L'examen du budget est ce grand moment démocratique qui fait l'esprit, la pratique et les institutions de la République. C'est le socle même du contrôle et donc de la confiance envers l'exécutif, ses missions, ses priorités. Et alors que notre pays traverse une crise d'une gravité inédite, ce moment est plus que jamais, nécessaire. Alors que la pandémie frappe durement notre pays et notre continent, alors que les Françaises et les Français s'inquiètent pour leur santé, celle de leurs proches, pour leur emploi, pour l'avenir de leurs enfants, de leur pays et de leur planète, nous avons la lourde responsabilité, vous comme moi, de redresser notre pays et de préparer l'avenir.
Le budget que je vous présente aujourd'hui est bâti pour faire face aux crises de notre époque, pour relever la France et pour faire entrer notre pays de plain-pied dans un nouveau siècle. C'est un budget profondément écologique, un budget pour l'avenir. Quand je dis profondément écologique, j'entends par là que l'écologie y est au coeur, au-delà des seules missions de mon ministère.
Je pense bien sûr au budget vert, qui introduit un nouvel impératif des finances publiques de la France : réduire le déficit écologique. Mesurer l'impact des recettes et des dépenses sur l'environnement, c'est transformer l'idée même que nous nous faisons du budget. C'est en faire un outil au service de la transition et nous mettre en accord avec nos ambitions. Ces ambitions sont autant de défis : atteindre la neutralité carbone, protéger la biodiversité, transformer tous les pans de la vie de notre pays, préparer nos territoires à affronter les effets inéluctables du changement climatique, nous rendre résilients.
Ces défis sont colossaux et nous n'avons pas d'autre choix que de réussir. Car, vous le savez, nous sommes à la croisée des chemins. Deux routes s'ouvrent à nous : celle du statu quo, de la poursuite « comme avant », de la catastrophe écologique. L'autre chemin, c'est la transition vers un monde plus sobre, plus juste et plus résilient, c'est-à-dire vers un monde qui s'invente un avenir au lieu de le détruire. Mettre notre pays sur ce chemin là et y avancer le plus vite possible, c'est la mission de mon ministère et c'est mon engagement. Pour cela, chaque minute compte. Et ce n'est pas qu'une image. Entre le moment où j'ai pris la parole et le moment où je cesserai cette intervention préliminaire : une espèce vivante aura disparu ! Dans la prochaine minute, un camion entier de déchets plastiques se déversera dans l'océan, comme à chaque minute de tous les jours. Nous sommes engagés dans une course contre la montre pour protéger notre planète, notre pays, nos concitoyens. Et c'est bien pourquoi le budget que je vous présente est un budget de combat qui donne à mon ministère les moyens d'agir.
Les moyens sont en hausse de 1,3 milliard d'euros pour l'ensemble du ministère et s'élèvent à 48,6 milliards pour l'année prochaine. C'est historique et c'est nécessaire pour nous porter à la hauteur de ces défis. Ces crédits permettront à mon ministère d'accélérer son action pour que notre pays réalise sa transition énergétique et pour développer les énergies de demain, renouvelables. Leur budget augmente d'ailleurs de 25 %. Et je veux ici, devant vous, redire que ce soutien aux énergies renouvelables doit aussi savoir évoluer pour être plus efficient. La révision de certains tarifs de rachat de contrats photovoltaïques que le Gouvernement vous propose est indispensable. Si nous ne faisions rien, 20 milliards d'euros supplémentaires iraient rémunérer des investissements déjà en partie amortis et qui pour certains affichent des taux de rentabilité très élevés, pour ne pas dire anormaux. Et si nous sommes responsables devant la nation de son avenir, nous sommes aussi comptables de l'emploi de l'argent du contribuable. Nous proposons donc de ramener les contrats à une rentabilité raisonnable, sans compromettre leur viabilité économique, d'allouer l'argent là où il est le plus nécessaire, le plus utile.
Mais surtout, avec ce budget, j'entends bien que nous allions beaucoup plus vite pour protéger notre pays et nos concitoyens. « Protéger », c'est la première raison d'être de l'État, la première responsabilité des dirigeants. Face au changement climatique, nous en avons le devoir, devant nos concitoyens et devant l'Histoire. En effet, nul ne peut plus aujourd'hui fermer les yeux sur ses conséquences. Elles sont déjà là. Elles touchent l'ensemble de nos territoires. En outre-mer, les tempêtes sont plus dures, plus destructrices, et avec le corail qui disparaît, ce sont d'importants enjeux économiques et humains qui s'ajoutent à l'enjeu environnemental. En métropole également, inondations, sécheresses, canicules, tous ces événements extrêmes sont plus intenses et plus fréquents, et cela risque de s'aggraver, nous le savons. Début octobre, nous en avons encore vu les effets quant à la Vésubie, à la Tinée, à la Roya, 500 mm de pluie sont tombés en moins de 10 heures, soit ce qu'il tombe normalement en 6 mois. Pour nos territoires, pour nos concitoyens, nous ne pouvons pas fermer les yeux. Ce que nous devons faire en tant que nation : c'est nous doter aujourd'hui des moyens de notre résilience de demain.
C'est l'ambition de ce budget, dont la part dédiée à la prévention des risques naturels majeurs est en très forte hausse de plus de 55 %. Dans les Alpes-Maritimes, le fonds Barnier, que nous augmentons, est déjà mobilisé. Avec ce budget, nous vous proposons d'aller plus loin au service des territoires et de porter l'idée d'une reconstruction plus efficace pour intégrer le risque et réduire notre vulnérabilité.
Je vous disais à l'instant que « protéger » était la première raison d'être de l'État. L'autre bataille que nous devons mener, c'est aussi celle du quotidien, celle de l'air que nous respirons toutes et tous.
L'exposition chronique de millions de nos concitoyens à un air pollué cause 48 000 décès prématurés chaque année, et cet air pollué aggrave le risque de développer des formes graves de la Covid-19. Là aussi, nous avons le devoir d'agir et de répondre à cette urgence sanitaire, environnementale et sociale. C'est pourquoi le budget 2021 nous donne les moyens de mieux contrôler la qualité de l'air et de soutenir les associations de surveillance. Il nous donne les moyens de répondre aux attentes des Françaises et des Français.
Il nous donne également les moyens d'être à la hauteur de la devise de notre République. Victor Hugo disait que « c'est par la fraternité qu'on sauve la liberté », et je suis fière que ce budget que je vous présente soit aussi à ce rendez-vous. Car la solidarité est l'expression de la fraternité, de ce lien qui nous lie les uns aux autres et fait de nous une nation. Alors oui, 200 millions d'euros sont déployés pour loger en urgence nos concitoyens et aider celles et ceux qui n'ont pas de logement à en retrouver un.
Nous avons aussi le devoir de protéger l'incroyable biodiversité de notre pays. 10 % des espèces connues sur la planète vivent en France, en métropole et en outre-mer. C'est une richesse inouïe, une chance qui nous oblige. Il ne s'agit pas seulement de protéger la nature pour des raisons morales ou esthétiques mais bien de préserver la mince couche de vie dont nous dépendons toutes et tous et dont dépend l'ensemble de notre société. Et je le dis ici, au Sénat, devant la chambre des territoires : cette biodiversité fait aussi partie de notre identité, locale comme nationale.
Sur ce sujet non plus, nous n'avons pas le choix : nous devons arrêter le déclin et l'inverser. Le Président de la République a donné le cap : un tiers du pays sous le statut d'aire protégée d'ici 2022. Avec nos partenaires et amis à l'étranger, nous travaillons à faire de même à l'échelle de la planète. Dans ce combat, le budget 2021 nous donne des munitions pour renforcer les moyens des offices spécialisés, pour créer des aires protégées, pour renforcer les parcs nationaux.
En première ligne du grand défi écologique, mon ministère a aussi la charge de transformer nos modes de déplacements. Et là aussi, ce budget nous donne les moyens de nos ambitions. Un seul exemple suffit à le montrer : le fret. Une tonne transportée par le rail, c'est neuf fois moins de CO2 qu'une tonne transportée par camion. C'est une solution économique et écologique, et c'est pour cela qu'avec ce budget, nous souhaitons développer l'utilisation du fret.
Je souhaiterais également vous dire un mot du plan de relance, inédit, de 100 milliards d'euros. Il place l'écologie au coeur de la relance en lui consacrant un tiers des crédits déployés. Avec ces 30 milliards d'euros, notre pays a enfin les moyens de se mettre sur une trajectoire de neutralité carbone. C'est inédit. Maintenant, je souhaite faire vivre la relance dans les territoires, déployer le plan et ses crédits là où c'est utile. Nous souhaitons que la relance se fasse par les territoires et ne vienne pas d'en haut. C'est pourquoi les préfets coordinateurs sont en place pour faire remonter les projets en lien avec les opérateurs de l'État.
Pour décarboner notre économie, nous avons aussi dans notre plan de relance un certain nombre de mesures pour construire les filières d'avenir comme l'hydrogène, lutter contre l'artificialisation et pour promouvoir l'économie circulaire.
Ce plan fait le pari de l'intelligence des territoires. Il est construit en confiance. Parce que c'est du terrain que viennent les solutions.
Je n'irai pas plus loin puisque je suis d'abord à votre disposition pour répondre à vos questions. Nous traversons une époque profondément troublée. Les crises s'additionnent, se multiplient, et nous devons faire face à l'urgence du moment sans perdre de vue le temps long, puisque pour notre jeunesse attend aussi des solutions d'avenir. Nous ferons face en créant des emplois, en transformant la vie de nos concitoyens, en produisant des résultats rapides et concrets, en accompagnant les territoires. Bref, en faisant vivre la République et ses promesses.
Telle est l'ambition de ce budget résolument écologique et j'espère que nous pourrons la porter ensemble.