Intervention de Olivier Brochet

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 18 novembre 2020 à 9h30
Projet de loi de finances pour 2021 — Audition de M. Olivier Brochet directeur de l'agence pour l'enseignement français à l'étranger aefe

Olivier Brochet, directeur de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) :

L'établissement de Lomé, au Burkina-Faso, s'est effectivement réorganisé et il rencontre des difficultés financières, j'espère qu'il pourra les surmonter dans un avenir proche. Nous l'accompagnons, en y détachant six enseignants formateurs, qui feront chacun un enseignement à mi-temps qui ne coutera rien à l'établissement puisque l'Agence prend en charge ces postes. Une renégociation de son emprunt redonnerait des marges de manoeuvres à l'établissement, il n'est d'ailleurs pas le seul à être dans cette situation, les banques peuvent être tout à fait disposées à renégocier, mais elles s'interrogent sur la reconduction de la garantie de l'État dès lors que l'Anefe sort du jeu. J'espère qu'une solution rapide et claire sera trouvée.

Les difficultés de recrutement à Ouagadougou illustrent le problème de la faible attractivité dans certains pays - qui a été aggravé par la crise sanitaire : l'an passé, il y avait huit postes à pourvoir à Ouagadougou et ils l'ont tous été. Cette année, aucun des cinq postes vacants n'a été pourvu. La covid vient s'ajouter au contexte sécuritaire. Le problème est général : alors que nous avons habituellement une soixantaine de postes non pourvus en septembre, nous en enregistrons plus de deux cents cette année, car des enseignants ont préféré rester en France, et pas seulement pour des raisons de sécurité, mais de crainte d'être bloqués pendant plusieurs mois loin de leurs familles. Les difficultés sont les plus grandes quand le contexte est difficile et que l'indemnité spécifique de vie locale (ISVL) n'est pas élevée. Une piste est aussi de créer des postes d'expatriés formateurs, qui ont pour mission de former des personnels locaux, et reçoivent des primes d'expatriation plus élevées.

Au Liban, nos apports sont bien entendu articulés avec ceux du Fonds de soutien aux écoles chrétiennes francophones, qui est géré par le Quai d'Orsay ; ses quelque 2 millions d'euros iront principalement à des établissements non homologués. Nous soutenons pour notre part les établissements homologués, dont un grand nombre sont d'ailleurs des établissements chrétiens : nous avons soutenu les familles libanaises en difficulté à hauteur de 5 millions d'euros, nous disposons de 7 millions d'euros pour la reconstruction suite à l'explosion du 4 août. L'Agence est à disposition des établissements bénéficiant du Fonds, pour engager ensuite des actions de formation pour leur compte avec l'aide de ces financements.

Le report des crédits pour les bourses - nous en aurons consommés 15 à 16 millions d'euros, sur une enveloppe de 50 millions d'euros - va nous aider l'an prochain. L'augmentation du nombre d'élèves n'est pas tellement dû à des élèves français, à qui vont ces bourses. Nous tâchons bien sûr de tenir compte des circonstances, tout en respectant les critères réglementaires : nous avons par exemple calculé le montant de référence sur une année glissante, de juillet à juillet, pour prendre en compte la crise. Nous devons aussi appliquer les seuils de patrimoine immobilier, mais nous faisons preuve de souplesse et nous tâchons de tenir compte des revenus, quand la famille est proche du seuil. Nous devions former un groupe de travail pour examiner ces critères, la crise ne nous l'a pas permis, nous allons le réunir dès que possible avec des représentants qui sont à la Commission nationale des bourses (CNB).

En Allemagne, nous regroupons les fonctions comptables, pour mieux séparer ordonnateur et comptable, comme nous l'a demandé la Cour des comptes et comme nous le faisons aussi en Tunisie, au Maroc et en Italie, avec un seul agent comptable pour un réseau d'établissements et un secrétaire général dans chacun d'eux. Nous regroupons ainsi un réseau dans l'agence comptable de Munich, nous ne savons pas encore si Berlin y sera rattaché ou bien s'il le sera à Francfort. Une réflexion est en cours pour savoir si nous n'aurions pas intérêt à regrouper, en France, une agence comptable pour toute la zone euro. Quoiqu'il en soit, nous faisons toujours ces regroupements en tenant compte de leurs conséquences sociales.

L'enseignement français est un formidable outil d'influence, dans ce que le ministre appelle un terrain d'affrontement de l'influence. Les crédits européens soutiennent la coopération et l'aide au développement, les établissements français n'en relèvent pas puisque l'éducation reste une compétence nationale, je ne crois pas qu'il y ait d'évolution sur ce point.

Sur les chiffres et le développement du réseau, je serais d'un optimisme raisonnable, car si nous enregistrons effectivement une baisse, nous pouvons compter sur le retour des expatriés, qui a déjà lieu par exemple en Asie quand les parents ont compris que les établissements scolaires rouvraient. Les familles devraient continuer à revenir dans les prochains mois.

Nous aurons un reliquat reporté sur le programme 151. Sur le 185, les 50 M€ seront consommés cette année. S'agissant des avances France Trésor, nous n'allons pas consommer les 25 M€ ouverts. La Mission laïque française est revenue sur un besoin estimé en juin à 10 M€ de trésorerie, qui ne s'est pas concrétisé. Nous avons donc revu nos calculs initiaux.

Au-delà des chiffres récents, il faut aussi retenir notre méthode d'accompagnement du réseau - et le plan de développement annoncé le 3 octobre 2019 reste notre feuille de route, même si la crise sanitaire l'a perturbé. Nous avons installé le Service d'appui au développement du réseau, il suit 47 dossiers d'établissements, prépare des conventions d'accompagnement vers l'homologation, en lien avec les ambassades qui repèrent les investisseurs. Ce soutien porte tant sur le besoin en personnel que sur le besoin immobilier, la réglementation... La croissance est difficile à prédire : 5 000 nouveaux élèves à l'été, d'autres arrivent, nous pourrions dépasser les 10 000 nouveaux élèves cette année. Nous ne serons certes pas à 45 000 nouveaux élèves, d'autant qu'il faudra décompter ceux qui partent, mais nous faisons au mieux et renforçons notre méthode.

Le développement des établissements se heurte effectivement à des problèmes de financement, donc à la question de la garantie de l'État, l'Agence est prête à opérer dès que le nouveau système sera opérationnel. Des besoins importants existent aussi dans les EGD. Or notre mode de fonctionnement ne nous permet pas de recourir à l'emprunt. Je suis un peu inquiet car il sera très difficile d'augmenter les frais de scolarité. Or nous avons des besoins tant pour l'extension que pour l'amélioration de la qualité des bâtiments. L'extension des EGD et des conventionnés est indispensable à la croissance des partenaires car ce sont eux qui, bien souvent, permettront d'assurer la continuité éducative au collège et au lycée.

Le recrutement de nouveaux enseignants est nécessaire, le ministère de l'Éducation nationale a mis en place dans le master d'enseignement du français, un certificat d'aptitude à l'enseignement français à l'étranger. Des étudiants l'ont déjà validé, le travail se poursuit et nous coopérons avec le ministère de l'Éducation nationale sur ce point.

La sécurité est un sujet important de préoccupation. Nous souhaitons développer la culture de la sécurité. Nous avons aussi pris mesures et des instructions très précises pour rendre hommage à Samuel Paty tout en tenant compte des contextes locaux : nous voulons être fermes sur les valeurs - la quatrième édition de la Semaine des Lycées français du monde sera l'occasion de les mettre en exergue - tout en étant sobres dans l'expression, en tenant compte des publics et de l'environnement.

La baisse des effectifs aux États-Unis tient pour beaucoup aux familles expatriées, qui sont revenues en France et ont ensuite rencontré des problèmes de visas pour revenir outre-Atlantique. La crise sanitaire a eu des impacts directs aux États-Unis beaucoup plus qu'en Europe - où les familles bénéficient d'amortisseurs sociaux.

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