Merci beaucoup, madame la présidente.
C'est avec beaucoup de plaisir que je suis devant vous cet après-midi pour discuter de ce budget de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales ».
Ce budget intervient dans une situation exceptionnelle qui impose d'y répondre de manière massive en apportant l'accompagnement nécessaire à ces femmes et ces hommes qui réalisent un travail exceptionnel. Songez que, pendant toute la période du premier confinement, la chaîne alimentaire a toujours tenu. Depuis le début du second confinement, nous ne cessons de nous assurer qu'il n'existe pas de tension sur les chaînes alimentaires.
Je voudrais une nouvelle fois adresser mes remerciements solennels et républicains à l'ensemble de ces femmes et de ces hommes qui, tous les matins, se lèvent et travaillent ardemment. Ils font partie de ce ciment républicain qui permet au pays de tenir.
Face à cette situation exceptionnelle, il faut un budget exceptionnel. Celui-ci se concrétise d'abord par le maintien à un niveau supérieur à l'année dernière des crédits nationaux, modulo une baisse sur des compensations au titre de mécanismes communautaires, qui font diminuer l'un des programmes tout en ayant, à l'échelle de la mission, une augmentation de crédits. Cette diminution de programme est simplement liée à des mécaniques de chronique de paiement.
Ce soutien exceptionnel, au-delà du budget, doit également être mesuré au titre des crédits du plan de relance, qui sont absolument massifs. Vous savez à quel point ma détermination a été totale, dès que j'ai pris mes fonctions, pour faire en sorte que le plan de relance contienne un volet agricole. Le plan de relance a en effet pour mission de créer demain une France plus forte. Or je ne conçois pas une France plus forte sans une agriculture plus forte.
J'ai convaincu le Président de la République et le Premier ministre qu'il nous fallait disposer dans le plan de relance d'un volet agricole à hauteur de 1,2 milliard d'euros.
Il existe par ailleurs des dispositions fiscales. Nous nous sommes également beaucoup battus concernant le budget de la politique agricole commune (PAC) depuis début juillet. Le premier à le faire a été le Président de la République, qui a réussi à obtenir le maintien de crédits très importants au bénéfice des agriculteurs français.
Si l'on ajoute les crédits du budget national, le plan de relance, les mesures fiscales et les mesures européennes, on arrive à des dépenses dans le domaine agricole de l'ordre de 20 milliards d'euros par an, ce qui est tout à fait significatif et, à mes yeux, nécessaire.
J'ai un principe de base : ce n'est pas le budget qui guide la politique, c'est la politique qui doit guider le budget. Peut-être l'oublie-t-on trop souvent, mais c'est à mes yeux absolument essentiel.
Il ne s'agit pas d'énumérer la litanie de tous les postes budgétaires, mais d'abord de vous expliquer le sens politique de l'action qui est la mienne à la tête de ce ministère.
En premier lieu, la question de souveraineté est essentielle. Comment arriver à rendre plus de souveraineté agroalimentaire à notre pays ? Pour la même raison que ce que j'expliquais au titre du plan de relance, il nous faut un pays plus fort, donc une agriculture plus forte, ce qui n'est possible que si notre agriculture et notre système agroalimentaire sont bien plus souverains.
Pendant le premier confinement, certains pays européens enviaient la résilience du système agroalimentaire de la France. Il faut en être fier et insister sur ce point. Ce n'est en effet jamais acquis. Ceci a été rendu possible grâce au travail des travailleurs de seconde ligne, à l'organisation de l'ensemble de cette filière et à tout l'actif que représente le système agricole français, dont je suis très fier. Il est extrêmement précieux pour notre pays, et il nous faut le conforter
Comment faire pour regagner en souveraineté ? La première des souverainetés réside évidemment dans la pérennité de notre modèle agricole vis-à-vis des transitions qui nous sont à juste titre demandées par la société, notamment en matière agroécologique.
Je ne reviens pas sur la vision qui est la mienne de l'agroécologie. Je l'ai déjà dit : pour moi, l'agroécologie n'est pas une vision politique. La vision politique réside dans la souveraineté. L'agroécologie est un moyen qui nous permet de l'atteindre. À ce titre, elle est absolument essentielle.
Nous allons donc renforcer les moyens des crédits nationaux et surtout du plan de relance avec une ligne que nous avons présentée au conseil d'administration de FranceAgriMer hier après-midi. Elle s'élève à 135 millions d'euros et est destinée au financement de matériels d'agroéquipement. Une autre ligne de 100 millions d'euros permet d'assurer la protection contre les aléas dus au changement climatique.
Parallèlement, des crédits très soutenus au titre du budget national sont proposés pour cofinancer l'ensemble des mesures européennes qui, vous le savez, sont souvent abondées par le budget national.
Cela me permet de revenir sur l'anecdote concernant la herse de 9,20 mètres. Vous savez qu'au moment où l'on a établi la ZNT, nous nous sommes engagés à mettre en place un système d'aides à hauteur de 30 millions d'euros pour financer du matériel et soutenir ainsi nos agriculteurs. Cela a mis un peu de temps à se mettre en place, mais c'est chose faite. Le dispositif a très bien fonctionné, et on a eu encore plus de demandes qu'on ne le pensait.
L'échelle n'a rien à voir dans le cas du plan de relance. On passe en effet à 135 millions d'euros rien que pour l'agroéquipement. J'ai fait une tentative pour passer de l'appel à projet au principe de catalogue. Nous sommes tous habitués, dans la vie de tous les jours, à recourir aux catalogues plus qu'aux appels à projets, qui constituent une belle invention française.
Nous sommes donc en train d'établir des catalogues comportant des centaines de référence. Nous allons voir si cela fonctionne. J'ai la conviction que cette approche pragmatique vaut certainement mieux que des volets de conditionnalité.
La souveraineté vis-à-vis des risques sanitaires me paraît par ailleurs essentielle. Certains, jusque dans cette salle, portent cette vision depuis de nombreuses années, et je les en félicite.
Il existe aujourd'hui une approche du monde vivant dans sa globalité, qui correspond à la fameuse initiative « Une seule santé ». Nous devons avoir une approche holistique, avec des passages récurrents entre le monde animal, l'espèce humaine et le monde végétal. Tout ceci est assez logique au demeurant. Malheureusement, ces passerelles sont souvent de plus en plus fortes, voire inquiétantes, comme dans le cas de la Covid-19.
On le voit aussi, depuis 48 heures, avec la détection d'un premier cas d'influenza aviaire H5N8 en Haute-Corse, qui m'a conduit à prendre des mesures d'euthanasie de volailles et à mettre l'ensemble du territoire hexagonal sous une vigilance élevée en termes de biosécurité.
Il est important de pouvoir investir massivement dans l'ensemble de nos élevages pour se prémunir contre ces phénomènes. Il existe des solutions. Celles-ci nécessitent des investissements. Comme pour toute transition, on ne peut pas toujours émettre des injonctions parfois paradoxales, et demander aux uns de mettre en place telle ou telle procédure sans que les autres ne les financent.
Nous avons décidé, dans le cadre du plan de relance, d'investir massivement 250 millions d'euros dans les élevages et les abattoirs, ce qui répond à une autre logique, au final assez proche. Ceci vient en plus du renforcement du programme de la mission dédiée à ce sujet, dans le cadre des budgets que je vous propose aujourd'hui.
Enfin, nous sommes aujourd'hui face à un défi majeur, peut-être le plus important avec celui de la gestion de l'eau, qui n'emporte pas de considérations financières dans la plupart des cas, mais plutôt une considération relative à l'aménagement du territoire, ce qui nécessite un certain courage politique.
Le défi démographique est aujourd'hui majeur. Or nous sommes dans une dépendance démographique incroyablement élevée, et on ne peut toujours miser sur les enfants des agriculteurs pour reprendre une exploitation.
Nos paysans sont des hommes et des femmes passionnés. Heureusement qu'ils sont là mais, comme tout bon père ou bonne mère de famille, ils souhaitent à leurs enfants de travailler dans des filières où l'on peut vivre décemment de son métier. Être paysan, c'est être entrepreneur et non fonctionnaire du vivant.
Ce défi emporte beaucoup de considérations, notamment celle de la rémunération. C'est bien plus important que tout le débat complètement stérile qui oppose agriculture et environnement, sur lequel il nous faut réussir à apaiser la société. Nous devons, là aussi, au titre des budgets ou du plan de relance, apporter les financements adéquats.
Je voudrais avoir une pensée particulière pour le corps professoral de l'enseignement agricole. Ce corps réalise un travail incroyable et constitue une spécificité et un joyau français qu'il nous faut absolument préserver.
Année après année, on constate un déficit d'apprenants. C'est pourquoi on doit prendre le sujet à la racine pour convaincre l'ensemble de la jeunesse de France qu'il existe dans les métiers du vivant des opportunités incroyables. Ce sont des métiers de passion et d'innovation extrêmement pertinents.
Je voudrais également saluer les chefs d'établissements, qui sont remarquables. C'est pourquoi nous consacrons à ce secteur des financements importants.
Enfin, il nous faut préparer l'avenir en investissant massivement dans la recherche. Notre pays a, là aussi, des actifs très importants, de l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (INRAE) jusqu'au Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD), en passant par l'ensemble des instituts techniques. Il faut absolument développer et chérir ce savoir-faire.
J'entends les critiques formulées à l'égard du compte d'affectation spéciale développement agricole et rural (CASDAR) et la réduction de son montant. Je rappelle que le débat initial portait sur le fait de savoir s'il fallait rebudgétiser ce compte d'affectation spéciale. On a obtenu de ne pas le faire et de lui conserver sa spécificité.
Le CASDAR est alimenté à partir des niveaux de chiffre d'affaires de l'année n-1. Sur le plan de la sincérité budgétaire, le niveau des recettes du CASDAR sera probablement cette année inférieur au plafond, même réduit de 10 millions d'euros. Cela n'empêche pas les conséquences sur l'année suivante. Vous connaissez la mécanique : la même sincérité budgétaire imposerait d'augmenter le plafond. Or on va nous demander où l'on réalise les économies adjacentes.
Nous investissons par ailleurs massivement, que soit dans le cadre de la loi de programmation pluriannuelle de la recherche (LPPR), que vous venez d'adopter, ou dans celui du programme d'investissement d'avenir (PIA). J'insiste, car c'est pour moi très important. On s'est posé à propos de la betterave la question de savoir comment investir massivement.
Aujourd'hui, selon moi, l'enjeu consiste d'abord à mettre en oeuvre toutes les mesures de soutien qui ont été annoncées depuis des mois et qui ont trop tardé à être mises en oeuvre. Depuis que je suis arrivé à la tête de ce ministère, je n'ai eu cesse, avec mes équipes, de les finaliser. C'est chose faite, mais il faut savoir de combien les abonder au vu des événements.
On a normalement aujourd'hui « atterri » sur l'ensemble de ces dispositifs sectoriels - cidre, pomme de terre, horticulture. Je remercie toutes les équipes qui ont réalisé un travail énorme à ce sujet.
La deuxième priorité est de mettre en oeuvre le plan de relance. On en a parlé hier lors du débat : selon moi, il faut être le plus simple possible. Sur 1,2 milliard d'euros, 200 millions d'euros concernent la forêt. On aura un débat demain dans l'hémicycle à ce sujet. C'est un débat essentiel. On a notamment créé, dans le cadre de la crise des scolytes, le plus grand plan de reboisement depuis l'après-guerre. Cinquante millions d'arbres vont être replantés.
Il nous faut également mettre en oeuvre le plan de relance. Nous y travaillons. Le confinement ne nous détourne en rien de notre action. Les équipes ont été scindées en deux, l'une étant consacrée au soutien, l'autre à la relance.
Les chambres d'agriculture ont à ce sujet un rôle essentiel à jouer. Il y a eu l'année dernière de nombreux débats à propos de leur budget. J'ai souhaité cette année le consolider, considérant que les chambres d'agriculture devaient être les agents du dernier kilomètre, avec les services de l'État, pour mettre en oeuvre les mesures de soutien et, singulièrement, le plan de relance. Nous réalisons un très gros travail avec les chambres d'agriculture pour que chaque agriculteur, chaque éleveur, dans sa ferme, puisse être contacté afin qu'on puisse informer chacun des dispositifs existants.