Monsieur le président, mes chers collègues, il me revient de vous présenter l'avis budgétaire relatif au programme 190 de la mission « Recherche et enseignement supérieur » dans le projet de loi de finances pour 2021.
Pour rappel, ce programme 190 finance la recherche dans les domaines du développement durable, de l'énergie, des risques, des transports, de la construction et de l'aménagement.
Les crédits de ce programme ont pour objet, plus particulièrement, d'apporter des subventions à six opérateurs, dont les principaux bénéficiaires sont le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), l'IFP Énergies nouvelles (IFPEN) ainsi que la nouvelle Université Gustave Eiffel (UGE).
Les travaux de ces opérateurs sont indispensables pour respecter l'ensemble des engagements internationaux et de nature législative qu'il s'agisse, par exemple, de la loi d'orientation des mobilités de 2019, ou encore des objectifs fixés par la loi économie circulaire de 2020, deux lois examinées par notre commission. Ces travaux sont un levier important dans la mise en oeuvre de la transition écologique et énergétique qu'il importe d'encourager. Je souhaiterais cette année insister sur la qualité de la recherche française en matière de développement durable qui contribue au rayonnement de l'expertise française sur la scène internationale.
La crise sanitaire rappelle avec force la nécessité de poursuivre, et même d'accélérer, la transition énergétique. La recherche dans ces domaines constitue un enjeu clé, de plus en plus sollicité. Il importe donc de la soutenir tout en veillant à la traduire en termes d'industrialisation, à ce qu'elle aboutisse à des réalisations concrètes dans les domaines de l'énergie, des nouvelles mobilités mais également en matière de traitement des déchets.
J'en viens à l'examen de ces crédits. En 2021, les crédits du programme 190 connaîtront une augmentation marquée de de 7,3 % en autorisations d'engagement avec 1,92 milliard d'euros. Toutefois cette hausse des autorisations d'engagement demeure relative car concentrée au profit de la seule action concernant la recherche et le développement dans le domaine de l'aéronautique civile. Hormis cette évolution notable, les crédits des autres actions ont été reconduits, à l'exception de ceux dans le domaine l'énergie nucléaire qui connaissent une légère diminution. Les crédits de paiement restent quant à eux stables avec 1,76 milliard d'euros.
Ces crédits doivent être examinés à l'aune de leur utilisation concrète par les différents opérateurs concernés. C'est pourquoi, je souhaiterais faire un état des lieux de leurs récents travaux en matière de recherche conduite dans les domaines de l'énergie, du développement et de la mobilité durables.
Le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), bénéficie, comme les années précédentes, de plus de trois quarts des crédits du programme, essentiellement pour les actions de démantèlement et d'assainissement des charges nucléaires de long terme, mais aussi pour la recherche dans le domaine de l'énergie nucléaire.
S'agissant de la recherche dans le domaine des nouvelles technologies de l'énergie (NTE), je rappelle à la commission que le CEA a décidé de mettre fin au programme ASTRID initié en 2010, qui visait à concevoir un démonstrateur de réacteur à neutrons rapides (RNR). À compter de 2020, le CEA finance un programme redimensionné de recherche et développement sur la fermeture du cycle qui pèse à hauteur d'environ 30 millions d'euros par an sur sa subvention financée par le programme 190.
Je souhaiterais revenir sur les avancées du projet de réacteur Jules Horowitz (RJH) malgré un coup d'arrêt du chantier pendant trois mois en raison du confinement. Je rappelle à la commission que ce réacteur expérimental, dont la construction a débuté en 2009, vise à fournir des données scientifiques sur le comportement des matériaux et combustibles nucléaires lorsqu'ils sont exposés à de très fortes sollicitations. Le RJH poursuit comme objectif d'améliorer le rendement des centrales, en jouant notamment sur leur durée de vie.
Le projet de RJH entre dans une nouvelle phase : la phase d'études laisse désormais place à celle de sa finalisation ainsi que de son approvisionnement technique avec, en juillet dernier, le début du montage électromécanique dans le bâtiment des annexes nucléaires. Compte tenu de l'importance stratégique que revêt la construction de ce réacteur ainsi que de sa complexité, la commission devra suivre de près ses avancées dans les années à venir.
Lors de mes échanges avec le CEA, un autre sujet a retenu mon attention : l'avancement du projet ITER. Ce dernier, réunissant 35 États, a pour objectif de démontrer que le processus de fusion pourrait être utilisé comme source d'énergie à grande échelle, non émettrice de CO2. Il s'agit donc, à terme, d'obtenir une énergie propre sur le plan environnemental dans la production d'électricité. L'impact de la crise sanitaire dans la réalisation de ce projet est en cours d'estimation mais il est certain qu'elle induira au minimum un retard estimé à plusieurs mois. C'est pourquoi j'invite, là encore, la commission à la vigilance : l'avancement de ce projet aura un impact industriel et environnemental important.
Enfin, le CEA conduit de nombreux travaux dans des domaines porteurs pour les années à venir, tels que le photovoltaïque, les batteries ou encore l'hydrogène. Il a ainsi été désigné copilote du programme prioritaire de recherche sur l'hydrogène avec le CNRS.
La situation d'un autre établissement mérite également notre attention : l'IFP Énergies nouvelles. Cet opérateur, autrefois appelé « Institut français du pétrole », est l'autre acteur clé en matière de transition énergétique. Ses activités se sont développées dans les domaines de la mobilité durable et des énergies nouvelles. Pour la première fois cette année, plus de la moitié de son activité porte sur la transition écologique. Cet opérateur est, par exemple, porteur du projet européen Modalis visant à développer une chaîne d'outils numériques permettant de modéliser et concevoir des systèmes de batteries utilisant des nouveaux matériaux.
Je me réjouis que la subvention pour charge de service public soit reconduite cette année, après une diminution quasi constante depuis 2010. Cette subvention est uniquement destinée à financer ses activités de recherche en matière de développement durable, moins rentable pour cet opérateur. Il paraît donc difficile d'exiger plus de résultats de la part de cet établissement, sans qu'un niveau de ressources publiques adéquat ne lui soit alloué de façon pérenne.
Un autre opérateur emblématique en matière de recherche a récemment vu le jour : l'Université Gustave Eiffel (UGE). Cette université, constituée au 1er janvier dernier, est née de la fusion de différents organismes dont l'ancien Institut français des sciences et technologies des transports, de l'aménagement et des réseaux (Ifsttar). Cette université conduit de nombreux travaux dans les domaines du transport, de la construction, de l'aménagement et des réseaux. Sa création vise à faire émerger un acteur visible à l'international. Un premier pas a été atteint en 2020. Cette année, l'université est entrée dans le classement de Shanghai, ce qui contribuera à accroître la visibilité de ses travaux et à la faire rayonner sur le plan international.
Plus particulièrement, le département « Aménagement, Mobilité et Environnement » conduit des recherches sur les répercussions de l'évolution des comportements sur les mobilités, l'usage des nouveaux modes de transport en ville ou encore en matière de mobilités tant des personnes que des marchandises. À ce titre, cet établissement possède un des rares laboratoires universitaires en France spécialisé sur les questions de fret et de logistique.
Je partage volontiers la demande de l'UGE qui souhaiterait être davantage associée dans la conception des politiques nationales d'aménagement du territoire, afin d'apporter son expertise et sa connaissance dans ces domaines. Compte tenu de la qualité de ses travaux de recherche, je soutiens particulièrement cette démarche.
Enfin, le doublement des crédits destinés à la recherche dans le domaine de l'aéronautique civile m'a conduit à entendre le Commissariat général au développement durable (CGDD) ainsi que la Direction générale de l'aviation civile (DGAC). Ces derniers m'ont fait part de leur consensus quant à la nécessité de mettre en place des programmes d'avion décarboné, ou « avion vert ». Je note toutefois que ce projet soulève certaines difficultés de nature technique mais également liées à la sécurité de ce mode de transport qu'est l'avion. De plus, il s'agit un projet de long terme qui doit allier des exigences parfois contradictoires. D'un côté il faut accélérer la recherche et en même temps prendre le temps nécessaire à l'élaboration des projets de recherche. La réunion du ministre français des transports avec ses homologues anglais, espagnol et allemand, la semaine dernière, souligne un soutien politique fort pour ce projet ambitieux, qu'il conviendrait également de suivre.
Pour conclure, je souhaiterais insister sur la nécessité de maintenir les subventions publiques à ces opérateurs qui subissent les conséquences de la crise sanitaire, que ce soit par des retards projets de recherche ou d'accroissement leurs coûts de financement. Le soutien public de ces travaux s'avère plus que jamais nécessaire. La recherche, et plus spécifiquement la recherche dans les domaines de l'énergie, du développement et de la mobilité durables, constitue un vecteur de croissance verte à encourager pour faire face aux changements qu'impose la transition énergétique. Il importe donc de tendre vers l'idéal en passant par le réel et ces travaux en sont la parfaite illustration.
C'est pourquoi je proposerai à la commission de donner un avis favorable à l'adoption des crédits.