Je vais essayer d'être succincte, d'autant que certaines questions se rejoignent. Je veux être certaine que tout le monde puisse s'exprimer.
Madame la sénatrice Cohen, permettez-moi de rappeler que le document de politique transversale (DPT), comme tous les documents budgétaires, distingue les autorisations d'engagement et les crédits de paiement. Les premières constituent la limite supérieure des dépenses pouvant être engagées. Les seconds représentent les crédits consommés dans l'année à venir. Oui, 1,116 milliard d'euros a été recensé en autorisations d'engagement pour l'année 2020. Cette somme s'explique notamment par des montants exceptionnels liés à nos engagements internationaux et par une participation importante de l'Agence française de développement (AFD). Je rappelle que nous parlons d'autorisations d'engagement, et non de crédits de paiement. De ce point de vue, nous avons bien atteint 1,100 milliard d'euros. Les crédits de paiement sont quant à eux évalués à 557 millions d'euros.
Nous ne devons effectivement pas opposer les actions nationales et internationales. Je souhaite que tout soit désormais présenté de manière beaucoup plus claire, afin de dissiper tous les doutes sur cette question. Mon cabinet y travaille avec détermination. Je crois que vous pourrez constater des progrès sensibles dans le DPT pour 2021.
Ensuite, il me semble que des mécanismes peuvent nous permettre de demander certaines contreparties de manière tout à fait légitime aux entreprises dans lesquelles nous investissons pour relancer notre économie. Nous pouvons le faire intelligemment. Ne perdez pas de vue que les entreprises ont autant besoin des femmes que des hommes pour relancer leur activité. L'amendement voté à l'Assemblée nationale auquel je faisais référence précédemment imposera une transparence renforcée sur les résultats de l'index pour les entreprises bénéficiant des aides du plan de relance. La ministre du travail et moi-même sommes totalement mobilisées sur ce point. Nous avons encore communiqué sur le sujet cette semaine. À mon sens, l'une des manières de nous assurer du bon traitement des femmes dans le cadre de ce plan est d'étudier les différents sujets un par un, d'en discuter avec les entreprises et de les pousser à mener des actions correctives lorsqu'elles ne respectent pas leurs engagements.
Vous mentionniez le 3919. Je sens bien combien cette question interroge. J'en ai discuté avec la FNSF à plusieurs reprises. La mise en concurrence est une obligation juridique : nous n'avons pas d'autre choix. L'État financera intégralement cette ligne, que nous voulons étendre 24/24 et 7/7 afin d'améliorer ce service public. Dans cette optique, nous n'avons pas d'autre choix que de passer par un marché public, la FNSF en est informée. Nous sommes convaincus qu'elle a la légitimité et l'expérience requises pour répondre à ce marché. Nous n'avons pas d'autre choix que de passer par ce marché public dans l'intérêt des femmes et de leur meilleur traitement au travers de cette plateforme téléphonique.
Vous évoquiez également la manière dont nous collaborons avec le ministère de la justice, et les façons d'accroître notre vigilance sur les solidarités financières. Je suis prête à étudier ce sujet, évidemment. Nous devons en traiter tous les aspects. Une mesure très importante est d'ailleurs aujourd'hui en vigueur. Nous devons nous assurer de la faire fonctionner avant de considérer de nouveaux chantiers.
Les moyens financiers que nous mettons en oeuvre pour éloigner les agresseurs en cas d'urgence répondent à un constat effectué lors du dernier confinement. C'est une demande des femmes, mais aussi parfois des hommes eux-mêmes, qui sentent qu'ils peuvent devenir dangereux. Mettre en place les mesures permettant de protéger les femmes et les enfants, et faire en sorte que les agresseurs soient éloignés et traités, nous tient particulièrement à coeur.
Nous avons également décidé de débloquer l'épargne salariale pour permettre aux femmes victimes de violences de trouver un logement digne où elles pourront reconstruire leur vie et celle de leurs enfants si elles doivent quitter le domicile familial. Depuis la mise en oeuvre de cette mesure, 250 000 euros ont pu être débloqués pour accompagner ces femmes. Je pense que toutes ces mesures vont dans la direction de ce que vous souhaitez réaliser, Madame la sénatrice. Je serais ravie de pouvoir en discuter davantage, si vous le souhaitez.
Madame la sénatrice Dominique Vérien, est-il nécessaire de revenir sur le 3919 ? Je l'ai expliqué, nous sommes dans l'obligation de passer par ce marché public. Nous le ferons de la meilleure manière qui soit. Nous n'avons par ailleurs aucune volonté d'opposer l'État aux acteurs associatifs. Le 3919 a été créé par la FNSF, qui a toujours été accompagnée par l'État. Ce service est important pour lutter contre les violences faites aux femmes. Il ne s'agit pas pour l'État de s'approprier une ligne qui ne lui appartient pas, mais d'améliorer la qualité des services publics en faveur des femmes victimes de violences. Je rappelle tout de même que l'État est toujours légitime à intervenir dans l'intérêt général : c'est exactement ce que nous faisons. Délivrer le meilleur service 24/24 et 7/7 pour que l'ensemble du territoire, y compris ultramarin, puisse avoir accès à cette plateforme d'appel est un objectif qui nous rassemble. Les femmes malentendantes et aphasiques doivent elles aussi y avoir accès.
Je remercie M. Belin d'avoir évoqué la ruralité. La lutte contre les violences faites aux femmes doit être menée avec la même intensité, que nous soyons en zone urbaine, dans des territoires ruraux ou outre-mer. Nous sommes très attentifs à ce que les mesures que nous mettons en place couvrent la totalité du territoire. Nous allons réunir un comité de pilotage pour expérimenter l'accès au relogement pour toutes les femmes victimes de violences. Vous émettiez de plus une remarque sur les centres commerciaux : je rappelle que nous avons aussi relancé le dispositif Alerte pharmacie. 22 000 pharmacies sont concernées dans le pays, dans tous les territoires. Elles font un travail remarquable. Lors d'un échange récent avec l'Ordre des pharmaciens, nous nous sommes assurés qu'une femme victime, ou des amis ou voisins ayant connaissance de violences, pouvait alerter une pharmacie pour que celle-ci relaie ensuite l'alerte auprès des forces de l'ordre. Je crois beaucoup à cette mesure. Elle permettra un maillage territorial complet, et aidera les femmes à se sentir accompagnées et en sécurité. Je veux qu'elles sachent qu'elles ne sont pas seules dans les épreuves auxquelles elles sont confrontées.
Madame Vérien, vous évoquiez la formation des personnels de police. Cette question est très importante. La reconstruction des femmes victimes de violences dépend de la manière dont leurs plaintes sont prises en considération, et de l'accompagnement dont ces femmes bénéficient dès le premier jour, lorsqu'elles entrent dans ce processus de sortie de violences. Il est donc indispensable que les forces de l'ordre soient parfaitement formées pour faciliter ces différentes démarches. Les préfectures ont été totalement mobilisées en ce sens durant le confinement. Elles seront à nouveau sollicitées pour dresser un suivi des cas de violences qui leur sont remontés. Le cas échéant, elles accompagneront les démarches ayant pu être ralenties pendant cette période. À la fin du mois de septembre 2020, 55 agents ont été recrutés, soit huit postes supplémentaires par rapport au début du mois. Une dizaine d'autres postes seront pourvus. Ils visent une meilleure réactivité des préfectures. Ces emplois seront financés à l'aide du Fonds interministériel de prévention de la délinquance.
L'accent doit également être porté sur les territoires ultramarins. Six postes seront créés en Nouvelle-Calédonie, à La Réunion et en Guyane. Onze autres sont en attente pour la fin 2020 ou pour 2021. Ils seront basés en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, en Martinique, à La Réunion et en Guyane, où les violences faites aux femmes sont importantes. Nous devons évidemment maintenir un effort constant en matière de formation des forces de l'ordre. Le ministère de l'intérieur a mis en oeuvre les outils nécessaires via la circulaire du 20 janvier 2020 : formation initiale, modules d'e-learning et stages. Il est à nos yeux essentiel que toutes les forces de l'ordre ainsi que les référents sociaux accueillent ces femmes de manière spécifique afin qu'elles portent plainte dans les meilleures conditions possibles. Trop peu d'entre elles osent le faire aujourd'hui. Certaines indiquent même qu'il leur est plutôt conseillé de déposer une main courante. Les forces de l'ordre et les tribunaux sont sensibilisés à ce sujet. Nous nous sentons soutenus par Monsieur Darmanin ainsi que par le garde des Sceaux.