Ces « lignes rouges » ayant été posées concernant Action Logement qui est véritablement le coeur du réacteur de la politique du logement dans notre pays, nous soutenons l'idée de la poursuite de la réforme de 2015-2018 mais avec quels objectifs et quelle méthode ?
Le premier objectif est de retrouver la confiance entre l'État et les partenaires sociaux. Cela passe par un bilan actualisé et plus objectif de la mise en oeuvre des engagements d'Action Logement. Cela passe également par le respect par l'État des prérogatives des partenaires sociaux. Il doit se placer comme partenaire et non comme donneur d'ordres. Il doit également respecter sa parole et non pas mener une politique prédatrice et brutale de prélèvements sur les ressources.
La confiance retrouvée passe par une gouvernance plus fonctionnelle, ce serait le deuxième objectif. L'État ne peut pas d'un côté regretter l'incapacité à délivrer des prestations ou à réduire les coûts et de l'autre empêcher la réforme des structures ou mettre son veto dans les conseils d'administrations. Il convient de travailler à une ligne hiérarchique au sein du groupe portant une vision stratégique et garante d'efficacité vis-à-vis de l'État. Ce sera au coeur du dialogue qui va s'engager.
Enfin, le troisième objectif serait de retrouver un meilleur équilibre entre centralisation et financement de politiques publiques d'un côté, et lien emploi-logement et déclinaison sur les territoires, de l'autre côté. L'ADN d'Action Logement reste selon nous l'implication locale des entreprises, des salariés et des élus au service d'un bassin économique. C'est pour nous un axe essentiel à ne pas perdre de vue.
Concernant la méthode pour conduire cette réforme, vous le savez, nous nous sommes opposées à l'habilitation dans le projet de loi de finances. Pour nous, il ne peut être question de négocier sous la menace ni maintenant, ni plus tard !
Fort heureusement, Mme Wargon, ministre déléguée au logement, a entendu notre appel et elle s'est engagée à présenter au printemps, si ce n'est un texte de loi, du moins des articles spécifiques, « en dur », dans un projet de loi qui serait discuté en mars ou avril 2021, ce qui est très rapide.
Nous croyons que la réforme souhaitée ne peut résulter que d'une dynamique partagée et donc d'une vraie concertation menée avec les partenaires sociaux.
Une première étape sera franchie au tournant de cette année avec l'adaptation de Plan d'investissement volontaire à la crise sanitaire et économique et au plan de relance du Gouvernement. Souhaitons que cela se fasse dans un état d'esprit réellement partenarial et pour aboutir à une construction partagée et non décidée unilatéralement.
Nous demandons enfin que dès que possible les élus locaux soient consultés car il ne peut y avoir de politique du logement sans qu'ils soient une partie de la solution. Nous y veillerons spécifiquement.
Enfin, dans les cinq-six mois qui viennent, il nous faudra rester particulièrement attentifs au déroulement de la réforme et préparer son passage au Parlement. C'est pourquoi, nous vous proposons de transformer la « mission flash » en groupe de suivi de la réforme.
Pour conclure, il est important de comprendre qu'à travers Action Logement, c'est un pilier du pacte social de l'après-guerre qui est menacé. Action Logement, c'est une sorte de « fleuron » du paritarisme et du logement social. Grâce à 70 ans de cotisation, le groupe fournit plus d'un million de logements et pèse près de 90 milliards d'euros. Il y a 18 000 salariés. C'est la première foncière en Europe ! Action Logement produira plus 40 % des logements sociaux dans notre pays cette année et fournira plus de 500 000 aides aux salariés ! En ce moment renoncer à un tel outil et aux moyens correspondants serait à l'opposé du bon sens.
Bien entendu, tout n'est pas parfait et nous ne nous opposons pas à une réforme. Mais il n'est pas nécessaire de noircir le tableau. Action Logement est un groupe qui fonctionne et qui peut progresser. Il a déjà fait beaucoup d'effort depuis l'enquête de l'IGF.
Pour nous, il y a vraiment trois grands axes d'amélioration : la Gouvernance avec une ligne hiérarchique plus forte, c'était l'objet de la « loi ELAN », rappelons-le, redévelopper le lien entre l'emploi et le logement et amplifier la territorialisation des politiques menées pour coller au plus près des besoins.
Mais ces améliorations ne doivent et ne peuvent être atteintes qu'en respectant trois conditions : la préservation de la PEEC comme ressource dédiée au logement, le maintien d'une direction paritaire et la protection du patrimoine immobilier constitué en 70 ans. La tentation de garantir les retraites avec ce patrimoine est un danger.
Il est ensuite bien évident qu'aucune de ces améliorations ne peut être atteinte sans confiance et par un passage en force. Il ne peut pas y avoir de réforme sans respect de la place de chacun et sans un vrai dialogue.
Les décisions récentes du Gouvernement, grâce notamment à notre pression, nous laissent espérer qu'il y a vraiment un changement de pied, d'une part en ouvrant l'espace d'une vraie négociation, et d'autre part avec la volonté affirmée d'aboutir dans un texte de loi en bonne et due forme. Mais nous voulons rester vigilantes et nous assurer que le Sénat prenne toute la place qui lui revient.