Intervention de Emmanuelle Wargon

Commission des affaires économiques — Réunion du 17 novembre 2020 à 16h30
Projet de loi de finances pour 2021 — Audition de Mme Emmanuelle Wargon ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique chargée du logement

Emmanuelle Wargon, ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, chargée du logement :

Je vous remercie pour ces questions. En premier lieu, j'aurais tendance à dire que je serais favorable au principe d'un amendement. Cependant, je crois que cette demande est satisfaite, ce que nous allons vérifier. En effet, je pense que l'accès des copropriétés au dispositif « MaPrimeRénov' » est un vrai progrès. Il est clair que la rénovation dans une copropriété est déjà suffisamment compliquée. Si chaque copropriétaire a besoin de monter un dossier de demande d'aide et si l'aide varie en fonction des situations personnelles, le dispositif devient totalement illisible. Nous avons donc décidé que la copropriété elle-même pourra demander l'aide « MaPrimeRénov' » par le biais du syndic.

Prenons l'exemple de travaux d'un coût brut d'un million d'euros donnant lieu à une aide de 400 000 euros. Le syndic va réaliser son plan de travaux et l'envoyer à l'ANAH. Il va demander l'éligibilité à l'aide et recevoir cette enveloppe de 400 000 euros, ce qui va donc ramener le prix des travaux à 600 000 euros. Ensuite, le syndic répartira ce montant de 600 000 euros entre les copropriétaires sur la base des tantièmes. Quelle que soit l'identité du copropriétaire et qu'il s'agisse d'un individu ou d'une société commerciale, d'un occupant ou d'un bailleur, la situation est neutre. C'est l'immeuble qui est éligible. Le syndic perçoit l'aide au nom de l'immeuble. Le fait que l'occupant se situe au rez-de-chaussée de l'immeuble et que celui-ci soit un commerce ne crée pas d'exclusion. C'est ce que j'ai compris du dispositif et la réponse formelle que je peux vous apporter aujourd'hui. Je vais néanmoins vérifier ce point, qui m'est indiqué par les services. S'il y avait un blocage sur ce sujet, je serais tout à fait favorable à ce qu'il soit levé, mais je crois que nous n'en avons pas besoin.

Votre deuxième question concerne le statut du bailleur privé. Nous avons fait le choix de proroger les aides à l'investissement locatif sous leur forme actuelle, à savoir le dispositif Pinel, avec une visibilité intacte en 2021-2022 ainsi qu'une visibilité plutôt en régression à partir de 2023, à l'exception des opérations dites exemplaires. Je vous accorde que cela ne répond pas à la totalité de la question posée. Celle-ci me semble comprendre un élément relatif à la valorisation de l'action utile de fourniture de logement qu'est la mise en location par un propriétaire. Elle porte également sur la question de l'amortissement du bien en dehors de tous les dispositifs spécifiques liés à des niches plus petites (Pinel, Denormandie, etc.). Je trouverais intéressant de pouvoir conduire une réflexion sur ce sujet, mais je pense qu'elle n'aboutira pas dans le cadre du PLF 2022. En revanche, il me paraîtrait utile qu'elle puisse être mise en oeuvre afin de préparer une éventuelle réforme plus ambitieuse. Ce sujet revient régulièrement. Nous pourrions l'instruire de façon plus précise. Je rappelle qu'il mobilise des masses financières importantes. Soit les amortissements sont très faibles, soit la dépense fiscale sera plus élevée que la somme des dépenses fiscales spécifiques actuellement intégrées au budget. Pour autant, cela n'empêche pas d'approfondir cette réflexion.

Concernant les impayés de loyer, je partage vos inquiétudes. Toutefois, je vous avoue une forme de frustration au sujet de l'absence de données plus solides. J'ai donc souhaité créer un observatoire des impayés de loyer, que j'ai réuni hier. J'y ai convié la totalité des acteurs susceptibles d'être intéressés et de partager des données, tels que l'ANIL, les associations du contrôle de l'exclusion, le monde du logement social au travers de l'USH ainsi que les propriétaires privés au travers de l'Union nationale des propriétaires immobiliers, Action Logement ainsi que les collectivités territoriales. Chacun de ces acteurs perçoit des signaux.

Le tour de table que nous avons organisé hier nous a permis de partager des inquiétudes, mais nous n'avons pas beaucoup de signaux tangibles à ce stade. L'ANIL constate une augmentation des demandes des consultations. L'USH ne constate pas de hausse des montants d'impayés, mais exprime des interrogations. Les propriétaires privés n'enregistrent aucun signe pour l'instant. Les départements n'ont pas constaté d'augmentation des dépenses liées au Fonds de solidarité pour le logement. Pour autant, rien ne dit que cela ne va pas se produire. Je prends donc ces observations avec précaution et affirme simplement qu'à ce stade, les inquiétudes exprimées de façon légitime n'ont pas encore produit de demandes massives de prise en charge au travers des aides départementales ou au travers de la relation avec les propriétaires. Les signaux intermédiaires de consultation, par exemple, sont plus importants.

Je rappelle qu'il existe des aides. L'aide proposée par Action Logement à hauteur de 150 euros par mois, durant deux mois maximum, a été portée à six mois maximum. De plus, certaines caisses de retraite proposent également des aides, notamment l'AGIRC-ARRCO et son dispositif d'aides nationales. S'y ajoutent les aides locales telles que les Fonds de solidarité pour le logement, les FSL.

Nous avons décidé de travailler dans trois directions. D'une part, il faut essayer de mieux colliger les données afin de construire un indicateur en avance de phase. D'autre part, il faut bien informer les locataires, notamment les locataires du secteur privé. Concernant les locataires du parc social, une charte a été rédigée durant le premier confinement. Les bailleurs sociaux se sont engagés à la republier et la partager. En revanche, l'information des locataires du secteur privé repose sur les grands réseaux qui assurent la gestion d'une partie significative du parc. Ils doivent être informés du fait qu'en cas de difficultés, il vaut mieux signaler celles-ci rapidement et mettre en avant le rôle des agences départementales pour l'information sur le logement (ADIL) en première intention, puis les travailleurs sociaux. Enfin, sur ma proposition, le Premier ministre a mandaté le député Nicolas Démoulin au sujet de la prévention des expulsions locatives. L'objectif est de faire en sorte que les mesures plus structurelles soient reprises dans son rapport et soient mises en oeuvre.

Concernant l'accélération de la mise en place de la politique « Logement d'Abord » sur les territoires, le dispositif fonctionne de façon satisfaisante. Vingt-trois territoires avaient candidaté au premier appel à manifestation d'intérêt. Les résultats sont meilleurs dans ces territoires que dans le reste de la France. Le nombre d'attributions de véritables logements aux personnes en situation d'hébergement a augmenté de 14 % dans ces territoires en deux ans, contre 8 % sur l'ensemble du territoire national. Nous réalisons des efforts spécifiques qui produisent leurs effets. Nous avons lancé un nouvel appel à manifestation d'intérêt. Les retours sont prévus pour le 11 janvier. Nous avons déjà reçu une trentaine de lettres d'intention. Le PLF prévoit une enveloppe de 12 millions d'euros pour financer ces nouveaux territoires d'accélération. Il s'agit donc d'une politique prometteuse.

Enfin, je reviens sur l'aide à la relance de la construction durable, qui se traduit par une enveloppe de 350 millions d'euros sur deux ans. Il s'agit d'une aide au mètre carré quand le nombre de mètres carrés du permis de construire octroyé est supérieur à un seuil de densité fixé selon cinq niveaux différents en fonction de la densité de la zone. Cela permet de ne pas traiter de la même manière les zones rurales et les centres-villes. Cette aide calibrée à hauteur de 100 euros par mètres carrés au-delà du seuil de densité moyen sera versée automatiquement. Les permis de construire seront enregistrés dans la base de données de l'administration, intitulée Citadelle, qui rassemble tous ces permis. Le premier versement est prévu en octobre 2021. Le deuxième versement interviendra courant 2022 de façon automatique.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion