Intervention de Jacques Mézard

Réunion du 25 mars 2009 à 14h30
Simplification et clarification du droit — Article 63

Photo de Jacques MézardJacques Mézard :

Cet amendement vise à supprimer l’article 63.

Nous partageons – nous y reviendrons – les observations qui ont été faites concernant les ordonnances pénales. En effet, permettre l’utilisation de l’ordonnance pénale pour pratiquement tous les délits est extrêmement grave.

Pour ce qui concerne les modifications apportées à la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, je rappelle que celle-ci a été introduite par la loi du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, dont les objectifs, pour le moins antagonistes, étaient d'augmenter le taux de réponse pénale tout en diminuant les délais de traitement des affaires pénales.

Quatre ans après son introduction, cette procédure, dont, pour notre part, nous ne remettons pas en cause le principe, a montré ses limites, puisqu’elle n'a pas atteint les objectifs initiaux de ses initiateurs. On s’est surtout rendu compte qu’elle avait remplacé la présomption d'innocence par une présomption de culpabilité dès lors que l'aveu a été prononcé, déplaçant ainsi la réponse pénale vers la capacité de négociation du prévenu.

Or le présent article, qui ne constitue ni une simplification ni une clarification du droit, introduit une modification substantielle d’éléments fondamentaux de la procédure pénale, en élargissant encore le dispositif de la CRPC, malgré la suppression par la commission de certaines des dispositions proposées dans le texte initial. Je salue à cet égard le travail de la commission des lois du Sénat et les propositions qu’elle a faites.

Je ne partage pas tout à fait l’analyse de mon excellent collègue Jean-Pierre Sueur sur les conditions de délai de comparution du prévenu devant le magistrat du siège. S'il vise à faciliter le recours à la CRPC, un tel assouplissement risque au contraire d'augmenter le nombre d'échecs, puisque le prévenu disposera d'un mois pour réitérer ses aveux.

Or, en cas d’échec, – et il faut s’en souvenir car il existe souvent un décalage entre les positions de principe et la pratique – les déclarations et documents relatifs à la déclaration de culpabilité ne pourront pas être invoqués devant la juridiction répressive. De plus, la durée de la procédure de CRPC viendra s’ajouter à celle de la nouvelle procédure, ce qui ne me semble pas constituer une simplification.

Surtout, comme l’a rappelé Jean-Pierre Sueur, et je partage totalement ses observations sur ce point, la possibilité de mettre en œuvre concomitamment la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité et une convocation devant le tribunal correctionnel contourne explicitement l’arrêt rendu par la chambre criminelle de la Cour de cassation le 4 octobre 2006, lequel a prohibé cette pratique parquetière de la double convocation qui se justifiait par une seule logique de rendement. Il est important de voir, dans la pratique, quels principes fondamentaux sont atteints.

Or la procédure de CRPC déroge déjà très largement aux principes habituels de notre procédure pénale, puisque, une fois l’aveu prononcé, la culpabilité est admise. Le dispositif proposé, qui n’a pas sa place dans un texte de simplification et de clarification, va encore accentuer la pression sur les prévenus en les plaçant devant la seule alternative d’accepter une peine atténuée ou de prendre le risque d’une condamnation à une peine jusqu’à deux fois supérieure.

En pratique, lorsqu’on propose une CRPC à une personne poursuivie, on lui explique qu’en cas de refus elle passera devant le tribunal correctionnel. Cela l’incite très naturellement à accepter cette procédure sans discussion… J’ai pu moi-même constater que, dans un certain nombre de tribunaux, les choses se passent ainsi, ce qui ne me semble pas opportun.

Au surplus, il ne nous semble pas nécessaire d’étendre davantage le système de l’ordonnance pénale, le parquet disposant déjà d’un arsenal suffisamment important. Dans cette procédure, la personne poursuivie n’a aucun contact avec le magistrat. Certes, elle peut ensuite faire opposition mais ce n’est pas courant, car cela n’est pas forcément facile pour tous les prévenus.

Enfin, mes chers collègues, je prendrai un exemple relatif à la composition pénale, autre procédure accélérée de jugement. D’excellents rapports ont été rédigés sur ce sujet par la mission de recherche Droit et Justice.

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