Il me revient aujourd'hui de vous présenter les crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l'État » dans le cadre du projet de loi de finances pour 2021.
Cette mission, pilotée par le ministère de l'intérieur, poursuit trois objectifs : garantir aux citoyens l'exercice de leurs droits dans le domaine des libertés publiques, assurer la continuité de l'État sur l'ensemble du territoire et mettre en oeuvre au niveau local les politiques publiques nationales.
Si les crédits de la mission prévus par la loi de finances pour 2021, qui s'élèvent à 4,2 milliards d'euros, sont en légère hausse par rapport à l'année dernière, leur augmentation cache une évolution très hétérogène selon les programmes.
D'une part, les crédits consacrés au programme 216 « Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur », auquel sont rattachés les moyens du pilotage des fonctions support et de la gestion des affaires juridiques et contentieuses du ministère, sont en légère augmentation pour permettre la poursuite des réformes engagées en 2020. Il s'agit principalement de la montée en puissance de la direction du numérique, créée en 2020 et qui accompagne le mouvement de dématérialisation des démarches administratives et le développement de grands projets numériques comme le déploiement de la carte nationale d'identité électronique prévu pour l'année prochaine.
D'autre part, le programme 232 « Vie politique, cultuelle et associative », dont les crédits financent l'exercice des droits des citoyens dans le domaine des élections, de la vie associative et de la liberté religieuse, enregistre une hausse spectaculaire de plus de 80 % de ses crédits pour financer les élections départementales, régionales et territoriales prévues en 2021.
Cette augmentation s'explique à la fois par le nombre traditionnellement élevé de candidats aux élections départementales et les modalités particulières d'organisation des scrutins en période de crise sanitaire. Le coût du déploiement du protocole sanitaire dans les 140 000 bureaux de vote est ainsi estimé à 25 millions d'euros pour 2021.
Notons cependant que les crédits du programme 232, déjà en forte augmentation par rapport à 2020, devront être revus à la hausse en cas de report des élections. M. Jean-Louis Debré, dans son rapport remis au Premier ministre vendredi dernier, préconise en effet le report des élections au mois de juin 2021 et la mise en place de mesures comme la majoration du plafond des dépenses de propagande, le doublement du format des professions de foi ou le développement du vote par correspondance. Ces mesures, qui n'ont pas été budgétées, font peser de nombreuses incertitudes sur le coût réel du programme. C'est en effet au législateur, comme vous le savez, que reviendra la décision du report des élections.
Quant au programme 354 « Administration territoriale de l'État », qui comprend notamment les moyens des préfectures, des sous-préfectures et des directions départementales interministérielles, le projet de loi de finances pour 2021 prévoit une stabilisation globale de ses moyens qui diminuent de 3,7 % en autorisations d'engagement et augmentent de 1,7 % en crédits de paiement. C'est sur ce programme, qui supporte la majorité des crédits de la mission, que je m'attarderai.
Alors que le Premier ministre nous a annoncé dans sa déclaration de politique générale, le 16 juillet dernier, que les moyens de l'État seraient « confortés dans leur action quotidienne », force est de constater que la réforme de l'organisation territoriale de l'État se fera à moyens constants. Les annonces gouvernementales ont permis de reporter sur l'administration centrale les diminutions d'effectifs prévues au sein de l'administration déconcentrée. Mais le projet de loi de finances ne prévoit pas de véritable renforcement de la présence de l'État dans les territoires.
Certes, nous ne pouvons que saluer cette respiration salutaire, mais celle-ci n'est pas suffisante pour garantir aux services mis à mal par des années de réformes administratives et de diminution des effectifs les moyens de mener leur action.
Après la révision générale des politiques publiques (RGPP) et le plan préfectures nouvelle génération (PPNG) qui s'est achevé l'année dernière, le Gouvernement nous annonce déjà une nouvelle réforme de l'organisation territoriale, sans avoir pu dresser le bilan des précédentes réorganisations qui ont entraîné, depuis 2008, la suppression de 5 000 postes, soit 25 % des effectifs !
Loin de renforcer les moyens de l'administration, la première étape de la réforme de l'organisation territoriale de l'État s'inscrit dans la continuité de la rationalisation des moyens avec la création des secrétariats généraux communs aux préfectures et aux directions départementales interministérielles prévue au 1er janvier 2021. Cette mesure a vocation à mutualiser les fonctions support de l'administration territoriale. L'objectif d'une telle mesure est de créer une culture de travail commune et de générer des économies. Cependant, des interrogations subsistent sur le calendrier, les gains attendus et les conséquences d'une telle réforme sur les agents concernés. Le ministère de l'intérieur nous a par exemple indiqué, en audition, qu'il ne serait pas en mesure d'assurer le versement des payes des agents au 1er janvier 2021 qui sera donc géré par les ministères d'origine.
Budgétairement, la création des secrétariats généraux communs se traduit par une augmentation de 2,5 % des équivalents temps plein travaillé (ETPT) du programme qui s'explique entièrement par des transferts entrants provenant d'autres ministères. Le projet de loi de finances pour 2021 ne prévoit donc aucune création d'emplois pour accompagner le renforcement de l'administration territoriale. Ceci est d'autant plus regrettable qu'un effort de 231 ETP reste à fournir pour atteindre les objectifs fixés par le plan préfectures nouvelle génération pour le renforcement des missions prioritaires.
Cette stagnation des moyens est particulièrement problématique à l'heure où, pour faire face à l'épidémie de covid-19, la présence de l'État dans les territoires aux côtés des citoyens et des élus locaux est plus que jamais nécessaire.
Si je salue la réactivité des administrations de l'État qui ont su rapidement mettre en place des schémas d'accueil des usagers en nombre restreint et développer le télétravail, conformément au plan de continuité de l'activité, je note que certaines préfectures et sous-préfectures sont démunies face à l'accroissement des sollicitations et à la désorganisation des services générés par la crise sanitaire.
En matière de contrôle de légalité, par exemple, le taux de contrôle des actes prioritaires a chuté à 74 % au premier semestre 2020, soit 17 % de moins qu'au premier semestre 2019. Faute d'effectifs suffisants, les prévisions ont été revues à la baisse jusqu'en 2023, alors qu'il s'agit pourtant d'une mission prioritaire.
Durant le confinement, les services en charge de la délivrance des documents de séjour ont fermé leurs portes, ce qui a entraîné une hausse du stock de demandes, en partie limitée par la prolongation de la durée de validité des documents de séjour. De même, le stock de demandes de titres sécurisés (permis de conduire, passeports, etc.) a augmenté du fait du ralentissement de l'activité.
La stagnation des moyens humains et financiers consacrés au programme 354, qui intervient après plusieurs années de coupes budgétaires drastiques, n'est donc pas suffisante pour permettre un véritable renforcement de l'administration territoriale de l'État.
Même si, vous l'aurez compris, chers collègues, je considère que le niveau des crédits proposés en loi de finances pour 2021 pour la mission « Administration générale et territoriale de l'État » est insuffisant, je vous propose de réserver le vote sur l'adoption de ces crédits en attendant l'audition budgétaire du ministre de l'intérieur.