Intervention de Philippe Tabarot

Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable — Réunion du 17 novembre 2020 à 9h00
Projet de loi de finances pour 2021 — Mission « écologie développement et mobilité durables » - crédits « transports ferroviaires fluviaux et maritimes » « transports aériens » et « transports routiers » - examen du rapport pour avis

Photo de Philippe TabarotPhilippe Tabarot, rapporteur pour avis :

Cet avis est le fruit de nombreuses heures d'auditions. J'aimerais remercier toutes les personnes qui ont participé à nos travaux. Nous avons entendu de nombreux acteurs des secteurs ferroviaires, fluviaux et maritimes, ainsi que plusieurs ministres.

J'en viens à la présentation des différents volets autour desquels s'articule cet avis sur le PLF 2021, qui présente un caractère exceptionnel compte tenu de la crise sanitaire et économique que nous traversons.

Je commencerai par le financement des infrastructures de transports. L'agence de financement des infrastructures de transport de France (Afitf) a connu une importante baisse de ses recettes en 2020 (en particulier la contribution du secteur aérien, la taxe d'aménagement du territoire et les amendes-radars), sous l'effet de la chute brutale des trafics aérien et routier. Ces pertes ont néanmoins vocation à être quasiment intégralement compensées pour 2020 par la troisième loi de finances rectificative (LFR 3), qui a permis de verser à l'agence une première enveloppe de 250 millions, et a priori par le PLFR 4, qui est en cours d'examen.

Je suis plus inquiet pour le budget 2021 dans la mesure où les prévisions de recettes reposent sur des hypothèses plus qu'optimistes en matière de reprise des trafics aérien et routier.

Plus globalement, il semble qu'une réflexion doit s'engager sur l'avenir du financement de l'agence pour ne plus faire reposer des dépenses d'infrastructures qui sont certaines et de long terme sur des recettes qui sont incertaines. Je pointerai particulièrement le produit des amendes-radars, dont l'Afitf est la dernière bénéficiaire.

En ce qui concerne le secteur ferroviaire, étant donné les mutations profondes qui sont à l'oeuvre (création du groupe public unifié SNCF, ouverture à la concurrence) et l'importance de l'impact de la crise, il était essentiel, pour moi, de rencontrer les différentes parties prenantes.

Au terme de cette série d'auditions, trois lignes de force se dégagent :

Le PLF pour 2021 prévoit un soutien conséquent pour le secteur. En plus des crédits « traditionnels » prévus par le programme 203, sont notamment prévus un soutien au fret ferroviaire (de l'ordre de 170 millions d'euros), une recapitalisation à hauteur de 4,05 milliards d'euros de la SNCF au bénéfice de SNCF Réseau et un soutien supplémentaire au secteur de 650 millions d'euros, prévu par la mission « Plan de relance » sur 2 ans et fléché vers le développement des trains de nuit, du fret et la régénération des petites lignes. Je salue cet effort conséquent, compte tenu du contexte, au profit du secteur ferroviaire, et notamment du gestionnaire d'infrastructure, qu'il est impératif de soutenir. Je tiens néanmoins à souligner que, sur la forme, ce budget souffre d'un important manque de lisibilité, avec une répartition des crédits entre différents programmes, missions et ministères. Plusieurs acteurs concernés au premier plan par ce budget nous ont indiqué ne pas avoir connaissance de la ventilation précise de ces crédits.

Cet effort très conséquent mérite d'être pérennisé et intensifié. Il doit être pérennisé car les mesures prévues par le plan de relance ont vocation à être mises en oeuvre en 2021 et 2022. Or une visibilité de plus long terme est nécessaire pour les acteurs du secteur, a fortiori dans le contexte de l'ouverture à la concurrence. Ensuite, ce plan doit être amplifié. D'une part, les montants affichés sont très importants, mais une partie des crédits correspond soit à des compensations des pertes ou des retards liés à la crise sanitaire et au confinement, soit à des dépenses déjà prévues mais non-budgétées (comme la fin du glyphosate ou les investissements liés à la loi Didier). D'autre part, certains acteurs considèrent que les montants prévus ne permettront pas de tenir nos objectifs en matière de report modal. Ces remarques n'enlèvent rien au caractère indispensable des investissements prévus par le PLF pour 2021, mais il semble qu'il y a un glissement sémantique à nommer « Plan de relance » un projet qui s'apparente plus à un plan de soutien sur plusieurs aspects. Aussi, afin de renforcer ce soutien, je vous présenterai un amendement visant à augmenter les moyens consacrés aux lignes de desserte fine du territoire dans la mission « Plan de relance ».

Mon dernier point va au-delà de l'analyse budgétaire. Il porte sur la nécessaire instauration d'un climat de confiance dans la perspective de l'ouverture à la concurrence. À cet égard, je regrette que nous ayons à voter ce budget alors même que nous ne disposons pas encore de l'actualisation du contrat de performance entre SNCF et l'État, qui est un document stratégique, et alors que le cadre social et réglementaire de l'ouverture à la concurrence n'est pas encore tout à fait achevé. Dans ce contexte, le régulateur joue un rôle déterminant. Pour autant, alors que le champ de compétences de l'ART s'est considérablement étendu ces dernières années, ses moyens n'ont pas été augmentés. C'est pourquoi je vous présenterai deux amendements visant à élever son plafond d'autorisation d'emplois.

En ce qui concerne le transport fluvial, le PLF prévoit une importante augmentation des crédits d'investissements pour la régénération du réseau avec, en plus des 248 millions d'euros de subvention pour charge de service public qui sont versés à Voies navigables de France (VNF), une enveloppe supplémentaire de 175 millions d'euros prévue par le plan de relance. Cette hausse est particulièrement bienvenue, alors que le réseau fluvial a, comme le réseau ferroviaire, souffert de dizaines d'années de sous-investissements. Cette évolution positive est toutefois nuancée par la diminution de 99 ETP du plafond d'emplois de VNF. Certes, l'établissement est engagé dans une démarche de modernisation qui, à terme, permettra de dégager des gains de productivité. Je m'interroge néanmoins sur le séquençage de ce projet : cette diminution du plafond d'emplois ne serait-elle pas un peu précoce ?

Par ailleurs, le transport fluvial, et en particulier le fret fluvial, a fait preuve d'une grande résilience pendant la crise sanitaire, avec un trafic qui s'est maintenu à hauteur de 75 % en moyenne, notamment grâce aux mesures de soutien mises en place par VNF et par l'État. Ce constat plaide en faveur d'un développement du report modal vers la voie d'eau, qui reste encore fortement sous-exploitée : si la France dispose du premier réseau fluvial d'Europe, la part modale du transport fluvial dans le transport intérieur terrestre de marchandises dépasse à peine les 2 %. Ce mode souffre notamment d'un important déficit de compétitivité face à la route, alors qu'il est fiable et écologique. C'est pourquoi je vous présenterai un amendement visant à améliorer sa compétitivité et à encourager le renouvellement de la flotte au profit de bateaux plus capacitaires et plus récents.

Le budget des affaires maritimes et portuaires se caractérise quant à lui par sa quasi-stabilité pour ce qui concerne les programmes 203 et 205, avec une légère diminution des crédits d'environ 2 millions d'euros. À cet égard, je tiens à saluer le maintien du soutien de l'État à la Société nationale de sauvetage en mer (SNSM) à hauteur de 10,5 millions d'euros. J'en profite pour indiquer qu'à la suite du rapport de M. Didier Mandelli au nom de la mission commune d'information sur le sauvetage en mer, un travail de démocratisation est en cours au sein de l'association.

En outre, 200 millions d'euros supplémentaires sont prévus par la mission « Plan de relance » en faveur du verdissement de la flotte des affaires maritimes d'une part et du verdissement des ports d'autre part, avec des investissements en faveur de l'électrification des quais, de la création de points d'avitaillement en gaz naturel liquéfié et en hydrogène ou encore du développement d'infrastructures de report modal.

Sur ce dernier point, je rappelle que plus de 80 % des pré- et post-acheminements portuaires reposent encore sur le mode routier. Aussi leur massification doit s'inscrire dans un plan bien plus ambitieux en faveur du report modal vers le fer et la voie d'eau. Le rapport de M. Michel Vaspart au nom de la mission d'information relative à la gouvernance et à la performance des ports maritime a évalué le besoin à 5 milliards d'euros environ sur 10 ans.

Cette enveloppe supplémentaire reste néanmoins bienvenue, et constitue une première étape qui doit être rapidement complétée par la publication de la stratégie nationale portuaire, annoncée il y a environ trois ans. Alors que la part de marché des grands ports maritimes français diminue par rapport à celle de leurs principaux concurrents européens, la compétitivité de nos ports doit urgemment s'améliorer. À cet égard, nous examinerons bientôt la proposition de loi de M. Michel Vaspart, qui traduit les principales recommandations de son rapport d'information.

En définitive, malgré les réserves et points d'attention que je viens d'exposer, le PLF 2021 prévoit un soutien conséquent en faveur des transports ferroviaires, fluviaux et maritimes. C'est pourquoi je vous propose d'émettre un avis favorable à ces crédits.

Je vous remercie.

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