Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, l’hydrogène est l’une des grandes révolutions technologiques de ce début de siècle ; il représente une opportunité stratégique pour contribuer à la décarbonation de notre économie, particulièrement dans l’industrie et la mobilité lourde. Il représente une opportunité, que la France ne peut manquer, pour le climat, l’emploi et nos territoires. Telle est l’ambition du Gouvernement, que je suis venue rappeler aujourd’hui.
Notre pays a fait très tôt le pari du soutien à cette filière d’avenir : en 2018, Nicolas Hulot annonçait un premier plan Hydrogène, doté de plus de 100 millions d’euros, mobilisés via le programme d’investissements d’avenir (PIA). La crise actuelle a souligné le besoin criant d’aller encore plus loin et beaucoup plus vite et la nécessité de changer d’échelle pour faire face aux enjeux de nos usages et de notre consommation énergétique, tant du point de vue de l’impact environnemental que de notre souveraineté.
Une France neutre en carbone, ce sera d’abord une France qui améliore la santé de ses habitants. La crise sanitaire que nous vivons le rappelle violemment, la santé environnementale sera l’un des défis de notre temps. Ce sera aussi une France plus résiliente, donc plus souveraine dans ses choix présents et à venir. Ce sera également la France plus verte que réclament nos concitoyens, notamment les jeunes générations. Cette transition, ce nouveau regard sur le mix énergétique, fait sens et nous sommes très attendus sur ces sujets. Ce sera enfin une France taillée pour répondre aux défis. Il s’agit de cette fameuse résilience que nous appelons tous de nos vœux. Les moyens exceptionnels qui sont mobilisés doivent nous permettre d’aborder cette nécessaire transition.
Changer d’échelle et faire de notre pays un champion de l’hydrogène : tel est l’objectif de la Stratégie nationale pour le développement de l’hydrogène décarboné en France que nous avons présentée. Celle-ci traduit des ambitions, mais prévoit aussi et surtout des moyens sans précédent.
Notre ambition est de développer une filière française de premier ordre dans la chaîne de valeur, de construire des usines d’électrolyseurs et de composants clés dans nos territoires, de faire émerger et de déployer sur l’ensemble du territoire des solutions d’hydrogène décarboné. Nous visons 6, 5 gigawatts de puissance installée d’ici à 2030. Cet objectif ambitieux permettra, d’ici à la fin de la décennie, d’éviter l’émission de près de 6 millions de tonnes de CO2 par an.
Ce sera bon pour le climat et pour l’économie française, car la mise en œuvre de la stratégie pourrait représenter, à terme, la création de 50 000 à 100 000 emplois indirects et une valeur ajoutée de plusieurs milliards d’euros.
Cette stratégie repose sur la mobilisation de moyens sans précédent, sur un soutien public de 7 milliards d’euros d’ici à 2030, dont 2 milliards d’euros mobilisables très prochainement, pour ne pas dire dès à présent : en 2021 et 2022. Cet investissement massif sera gage de notre succès, vous l’avez dit ; il faut absolument aller vite et fort, pour déployer les marchés les plus matures, soutenir la recherche et l’innovation sur les segments d’avenir, en pensant notamment aux nouveaux usages industriels et au stockage d’énergie.
L’hydrogène est une solution de décarbonation de l’industrie, mais également de la mobilité. On peut effectivement avoir quelques réserves sur la voiture à hydrogène. Malgré les grands espoirs que celle-ci suscite, elle ne constitue sans doute pas, en tout cas aujourd’hui, une réponse à nos problèmes les plus immédiats. En effet, la mobilité individuelle à base d’hydrogène entraîne une perte énergétique très importante, le rendement étant inférieur à 30 %, contre 70 % pour les batteries électriques.
Dès lors, le choix qui s’impose consiste à concentrer la stratégie de l’hydrogène sur les usages de mobilité lourde : bus, camions et, bien sûr, trains sur les lignes non électrifiées.
L’exemple du train montre bien que l’hydrogène est aussi une solution d’avenir pour nos territoires – on y revient –, non seulement parce qu’il permettra de créer des emplois et de développer nos entreprises, mais également de revitaliser nos villes petites et moyennes, en renforçant le lien qui les unit et en leur donnant une nouvelle attractivité verte, grâce à des déplacements neutres.
Je pense évidemment aux lignes interrégionales. Le parc du transport express régional (TER) est actuellement composé de plus de 2 000 trains, dont entre 400 et 500 fonctionnent au diesel et arriveront à mi-vie à la fin de la décennie. On peut donc évidemment voir en l’hydrogène une solution d’avenir pour ces lignes absolument essentielles, tout en étant en accord avec nos objectifs climatiques.
En 2018, la première exploitation commerciale, en Allemagne, d’un train de voyageurs à hydrogène a démontré que c’était faisable. Ce pays l’a fait, nous pouvons donc espérer y parvenir également. Par conséquent, l’État a lancé un appel à manifestation d’intérêt pour aider à l’émergence de la mobilité à l’hydrogène dans le ferroviaire, pour lever tous les verrous techniques et organisationnels et pour préparer la mise en service des premières rames d’ici à cinq ans. Quatre régions pionnières de l’hydrogène et du TER de demain ont été retenues : le Grand Est – en tant que Haut-Marnaise, je m’en félicite –, la Bourgogne-Franche-Comté, l’Occitanie et la région Auvergne-Rhône-Alpes.
Ainsi, vous le voyez, mesdames, messieurs les sénateurs, l’ambition du Gouvernement est bien de relever le pari de l’hydrogène, afin que notre stratégie se déploie rapidement et avec force. Les premiers appels à projets ont été lancés le 15 octobre dernier pour créer, d’abord, des hubs territoriaux de l’hydrogène – de véritables écosystèmes de l’hydrogène dans nos territoires –, avec 275 millions d’euros sur deux ans, et, ensuite, des briques technologiques et des démonstrateurs, dont nous avons besoin, avec 350 millions d’euros sur la période 2020-2023.
L’hydrogène est, pour notre pays, l’opportunité stratégique de décarboner l’industrie et les transports et de créer de l’emploi dans nos territoires. C’est sans doute un moment historique ; nous devons être au rendez-vous de l’avenir.