Le ministère du travail pilote ainsi la plus grande partie des 6,7 milliards d'euros du plan « 1 jeune, 1 solution », soit 5,7 milliards d'euros dont 3,6 milliards en 2021.

D'une part, nous faisons le pari du soutien à l'embauche : depuis l'été, nous avons mis en place des primes exceptionnelles pour encourager les embauches de jeunes et les signatures de contrats en alternance.

D'autre part, tous les dispositifs existants d'accompagnement et d'inclusion des jeunes dans l'emploi sont renforcés. Grâce aux crédits du plan de relance, nous ouvrons ainsi 300 000 places supplémentaires en accompagnement et inclusion à destination des jeunes : 50 000 nouvelles places en Garantie jeunes, soit une augmentation de 50 % ; 80 000 nouvelles places en parcours contractualisés d'accompagnement adapté vers l'emploi et l'autonomie (PACEA) pour 22 millions d'euros, en plus des places déjà prévues dans le budget « socle », soit un objectif total de 420 000 jeunes accompagnés en 2021 ; 140 000 places supplémentaires en Accompagnement intensif jeunes (AIJ) par Pôle emploi. Enfin, nous renforçons fortement le budget des missions locales en leur attribuant 100 millions d'euros supplémentaires, ce qui porte leur enveloppe à 472 millions d'euros.

Troisième priorité : nous renforçons tous les dispositifs d'insertion « sur mesure », destinés aux publics les plus fragiles et les plus éloignés de l'emploi.

Nous attribuons aux emplois francs 93 millions d'euros supplémentaires d'autorisations d'engagement pour 2021, ce qui correspond à plus de 33 000 nouvelles entrées. Nous mettons en place pour les jeunes 60 000 nouveaux parcours emplois compétences (PEC) en 2021, qui s'ajoutent aux 20 000 PEC supplémentaires déjà prévus dans le budget « socle ». Nous avons proposé, dans le 4e PLFR pour 2020, d'augmenter leur budget de 120 millions d'euros.

En plus de cet effort en faveur des jeunes, la Stratégie pauvreté renforce le dispositif en faveur des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) et des zones de revitalisation rurale (ZRR) en doublant la cible en nombre de places, avec 12 000 places supplémentaires, et en augmentant à 80 % le taux de prise en charge de ces PEC. J'ai bien entendu l'alerte des maires sur la situation dans les QPV ; dans la crise que l'on traverse, les territoires fragiles doivent recueillir la plus grande attention.

Ensuite, nous augmentons de plus de 204 millions d'euros au total les crédits alloués aux dispositifs d'insertion par l'activité économique (IAE), dont 62 millions d'euros issus du plan de relance. Ces crédits permettront notamment la priorisation de 35 000 places dans l'IAE au bénéfice des jeunes et l'attribution de 25 000 aides à la création d'entreprises. En outre, nous avons proposé d'ouvrir 30 000 places supplémentaires et d'augmenter les crédits de 150 millions d'euros dans le cadre du 4e PLFR. En effet, tout doit être fait pour prévenir les risques de bascule de nos concitoyens dans la pauvreté.

Nous augmentons également de 23 millions d'euros le budget alloué aux entreprises adaptées pour les personnes en situation de handicap, en favorisant les passerelles vers les entreprises de droit commun.

Nous dotons l'expérimentation « Territoires zéro chômeur de longue durée » de 11 millions d'euros supplémentaires par rapport à l'exécution 2020 afin d'en financer la deuxième phase. Je remercie d'ailleurs madame la rapporteure ainsi que les parlementaires de tous les groupes investis sur la proposition de loi autorisant la prolongation de l'expérimentation, qui a abouti à une commission mixte paritaire (CMP) conclusive.

Enfin, le service public de l'insertion et de l'emploi (SPIE), devrait se déployer à titre expérimental dans 30 territoires en 2021, puis dans 35 supplémentaires en 2022. Nous avons proposé d'y consacrer 30 millions d'euros dès 2020 dans le cadre du 4e PLFR. Cette mise en oeuvre de l'expérimentation du SPIE repose sur la pleine association des conseils départementaux.

Quatrièmement, nous déployons un effort substantiel de formation à tous les moments de la vie professionnelle. Dans le cadre du budget « socle », le plan d'investissement dans les compétences (PIC) bénéficie d'un nouvel engagement de 3,3 milliards d'euros en 2021. Dans le cadre de la relance, nous investissons plus de 1,7 milliard d'euros, dont 1 milliard dès 2021, dans les formations aux métiers porteurs ou en tension, et 500 millions d'euros dès 2021 pour ouvrir 100 000 formations aux métiers d'avenir s'adressant aux jeunes. Dans les prochaines semaines, cet engagement supplémentaire dans la formation se matérialisera par la signature des avenants aux pactes régionaux d'investissement dans les compétences (PRIC). Nous engageons également près de 500 millions d'euros pour financer un vaste plan de digitalisation de l'offre de formation continue.

Ce budget 2021 présente de solides garanties d'efficacité.

Tout d'abord, les services déconcentrés du ministère du travail sont pleinement mobilisés pour faire connaître aux entreprises les outils de relance et les orienter vers les dispositifs qui leur sont le plus adaptés. Je compte également sur le haut-commissaire à l'emploi et à l'engagement des entreprises, Thibaut Guilluy, pour accompagner l'appropriation des mesures par les entreprises.

Ensuite, les conditions d'exécution de ce budget seront souples. Certes, le ministère contribue à l'effort de maîtrise des finances publiques, mais, compte tenu de la hausse de charge de travail liée à la crise, j'ai veillé à ce que des recrutements soient possibles en contrat à durée déterminée (CDD) dans les services déconcentrés du ministère et à Pôle emploi.

Les conditions d'exécution seront également ajustées à la maille des territoires. Un comité régional de pilotage et de suivi du plan de relance est institué dans chacune des régions, sous la co-présidence du préfet de région et du président du conseil régional, comprenant notamment les représentants des collectivités locales. Leurs travaux permettront d'apprécier les éventuels redéploiements à effectuer, au fur et à mesure de la réalisation des projets locaux, pour obtenir une efficacité maximale des crédits. À cette fin, les préfets de département seront consultés dans le cadre d'un comité départemental du plan de relance comprenant notamment les présidents d'intercommunalités. Évidemment, les parlementaires doivent être associés à ces instances de pilotage.

Comme vous le voyez, tous les niveaux de collectivités sont donc associés à l'exécution du plan de relance. C'est la raison pour laquelle j'ai choisi d'intensifier mes rencontres avec les présidents de région et avec Régions de France. Ainsi, j'ai installé le Comité emploi-formation État-régions le 6 novembre dernier. Très prochainement, nous nous appuierons également sur les nombreuses initiatives portées par le bloc communal afin d'illustrer de manière concrète les dispositifs du plan « 1 jeune, 1 solution » grâce à des territoires pilotes.

Déjà, des signaux positifs de mobilisation nous remontent du terrain.

En août et septembre, nous enregistrons près de 700 000 embauches de jeunes de moins de 26 ans recrutés en CDD de plus de 3 mois ou en contrat à durée indéterminée (CDI), soit une hausse de + 1,3 % par rapport à 2019.

Les primes à l'embauche de jeunes montent en charge. Les premiers chiffres montrent que la dynamique est engagée, avec plus de 100 000 demandes de prime à date. Il nous appartient collectivement d'accompagner leur montée en charge.

Les perspectives de l'apprentissage sont également positives : les demandes de prime à l'embauche d'un apprenti ont, elles aussi, dépassé la barre des 100 000. On observe en outre une dynamique très positive des signatures de contrats, avec 314 000 contrats signés à mi-octobre, ce qui nous permettra d'atteindre le niveau historique de 2019, voire de le dépasser.

Pour amplifier ces résultats, je m'assurerai que les secteurs bénéficiaires de « France relance » s'engagent pour l'emploi, notamment à travers des clauses de marchés publics en faveur de l'apprentissage et de l'insertion.

La crise a rendu ce budget plus que jamais nécessaire. Face aux défis qui sont devant nous, nous devons être collectivement au rendez-vous de l'augmentation des moyens de formation et d'inclusion de tous dans l'emploi, redonner à nos concitoyens des perspectives d'avenir et conforter l'évolution vers une économie plus compétitive et plus solidaire.

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