Intervention de Christian Cambon

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 18 novembre 2020 à 9h30
Projet de loi de finances pour 2021 — Audition du général christian rodriguez directeur général de la gendarmerie nationale

Photo de Christian CambonChristian Cambon, président :

Nous accueillons ce matin le général Christian Rodriguez, directeur général de la gendarmerie nationale (DGGN), puis nous auditionnerons M. Olivier Brochet, directeur de l'AEFE sur le projet de loi de finances pour 2021 avant de commencer l'examen des rapports pour avis sur les premiers programmes budgétaires qui nous arrivent.

Je regrette qu'une partie de nos collègues doivent nous suivre en visioconférence, dispositif qui nous est imposé. Chaque semaine nous ne pouvons accueillir en présentiel que la moitié des effectifs, ce qui créé une certaine frustration. Je dois veiller au respect de ce dispositif et établir un roulement, ce qui est un exercice compliqué. Vous participez à la réunion même si vous subissez la double peine d'être physiquement absent et de devoir déléguer votre vote en vertu d'une décision du Conseil constitutionnel de mai dernier, qui n'autorise les votes au Parlement que lorsque les parlementaires sont présents.

Je veille également au respect des consignes sanitaires, aération, règles de distanciation...

Mon général, nous sommes très heureux de vous accueillir aujourd'hui pour cette audition budgétaire, d'autant que nous avons le plaisir de vous entendre pour la première fois. Vous avez en effet succédé au Général Lizurey le 1er novembre dernier.

Notre intérêt est grand pour vous entendre sur la gendarmerie car nous sommes tous interpellés par la présence de nos gendarmes sur notre territoire.

Vous savez à quel point notre commission et le Sénat conservent leur attachement à la gendarmerie sur laquelle repose beaucoup de contingences et de servitudes. La plus grande part de ses effectifs sont rattachés au ministère de l'intérieur. Mais la gendarmerie assume un certain nombre de responsabilités militaires et c'est notamment à ce titre que vous êtes devant nous.

Il y a plusieurs bonnes nouvelles budgétaires pour la gendarmerie nationale cette année, mais elles figurent davantage dans le projet de loi de finances rectificative de juillet dernier et dans le plan de relance que dans le programme 152 du présent projet de loi de finances pour 2021. Pourriez-vous nous présenter brièvement les apports de ces trois différents textes, en insistant notamment sur la question de l'investissement en matériels et sur celle de l'immobilier, que notre commission suit avec une particulière attention ?

De la même manière, nous revenons tous les ans sur le problème de la mise en réserve des crédits prévue par la LOLF, qui pénalise fortement l'exécution du budget de la gendarmerie en raison de la proportion élevée de ses dépenses non manoeuvrables, telles que les loyers. Nous plaidons depuis longtemps pour une meilleure prise en compte de cette spécificité et je crois que vous êtes en discussion avec le ministre à ce sujet : pouvons-nous espérer une avancée ?

Compte-tenu du contexte, vous évoquerez sans doute les sujets d'actualité que sont le rôle de la gendarmerie nationale dans la lutte contre le terrorisme et les effets du coronavirus sur votre activité.

Pourriez-vous enfin évoquer le nouveau Livre blanc sur la sécurité intérieure qui vient d'être mis en ligne sur le site du ministère : aura-t-il des conséquences d'ampleur sur l'organisation et le fonctionnement de la gendarmerie nationale ?

Je vous donne la parole pour une présentation générale avant les interventions de nos collègues.

Général Christian Rodriguez, directeur général de la gendarmerie nationale. - Je ne reviens pas sur le constat de crise permanente auquel nous sommes confrontés depuis plusieurs années.

Lors de ma prise de fonction, nous avons mis en place la mission « Gend 20.24 » qui s'articule autour de quatre piliers : mieux protéger la population, mieux progresser ensemble et en confiance en plaçant le gendarme au coeur de la conduite du changement, mieux accompagner via une expansion technologique pour construire le futur et mieux fonctionner en se dotant des outils et moyens nécessaires.

Concernant la protection de la population, nous devons apporter une offre de protection sur mesure avec l'ambition de mieux protéger la population qui est dans notre zone de compétence. Les priorités sont aujourd'hui multiples, dans un contexte de terrorisme et de risque sanitaire, ce qui nous conduit à avoir un niveau de vigilance maximale et à déployer un maximum de forces sur le terrain. C'est l'engagement des escadrons de gendarmerie mobiles qui tournent comme jamais, et des réservistes, entre 6 et 7 000 engagés aujourd'hui sur le terrain. C'est aussi apporter cette proximité que les élus et la population attendent avec des outils qui nous permettent de mettre en adéquation l'offre et la demande et d'être présent aux endroits en sous-effectif comme le grand Ouest. Les groupes de contact, les groupements de gendarmerie sont en train de se réformer en utilisant des algorithmes pour optimiser leur présence sur le terrain pour dégager du temps et être davantage au contact des élus et de la population. Les gains sont réels. On a 55 départements qui se sont engagés dans cette démarche et, en 2020, on a dégagé l'équivalent de 250 gendarmes que l'on peut affecter au contact et à la proximité. On arrive à augmenter progressivement cette présence sur la voie publique.

Nous avons reçu une Marianne d'Or au moment du déconfinement pour notre présence sur le terrain, au titre de la catégorie « solidarité », pour notre opération #RépondrePrésent.

Sur la préservation du pacte républicain, c'est un travail de fond pour la lutte contre les haines (apologie du terrorisme, actes racistes, crimes de guerre). Nous devrions augmenter les effectifs de l'office national de lutte contre les haines.

Nous avons également des dispositifs qui visent à apporter des réponses très transversales, comme « Demeter ». On nous reproche d'empêcher les lanceurs d'alertes d'agir mais nous empêchons juste les gens de violer la loi.

Nous avons fait la même chose concernant la Covid-19 sur les agressions de personnels soignants, les arnaques et escroqueries aux masques et aux médicaments.

Nous avons également quelques sujets d'incendies de relais téléphoniques.

La lutte contre les stupéfiants s'est dotée d'un nouvel organe pour lutter contre le trafic de drogue. Nous sommes engagés dans l'Ofast (Office Anti-Stupéfiants) au côté de la police nationale. Nous venons de saisir près d'une tonne de cannabis.

Nous participons également à la lutte contre la violence intra-familiale avec la création de maisons de confiance et de protection des familles. Là aussi nous augmentons les effectifs pour lutter contre ce fléau.

La sécurité des nouvelles frontières, c'est l'idée d'être réactif et proactif, c'est également un engagement fort sur le numérique avec l'ambition d'avoir 7 000 cyber-enquêteurs en 2022, c'est aussi le démantèlement d'un réseau crypté téléphonique utilisé par 60 000 truands.

Nous augmentons aussi les effectifs sur les sujets d'environnement et de santé publique. Nous sommes également attentif à la mobilité, la délinquance se déplaçant.

Sur le volet responsabilité sociale et environnementale (RSE), mettre le gendarme au coeur du changement, c'est un sujet de ressources humaines. Il s'agit de mettre en oeuvre des algorithmes pour être plus performant dans les propositions de carrière, que nos personnels soient au coeur de leur carrière, qu'ils soient informés sur le déroulement des carrières et des formations. C'est également la déconcentration des décisions, l'accrochage avec l'éducation nationale sur les certifications de titres, un gros travail sur la prévention des risques sociaux et une dynamique de transformation et de bienveillance. Nous devons aussi raisonner en éco-responsable. Il faut savoir les écouter et mettre en oeuvre leurs idées. Je souhaite faire remonter des photos de logement de gendarmes qui sont dans un état catastrophique. Le modèle tient car le gendarme est un militaire qui habite sur place et peut donc intervenir vite. C'est pour cela que l'on couvre 95% du territoire. Le centre de gravité, c'est le logement. Le logement des gendarmes est un vrai sujet et l'administration est parfois lente à réagir. Aussi il est urgent d'établir un constat pour voir ensuite ce que l'on peut faire avec les collectivités locales et les services de l'État.

La réussite de la mission est conditionnée à la qualité du recrutement, la formation, l'éthique, la déontologie, le commandement...

Le 3ème pilier est l'expansion technologique, l'accompagnement par l'utilisation des nouvelles technologies. Aujourd'hui, nous manquons d'effectifs. Nous travaillons sur des algorithmes de prédictivité de la survenance d'effractions, de cambriolages. C'est un algorithme qui va être amélioré avec plus de données. Il nous dira quel est le nombre de gendarmes nécessaire pour les permanences de nuit. Actuellement nous avons de nombreuses patrouilles et à certains endroits elles ne se justifient pas compte tenu du niveau de délinquance. Cela nous permettra d'avoir plus de monde le jour et augmenter ainsi les contacts avec la population et la présence là où les risques sont plus importants.

Nous avons engagé un plan stratégique de recherche et d'innovation en 2019-2023 qui traite du Big Data, de l'intelligence artificielle, de la robotique, du numérique. Nous avons le projet de travailler sur l'élaboration d'un nez électronique car l'odeur est aussi une empreinte exploitable.

NéoGend est un dispositif qui vise à fournir aux policiers et aux gendarmes français des terminaux mobiles dotés d'une connexion sécurisée haut débit. Cela permettra d'avoir des brigades « sans fil » mobiles. L'idée n'est plus que la population aille à la brigade mais ce seront les gendarmes qui se déplaceront sur rendez-vous et exécuteront les formalités sur place. Nous expérimentons en Corse et dans le Limousin des formules « Camping-car » qui tournent dans les endroits où il n'existe pas de brigades, à la demande du maire, pour continuer à faire de la proximité.

Sur les questions budgétaires, la gestion 2020 a été perturbée par la crise sanitaire.

Sur le Titre 2, nous avons décalé les entrées en école à la fin de l'année, ce qui a permis de dégager le financement de la prime Covid, et ainsi de maintenir le Titre 2 en équilibre.

Sur le hors T2, la crise sanitaire a généré un surcoût de 30 millions d'euros dont 21 pour les équipements de protection individuelle. Pour être à l'équilibre en fin de gestion, le dégel des 51 millions d'euros mis en réserve va nous permettre de financer ce surcoût mais également celui du carburant car nous avions beaucoup de gendarmes sur le terrain pendant le confinement, entre 60 et 65 000 gendarmes présents chaque jour sur les 100 000.

Selon la consigne donnée, tout ce qui n'est pas interdit est autorisé ! Ils devaient adapter leur mode d'action pour être présent sur le territoire. Ils devaient faire remonter leurs idées et en cas d'erreur, rectifier le tir, et faire partager leurs expériences pour que les autres en bénéficient. Une synergie a été créée et les résultats ont été meilleurs.

Comme nous étions sur place, nous avons aidé les maires de petites communes à distribuer des masques, nous avons apporté des médicaments à des personnes isolées et distribué des cours à des enfants dépourvus d'Internet ! On a beaucoup roulé et nous avons ajouté six millions de carburant !

Nous avons eu également 15 millions d'euros sur le plan « poignée de portes » pour des travaux de réparation qui ont financé 3 164 opérations immobilières d'entretien.

Dans le projet de loi de finances rectificatives 4 (PLFR4), 21 millions d'euros sont prévus pour acquérir des équipements de protection individuelle, des moyens informatiques et de communication et la finalisation de la commande de 1 300 véhicules engagée dans la LFR 3.

Le plan de relance nous aura permis au total d'engager des commandes de véhicules en grande quantité, y compris des blindés.

En termes d'effectifs, on est dans la poursuite du plan de renforcement. Sur le hors T2, le plan de relance complète la PLF pour 2021 qui reconduit les crédits de la LFI pour 2020.

Avec les changements de périmètre et les évolutions, en termes de schémas d'emplois, les +500 deviennent +335. Les -210 sont liés à un effort d'effectifs en administration centrale, cela ne pénalise pas les unités de terrain pour des transferts d'ETP. Il y a plus de 27 millions d'euros de mesures catégorielles, dont 11 millions qui font suite à l'amendement au PLF pour 2021 voté en 1ère lecture à l'Assemblée nationale pour valoriser l'engagement et les compétences, essentiellement au profit des personnels militaires.

Le budget de la réserve opérationnelle est sanctuarisé à 70,7 millions d'euros. Le rythme d'emploi actuel est très au-delà du rythme habituel. Cela ne suffira pas si nous restons au même rythme que 2020. Je souhaiterais pouvoir augmenter la maille de nos 30 000 réservistes avec un niveau d'emploi de 2 000 par jour. Actuellement nous sommes sur un rythme de 6 à 7 000 par jour, en raison des menaces. C'est l'une des ressources qui permet de répondre à des situations d'urgence. Nous aidons la police à monter sa réserve, mais cela prend du temps. Il faudra aller sur une jauge de 40 à 50 000 mais il faut que le budget suive pour que les réservistes ne se démobilisent pas en étant jamais appelés. Ils ont montré un apport indéniable avec un niveau d'engagement phénoménal.

En termes de fonctionnement et d'investissement, hors appels à projet, on est à + 161 millions d'euros.

Enfin, nous allons pouvoir renouveler nos engins blindés qui sont anciens et usagés. L'idée est d'en commander 45 dès l'année prochaine avec une perspective d'en avoir 80 à 90 neufs ou réhabilités.

En termes de moyens de mobilité, c'est + 123 millions d'euros, 4 500 commandes dont les 45 véhicules blindés précités et 253 véhicules de maintien de l'ordre, qui ont beaucoup souffert pendant la crise des « gilets jaunes ».

Nous aurons 40 millions de CP dans le cadre de la commande des dix hélicoptères H160, l'idée étant de renforcer les capacités de projection au bénéfice du GIGN et du Raid. Cela nous permettra aussi d'aller chercher des économies là où c'est possible.

Sur les investissements immobiliers, nous avons six millions d'euros dédiés à la sécurisation et au financement d'études et 500 projets présentés dans le cadre d'appels à projets pour un montant global de 444 millions d'euros. 15 millions d'euros sont consacrés à l'équipement des gendarmes, caméras-piétons, terminaux néo, gilets tactiques, voire connectés, tasers. Enfin, 11,6 millions d'euros sont destinés à des appels à projets sur le numérique.

Les moyens de fonctionnement augmentent de 17 millions d'euros, dont 13 pour la hausse des loyers et de l'énergie, et trois millions pour le fonctionnement des hélicoptères.

J'ai créé un service de la transformation de type audit, afin de devenir plus performant. Nous travaillons également sur la finalisation de la réforme des régions dans nos structures de commandement. Nous tirons les conclusions de la crise sanitaire. Cela a été un révélateur des vrais besoins et du rôle hiérarchique de chacun. Il faut mettre les personnels aux bons endroits pour gagner en productivité. Nous sommes en train de modifier également la DGGN avec la création d'un centre national des opérations. C'est une sorte de mini centre de planification et de conduite des opérations (CPCO). Nous voulons un centre de crises constant à géométrie variable pour fonctionner à basse consommation.

Concernant les nouveaux outils, j'ai déjà évoqué la brigade sans fil, la brigade numérique qui a montré toute sa pertinence et qui a de bons indices de satisfaction, et les lycées numériques dans les unités pour se rapprocher des populations en difficulté avec le numérique.

Sur la mise en réserve, le ministre de l'intérieur a conscience du problème et s'est saisi de la question.

Le Livre blanc est en ligne et amorce de nombreuses pistes. Il alimente des réflexions notamment sur le PLF pour 2021, les conséquences de la crise sanitaire et sur une vision plus pragmatique des sujets de police technique et scientifique et de cyber.

Nous sommes également pleinement associés à la lutte contre le terrorisme. Il y a une bonne coordination entre les services. Pharos alimente la police comme la gendarmerie. Nous faisons beaucoup de travail cyber autour des outils numériques dont nous disposons. L'engagement est très fort sur ce sujet en ce moment avec la densité des menaces existantes !

Je donne la parole à Philippe Paul et Gisèle Jourda, en tant que rapporteurs pour avis.

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