Madame la Présidente, Madame le rapporteur, Monsieur le rapporteur spécial, Mesdames et Messieurs les sénateurs.
Je suis très heureuse d'être présente auprès de vous pour pouvoir débattre du budget du Ministère du Logement dans le cadre du projet de loi de finances pour 2021. Le logement est traditionnellement au coeur des préoccupations de nos concitoyens en période calme, et particulièrement durant cette période de crise sanitaire, économique et potentiellement sociale. Il est donc absolument indispensable d'accompagner et de soutenir ce secteur avec l'objectif d'offrir à chacun un lieu de vie décent.
Le secteur du logement a été affecté par la crise. L'État souhaite être à ses côtés. Ce budget illustre cet engagement et cet investissement public. Comme vous l'avez noté, l'effort budgétaire dans le cadre de la mission « Cohésion des territoires » est important. Les moyens alloués au ministère du logement représentent 16,1 milliards d'euros, en augmentation de 2,2 % par rapport à 2020, ce qui est cohérent avec le chiffre que vous avez cité, Madame la Présidente, et intègre les crédits budgétaires et les évolutions de taxes affectées. Le ministère bénéficie également de crédits dans le cadre du plan de relance.
Je vais centrer mon propos sur trois priorités qui animent mon action ministérielle. La première priorité consiste à mettre en oeuvre une politique d'accès au logement plus juste et plus solidaire. En cette période de crise, le budget consacré aux aides personnelles au logement sera doté de 500 millions d'euros supplémentaires pour atteindre un montant total de 15,7 milliards d'euros. Nous allons mettre en place la réforme des APL en temps réel à compter du 1er janvier 2021. Cette réforme, qui prévoit de calculer le montant des APL sur la base des derniers revenus connus, permettra de mieux accompagner les Français dont les revenus ont diminué en raison de la crise. Il s'agit d'une réforme à contre-cycle, axée sur la justice sociale, dont la mise en oeuvre est importante dans la période actuelle.
Par ailleurs, le Gouvernement et mon budget mobilisent des moyens extrêmement importants pour favoriser l'accès au logement des personnes sans domicile fixe, qu'elles soient à la rue ou hébergées. Depuis le mois de mars, nous consacrons des moyens exceptionnels pour permettre cette mise à l'abri. Nous avons poursuivi nos efforts dans le contexte du deuxième confinement et de la trêve hivernale. Cette année, le programme 177 sera doté d'une enveloppe de 2,2 milliards d'euros, soit plus de 200 millions d'euros supplémentaires par rapport à 2020. Cela nous permettra de pérenniser 14 000 nouvelles places d'hébergement, de recruter 150 équivalents temps plein au sein des services intégrés d'accueil et d'orientation et de continuer l'ouverture de places supplémentaires avec l'objectif de ne laisser aucune demande non satisfaite durant cette période particulière du confinement et de trêve hivernale.
Dans le cadre de l'acte II de la stratégie de lutte contre la pauvreté, le programme « Logement d'abord » bénéficie également de moyens supplémentaires permettant d'ouvrir 1 500 places d'hébergement pour les femmes sortant de maternité et de financer 250 équipes mobiles de prévention des expulsions locatives. Enfin, nous mobilisons 100 millions d'euros dans le cadre du plan de relance pour construire et rénover des centres d'hébergement, des résidences sociales et des foyers de travailleurs migrants, créer des tiers-lieux alimentaires et rénover les aires d'accueil des gens du voyage. Je voudrais en profiter pour confirmer une nouvelle fois l'engagement du Gouvernement dans le déploiement du plan « Logement d'abord ». La loi de finances donne au ministère les moyens d'une véritable accélération en la matière, notamment par le financement de nouveaux territoires de la mise en oeuvre accélérée du plan « Logement d'abord » mais aussi par le renforcement du financement des pensions de famille. Le forfait journalier va évoluer de 16 à 18 euros. Cette revalorisation répond à une demande ancienne et très attendue.
En ce qui concerne le logement social, les objectifs de production sont maintenus cette année ainsi que l'année prochaine à hauteur de 110 000 logements sociaux. Cette année, l'objectif est extrêmement ambitieux. Je ne pense pas que nous atteindrons le chiffre de 110 000, mais l'objectif est de dépasser celui de 100 000 logements sociaux. Pour l'exercice 2021, l'objectif de 110 000 logements sociaux, dont 40 000 PLAI, est atteignable. Nous nous appuyons notamment sur les moyens mis en oeuvre dans le pacte d'investissement entre l'État et le secteur HLM entre 2020 et 2022. Bien évidemment, je travaille avec toutes les parties prenantes, les bailleurs sociaux, les collectivités territoriales ainsi que les services instructeurs de l'État pour atteindre cet objectif.
Le deuxième axe d'action du ministère concerne la rénovation des logements. Comme vous l'avez souligné, le plan « France Relance » prévoit de consacrer 6,7 milliards d'euros à la rénovation énergétique et 2 milliards d'euros à la rénovation thermique à destination des ménages, ce qui vient compléter la partie budgétaire classique dédiée au financement de « MaPrimeRénov' » à hauteur de 4 milliards d'euros pour les bâtiments publics de l'État et des collectivités territoriales et de 500 millions d'euros pour la réhabilitation du parc social ainsi que 200 millions d'euros pour les travaux effectués par les PME-TPE. Le ministère maintiendra également un haut niveau de dotation de l'ANAH à hauteur de 650 millions d'euros afin de financer ses interventions en faveur de la lutte contre la précarité énergétique et l'habitat indigne et de soutenir les copropriétés dégradées avec des moyens supplémentaires, notamment pour le déploiement de nouvelles opérations de requalification des copropriétés dégradées d'intérêt national.
Enfin, je suis mobilisée en faveur de la construction neuve et durable, ce qui me permettra, Madame la Présidente, de répondre à votre première question. En effet, nous avons devant nous un risque conséquent de « trou d'air » de la construction. Le rythme annuel de mise sur le marché de logements neufs que nous observions avant la crise avoisinait 450 000 logements. Cette année, la mise à disposition de logements neufs sur douze mois glissants sera probablement inférieure à 390 000 ou 400 000 logements. Nous sommes confrontés au risque de rester à ce niveau si nous ne nous mobilisons pas. La mobilisation est celle de l'État, et j'y reviendrai, mais également celle des collectivités territoriales et notamment le bloc communal.
J'ai signé la semaine dernière avec l'Association des Maires de France, France urbaine et l'Assemblée des communautés de France ainsi qu'avec tous les professionnels de la construction et du logement un pacte pour la relance de la construction durable. Celui-ci comprend un axe de simplification des procédures ainsi qu'un axe de soutien à l'émergence de projets durables de construction. Je crois qu'il est extrêmement important de relancer une politique de la construction. La mobilisation des acteurs est une condition nécessaire, même si elle n'est pas forcément suffisante. Dans ce cadre, les actions et les ressources des établissements publics fonciers et des établissements publics d'aménagement seront confortés. Il faut faire en sorte que ces opérateurs soient un véritable soutien de cette politique et permettent de développer des projets d'envergure.
À travers le plan « France Relance », deux aides sont dédiées à ces enjeux. Les collectivités territoriales vont bénéficier d'une enveloppe de 350 millions d'euros pour une aide à la densification. Par ailleurs, le financement du recyclage des friches fait l'objet d'un fonds de 300 millions d'euros. Bien évidemment, la question des dispositifs fiscaux s'est posée. Les discussions avec les différentes parties prenantes ont été longues et nourries. La position du Gouvernement a été précisée à l'Assemblée Nationale la semaine dernière. Les députés ont voté en première lecture la prorogation du prêt à taux zéro à l'identique jusqu'à fin 2022 ainsi que la prorogation du dispositif Pinel à l'identique jusqu'à fin 2022, puis une réduction progressive du taux en 2023-2024 à l'exception des opérations exemplaires, qui resteront à définir, mais qui le seront sur le plan écologique ainsi qu'au regard de la qualité des logements. Je pense par exemple à la nécessité de disposer d'un espace extérieur et à un travail sur la taille des pièces et l'organisation des logements. Enfin, nous avons annoncé l'ambition de soutenir davantage et mieux le logement intermédiaire qui constitue un segment important et permet de mettre sur le marché des logements neufs locatifs à prix maîtrisés. Nous nous sommes engagés à revenir devant la représentation nationale dans le courant de l'année prochaine pour définir les modalités de ce soutien accru.
Enfin, comme vous le savez, nous avons ouvert une discussion sur les moyens, l'organisation et le fonctionnement d'Action Logement. L'article 47 du projet de loi de finances, que vous avez cité, contient un prélèvement exceptionnel d'un milliard d'euros. Au-delà de ce prélèvement exceptionnel, j'estime nécessaire de réengager avec Action Logement une discussion sur deux points. Le premier point concerne le fonctionnement et la gouvernance, avec l'objectif d'aller au bout de la réforme de 2016 et de trouver un fonctionnement satisfaisant ainsi qu'une efficacité plus grande. Le deuxième point concerne les principes d'intervention ainsi que la clarification des rôles et des interventions entre le soutien aux grandes politiques publiques qu'effectue Action Logement - je pense par exemple au financement du Nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU) ou d'autres actions de l'ANAH - et les démarches qui font partie du coeur de métier d'Action Logement en matière de soutien à la mobilité et au logement des salariés. Les deux volets forment en réalité un tout. Nous avons envisagé un article d'habilitation à légiférer par ordonnance, mais cet amendement n'a pas été déposé. Je vous confirme qu'il ne le sera pas. Nous donnons une chance à la discussion et à la concertation avec les partenaires sociaux, qui sera engagée avant la fin d'année, ceci durant quelques semaines. J'espère qu'elle sera relativement courte. Elle nous permettra de revenir avant la fin du premier semestre 2021 devant les parlementaires, soit à l'occasion d'une loi de finances rectificative, soit à une autre occasion, pour proposer des aménagements législatifs s'il apparaît que la réforme souhaitée est de niveau législatif.
En attendant, je souhaite conclure avec Action Logement un avenant au plan d'investissement volontaire. Il s'agit de tirer les conséquences de la crise et de l'adoption du plan de relance par l'État et par le Parlement et de mieux coordonner les actions durant les exercices 2021-2022. C'est d'ailleurs à ce titre que je répondrai à votre question sur l'appel des 101 maires. En effet, il me semble que cet avenant au plan d'investissement volontaire d'Action Logement pourrait poser la question d'un soutien renforcé ou d'une visibilité accrue donnée à l'ANRU. Cela fait partie des questions qui ont été soulevées par les maires de banlieue, parmi toutes les questions qui dépassent la politique du logement et qui concernent aussi la santé, l'éducation et la vie associative. En ce qui concerne le logement, je pense que l'une des réponses est de poursuivre cet investissement au travers d'une action volontaire partagée entre l'État et Action Logement.
Je reviens également sur la lutte contre l'habitat indigne, en particulier à Marseille. Je partage assez largement les constats que vous avez exprimés. J'ai l'intention de me rendre à Marseille le 25 novembre pour présider le comité de pilotage du PPA. Je m'y étais rendue quelques temps après ma prise de fonction. Je pense qu'il faut dissocier deux aspects, la prise en charge des familles qui ont été frappées par le drame de la rue d'Aubagne et leur relogement, qui est assez largement en cours, et le fait qu'à la suite de ce drame, la Ville, l'État et la Métropole ont augmenté de manière significative le volume d'arrêtés de péril et d'arrêtés d'insalubrité. Ces acteurs ont commencé à identifier plus précisément les immeubles en difficulté, ce qui a généré un nouveau flux de relogements. Celui-ci est en cours. La plupart des familles de la rue d'Aubagne ont été réinstallées dans de vrais logements, mais cela n'est pas le cas de toutes celles qui ont été confrontées à des situations découvertes après l'effondrement dans la rue d'Aubagne et qui logent encore souvent dans des structures transitoires. L'État agit d'ailleurs plus largement que son rôle théorique, puisqu'il apporte son financement à la mission d'urgence et de relogement au-delà des ambitions initiales, qui portaient sur une durée plus courte.
Au-delà de la réponse apportée à la situation d'urgence, les opérations de requalification mettent du temps à se mettre en place, qu'il s'agisse de la création de la SPLA-IN, du recrutement de son directeur, de la formalisation du contenu du partenariat ou du lancement des premières actions. Cela résulte également de la coexistence assez forte de programmes d'aménagement sur le territoire marseillais, notamment la requalification du centre-ville, les grands programmes d'aménagement classiques et la reprise des grandes copropriétés dégradées, qui se situent plutôt dans les quartiers nord ou en périphérie. Je crois qu'effectivement, nous devons imaginer un pilotage plus resserré. Ce pilotage est forcément tripartite et associe la ville, la métropole et l'État.
La SPLA-IN a été capitalisée à hauteur de 3 millions d'euros. Le plan « Initiative Copropriétés » se voit soutenu au travers d'une enveloppe supplémentaire de 50 millions d'euros dans le cadre du plan de relance.