La crise sanitaire a effectivement rendu la situation très difficile pour l'ensemble du réseau, avec de forts écarts cependant selon les territoires - et il nous faut aussi compter avec le risque terroriste, suite à l'assassinat de Samuel Paty, qui nous a conduit à passer en revue la sécurité de nos établissements, à rappeler les règles, et, au-delà de la sécurisation physique des établissements, à développer une culture de la sécurité pour tous les personnels. Dans ce contexte difficile, je remercie les familles qui font confiance à l'enseignement français à l'étranger, ainsi que les personnels de l'Agence, sans lesquels nous ne pourrions affronter la crise comme nous le faisons.
L'impact de cette crise sans précédent a montré la résilience du réseau de l'enseignement français à l'étranger. Le 7 mai, je vous disais que tout le réseau avait dû fermer ; avant l'été, quelque 150 établissements avaient rouvert, la moitié étaient ouverts à la rentrée de septembre puis, à la rentrée de la Toussaint, il ne restait plus que 11% des établissements encore fermés. La rescolarisation des enfants est un point très positif. La situation reste fragile, nous prenons toutes les mesures pour garantir la sécurité sanitaire de nos établissements, y compris la fermeture de tout ou partie d'un établissement lorsque c'est nécessaire, mais il y a du mieux, et j'espère que cela va continuer.
En cette rentrée, les effectifs, ensuite, sont presque préservés. L'enquête dite « de rentrée » a révélé à ce stade une perte globale d'environ 1 % des effectifs. Le réseau résiste. Cependant, les variations sont fortes : 40 % des établissements voient leur effectifs stables ou en augmentation, 60 % en perdent, un tiers en perdent plus de 5%. Les pertes peuvent aller jusqu'à 50 % dans de petites structures. Aucun établissement n'a fermé. Mais nous sommes inquiets pour la capacité de certains d'entre eux à passer le cap de l'an prochain, d'autant que l'année s'annonce encore incertaine. L'analyse par zones géographiques souligne aussi les contrastes : le Maghreb fait figure d'exception, avec une progression de 6 % des effectifs, grâce à une bonne résistance des établissements existants et à l'homologation de nouveaux établissements, conformément au plan de développement ; en Europe, les effectifs baissent très peu, de 1 % ; ailleurs, la baisse s'établit aux alentours de 3 ou 4 %, mais elle atteint 5 % en Asie. Le Liban est particulièrement touché : plusieurs milliers d'élèves manquent à l'appel alors que ce pays, avec 62 000 élèves, est notre premier contingent mondial. Aux États-Unis, la baisse est importante, de 9 %, alors que les effectifs sont stables dans le Canada voisin. L'analyse par nationalités montre que la diminution est la plus importante chez les élèves français (- 5%). L'effectif des étrangers de pays tiers baisse de 3,3 %. L'effectif des nationaux augmente (+ 1,4 %) notamment grâce à l'extension du réseau. L'analyse par catégories d'établissements, enfin, montre que les établissements en gestion directe (EGD) perdent peu d'effectifs (-1,3 %). Les difficultés sont concentrées sur quelques établissements. En revanche, les conventionnés perdent davantage d'élèves (- 3,8 %), ce qui fait mécaniquement perdre des recettes à l'Agence. Nous estimons la perte de recettes à environ 11 millions d'euros. Les établissements partenaires connaissent une croissance de leurs effectifs de 1,4 %, portés par les nouvelles homologations.
L'Agence n'a pas ménagé ses efforts au plus près du terrain pour soutenir la mise en place d'un enseignement à distance de qualité. Nous avons lancé, début septembre, une enquête pour évaluer l'enseignement à distance mis en oeuvre de janvier à juin 2020, préparée avec les enseignants et les parents d'élèves : les quelque 70 000 réponses que nous avons reçues établissent une bonne réception par les familles des dispositifs mis en place et indiquent des points à améliorer. Nous communiquerons très prochainement sur le sujet.
Nous avons mis en place le plan d'urgence demandé par le ministre de l'Europe et des affaires étrangères et voté par le parlement pour aider les familles en difficulté. Sur les 50 millions d'euros qui ont été ouverts au programme 151 pour l'aide aux familles françaises, nous en aurons consommés 16 millions environ et Bercy accepte le report des sommes non dépensées sur l'année prochaine. Je suis donc confiant sur l'aide aux familles françaises. Pour l'aide aux familles étrangères en difficulté, 13,43 millions d'euros ont été mobilisés sur le programme 185, sous forme de subventions aux établissements pour qu'ils les répercutent aux familles ; une enveloppe spécifique, de 7 millions d'euros, a été prévue pour la trentaine d'établissements touchés par l'explosion du 4 août sur le port de Beyrouth, au Liban, une somme qui s'ajoute aux crédits qui ont été fléchés sur la Mission laïque française au Liban.
Nous entrons dans la deuxième phase du plan d'urgence, consistant à aider tous les établissements pour des dépenses qu'ils ont faites dans crise sanitaire, en protection, en équipement informatique, en prêts, en formation. Nous avons reçu 350 dossiers d'établissements, nous y consacrerons 25 millions d'euros, avec une attention particulière à ceux qui ont perdu plus de 5 % d'élèves. S'agissant des avances de trésorerie, nous avons accordé 38 avances, à hauteur de 4,7 millions d'euros, principalement à destination des établissements partenaires. Nous avons également utilisé notre trésorerie pour aider les établissements conventionnés, avec des échéanciers décalés pour le paiement de la participation à la rémunération des résidents (PRR) : au total, nous avons mobilisé 19,7 millions d'euros.
Quelles leçons tirer de cette crise sans précédent ? D'abord, la force et la résilience de notre modèle, celui d'un réseau soutenu fortement par l'État, ce qui le distingue par exemple des réseaux anglo-saxons. Nous constatons l'intérêt pour ce modèle, qui se traduit par une hausse des demandes d'homologation. L'Agence a aidé tous les établissements, quels que soient leurs statuts, nous nous sommes adaptés pour soutenir tout le réseau. La crise a démontré aussi que la solidarité dans notre réseau valait à l'égard des Français mais aussi des étrangers, au-delà, donc, du simple critère de la nationalité, je crois que c'est très important. Nous avons également démontré notre capacité à mettre sur pied, en partant de presque rien, un enseignement à distance qui soit de qualité, mais aussi de la formation à distance pour les enseignants - entre mars et juin, nous avons mené quelque 90 000 actions de formation des équipes dans les établissements.
Du côté des points de vigilance, il y a une inquiétude forte pour une trentaine d'établissements, qui se trouvent en grande difficulté et pour lesquels nous devons regarder jusqu'où nous pouvons les aider, et, plus généralement, une inquiétude sur les conséquences financières de la crise pour l'Agence.
Le plan de développement qu'a souhaité le Président de la République s'est trouvé perturbé par la crise, mais nous ne le perdons pas de vue. Nous avons homologué 14 établissements représentant 5 000 élèves de plus, nous en attendons de nouvelles avant la fin de l'année, ce qui témoigne de notre attractivité. J'espère que nous pourrons poursuivre nos actions en 2021, notamment dans le domaine de la formation et dans le sens d'une augmentation de nos capacités informatiques.