Nous avons souhaité commencer par l'historique et voir comment les choses ont évolué car cet historique éclaire les enjeux de société que nous avons aujourd'hui. Nous pensons que ce qui a été fait à la création d'Action Logement mérite d'être consolidé car Action Logement, c'est à la fois un héritage à préserver et une réforme à achever.
Je voudrais d'abord insister sur le fait que le « 1 % logement » est né d'une initiative d'un résistant qui était en même temps le patron des Lainières de Roubaix, Albert Prouvost, qui a volontairement créé avec d'autres chefs d'entreprises de cette région un prélèvement de 1 % sur la masse salariale pour résoudre les problèmes de logement de leurs salariés. Cette idée est dans le droit fil du programme du Conseil national de la Résistance qui a demandé la création d'une couverture sociale gérée par les partenaires sociaux et fondée sur des cotisations pour donner des réponses collectives à des demandes individuelles. Lancé en 1943, il a été généralisé par la loi en 1953, quelques mois avant l'appel de l'abbé Pierre qui a mis en exergue la crise du logement dans cette période.
Nous pensons que le « 1 % logement » repose sur un triptyque toujours valable : des contributions des entreprises qui sont un salaire différé ou tout du moins une cotisation sociale, la mise en commun des moyens pour répondre aux besoins et la gestion paritaire. La gestion paritaire du « 1 % logement » a toujours été particulière car c'est le patronat qui dirige les organismes tout en associant très largement les syndicats aux décisions qui le soutiennent de manière quasi unanime.
Depuis longtemps, le ministère des finances a pour objectif d'avoir la maîtrise de la ressource et la direction de cet organisme, ce qui est d'ailleurs un aiguillon pour en améliorer la gestion mais il y a toujours eu une mobilisation forte, politique et sociale, pour préserver la gestion paritaire. À cet égard, il y a eu une réforme importante dans les années 1990 quand on a pris la moitié de la contribution logement pour l'attribuer au Fonds national d'aide au logement (FNAL) et financer les aides à la personne plutôt que les aides à la pierre. C'est une tentation toujours présente aujourd'hui. Ensuite, des prélèvements réguliers de l'État ont été opérés entre 1995 et 2002 pour un montant total de 5,1 milliards d'euros mettant en danger le « 1 % logement ». Deux décisions ont permis de mettre fin à cette crise : la création de l'Union d'économie sociale du logement (UESL), comme tête d'un réseau jusque-là très dispersé, et la signature de conventions quinquennales avec l'État, la première ayant été signée en 1998, sur l'emploi de la PEEC, et par laquelle l'État renonçait à ses prélèvements. Parallèlement, étaient créés des droits ouverts, c'est-à-dire des prestations accessibles à tous, sans passer par une entreprise cotisante comme au préalable. Surtout l'UESL acceptait de financer des politiques publiques et plus particulièrement le renouvellement urbain. À l'origine, le financement devait être à parts égales entre l'État et Action Logement. Au final, le programme national de renouvellement urbain (PNRU) a été financé à 93 % par Action Logement.
Plus récemment, des réformes ont eu lieu, notamment entre 2015 et 2018 à l'initiative des partenaires sociaux. C'est elle qui doit être achevée maintenant puisque certains points débattus à l'époque n'avaient pas été suffisamment pris en compte ou pas appliqués, notamment sa dimension territoriale et la capacité des élus à codécider. Action Logement est aujourd'hui organisé en deux pôles principaux : Action Logement Services (ALS) et Action Logement Immobilier (ALI). ALI gère l'ensemble des entreprises sociales pour l'habitat (ESH). ALS est le seul collecteur et distributeur de la PEEC notamment à travers des subventions et des prêts aux bailleurs sociaux et aux particuliers. Il y a aussi d'autres prestations comme la garantie de loyer VISALE. Les débats portent sur l'articulation de ces structures qui sont formellement indépendantes afin de ne pas privilégier les ESH dont Action Logement est actionnaire. Cette réforme a été mise en oeuvre par une ordonnance qui a été ratifiée lors de la loi ELAN. À cette occasion le Sénat a introduit deux évolutions de la gouvernance pour permettre la participation des élus locaux et pour rendre plus facile la prise de décision au sein du groupe. C'est cette réforme, qui n'a pas trois ans d'existence, qu'il nous faut aujourd'hui consolider.