Intervention de Patrice Joly

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 17 novembre 2020 à 15h40
Projet de loi de finances pour 2021 — Mission « agriculture alimentation forêt et affaires rurales » et compte d'affectation spéciale « développement agricole et rural » - examen du rapport spécial

Photo de Patrice JolyPatrice Joly, rapporteur spécial :

Cette mission est complexe au regard notamment de l'absence de transparence et de transversalité sur l'ensemble des thématiques.

Les crédits dédiés à la pêche sont à peu près constants. Ils s'ajoutent aux crédits européens du Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche (Feamp), dont l'objet est de développer la pratique durable et la diversification des activités de pêche. Les risques liés au Brexit n'ont pas été pris en compte pour accompagner les pêcheurs, qui sont susceptibles d'en subir les préjudices, du moins ne sont-ils pas pris en compte dans le budget de la mission.

La forêt constitue un véritable enjeu en termes de surface, en matière de lutte contre le réchauffement climatique, notamment de captation du carbone. Les filières aval sont très fragiles et peinent à trouver leur équilibre économique d'année en année.

Les enjeux sont également importants sur le plan sanitaire : la sécheresse fragilise l'ensemble des essences, qu'il s'agisse de parasites ou de dégradation liée au phénomène hydrique.

Le budget global dédié à la forêt n'est pas consolidé, avec une enveloppe globale qui pourrait être de l'ordre de 900 millions d'euros, dont 251,8 millions de crédits de paiement prévus dans le programme 149 de la mission. Cela équivaut à une augmentation de 5,5 millions d'euros, dont 2 millions à destination de l'Office national des forêts (ONF). La dotation dédiée à l'ONF vise à apporter une réponse à une situation difficile depuis plusieurs années. Le contrat d'objectifs et de performance (COP), qui arrive à son terme, est en cours de négociation.

Une partie des difficultés rencontrées par l'ONF concerne les charges liées aux retraites : il supporte les contributions employeurs appliquées pour les fonctionnaires civils de l'État. Pour équilibrer ses comptes, il s'endette à hauteur de 450 millions d'euros. Certes, cette somme peut apparaître modérée au regard de l'actif dont il dispose, mais son activité ne lui permet pas d'y faire face.

La productivité de cet organisme pose régulièrement question. Pour maintenir le niveau d'effectifs prévu dans le COP, l'ONF a recouru à des contractuels. Pour 2021, il devrait subir la perte de 95 équivalents temps plein (ETP).

Ajoutons les 82 millions d'euros de crédits de paiement prévus par le plan de relance, mais on n'en connaît pas les déclinaisons, sauf à très grands traits.

Nous avons peu d'évaluations sur la mise en oeuvre des avantages fiscaux, alors que les enjeux sont importants pour le développement des activités.

Sur le plan de la maîtrise des risques sanitaires, le programme 206 « Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation » connaît une hausse de ses crédits à hauteur de 30 millions d'euros, ce qui représente, pour un budget de 600 millions, une augmentation de 5 %. Ces crédits sont notamment consacrés au fonctionnement de la direction générale de l'alimentation (DGAL) et de ses agents de terrain et de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses). La hausse attendue est principalement due à un alourdissement des charges d'indemnisation des exploitants frappés par des calamités sanitaires ainsi que des dépenses de personnels supplémentaires dans la perspective du Brexit. Ce programme n'enregistre donc pas de moyens opérationnels supplémentaires alors que de nouveaux sujets font l'objet d'attention, tels que le bien-être animal ou encore la question des produits phyto-sanitaires, avec la réduction de la consommation d'intrants.

Concernant l'engagement de sortie du glyphosate en 2023, nous ne disposons d'aucune évaluation nous permettant de nous assurer que les objectifs pourront être atteints. Les volumes d'utilisation de cette substance commercialisée chaque année ne sont pas mentionnés. L'Anses est chargée de l'accompagnement de cette sortie. L'appel à projets qu'elle a lancé pour apprécier la connaissance de la toxicité de cette substance est en cours, mais l'organisme retenu s'est rétracté. Se pose aussi, dans le même temps, la question de l'accompagnement des exploitations : il semblerait que la disparition de cette substance soit de nature à réduire les rendements et donc à fragiliser leur économie.

S'agissant du financement de plateformes numériques gérant les certificats sanitaires d'exportation, la suppression d'une taxe en première partie du projet de loi de finances a entraîné une ouverture de crédits à hauteur de 2 millions d'euros.

Enfin, les crédits du CAS-DAR seront réduits de 10 millions d'euros. Ce compte est financé par une taxe spécifique sur le chiffre d'affaires des exploitants agricoles, dont le rendement serait de 136 millions d'euros en 2020. Au regard de l'évolution du chiffre d'affaires, l'apport de cette taxe devrait diminuer de 10 millions d'euros, entraînant une réduction équivalente des crédits ouverts.

Le CAS-DAR est excédentaire depuis des années ; le montant cumulé de l'excédent s'élève à 80 millions d'euros. Aussi, un abondement des crédits ne met pas en péril la structure de financement d'un compte qui alimente la recherche et favorise la diffusion des innovations notamment en matière d'agriculture biologique ou d'alternatives à certains types de production. Néanmoins, cette diminution de 10 millions d'euros des crédits est un sujet de crispation pour certaines organisations professionnelles et acteurs de la recherche qui, au regard des objectifs fixés, ont l'impression que le budget n'est pas à la hauteur des enjeux.

D'une manière plus générale, sur l'ensemble de cette mission, on observe une gestion un peu au fil de l'eau. On constate que les crédits dédiés à l'installation des agriculteurs ne sont pas consommés.

Or, la politique, c'est non pas seulement constater, mais se donner les moyens, notamment humains, pour atteindre les objectifs.

Pour conclure, à partir de l'ensemble des éléments dont nous disposons, je propose donc de rejeter ce budget.

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