Intervention de Jean-François Rapin

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 17 novembre 2020 à 15h40
Projet de loi de finances pour 2021 — Mission « recherche et enseignement supérieur » - examen du rapport spécial

Photo de Jean-François RapinJean-François Rapin, rapporteur spécial :

Je salue ma collègue Vanina Paoli-Gagin, qui présentait aujourd'hui son premier rapport spécial.

Pour le monde de la recherche, le budget pour 2021 revêt une dimension symbolique, puisqu'il s'agit de la première année de mise en oeuvre de la LPR, que nous venons de voter. Je ne reviendrai pas sur le contenu de cette loi de programmation, que j'ai déjà eu l'occasion de détailler devant notre commission. Je m'attacherai uniquement à vous présenter la déclinaison qui en est faite dans le projet de loi de finances pour 2021, en retenant quatre points saillants.

D'abord, je voudrais souligner que le budget de la recherche est conforme à la trajectoire votée pour 2021, avec une hausse de 225 millions d'euros des crédits alloués au programme 172 et de 41 millions d'euros des crédits dévolus à la recherche spatiale.

Cependant, ces augmentations de crédit sont très peu lisibles. En effet, la maquette budgétaire de la mission « Recherche » est profondément modifiée cette année, notamment dans le contexte du plan de relance. Les mesures de périmètre représentent ainsi une diminution de 756 millions d'euros du budget de la mission « Recherche et enseignement supérieur » (Mires). Certaines de ces mesures semblent pertinentes, d'autres nettement moins - je pense notamment à l'inscription des crédits dédiés à la recherche duale sur la mission « Plan de relance ». Il s'agit à mes yeux d'un tour de passe-passe budgétaire, que personne n'a été en mesure de justifier de manière crédible, et qui jette un doute quant à la pérennité de cette enveloppe.

De manière plus générale, le budget de la recherche sera cette année complété de manière très substantielle par des abondements en provenance du plan de relance et du nouveau programme d'investissements d'avenir (PIA 4), qui comporte un volet entièrement dédié à la pérennisation des financements de l'écosystème de recherche et d'innovation. Au total, les 11,75 milliards d'euros des programmes de recherche bénéficieront d'un abondement de 2,055 milliards d'euros en provenance d'autres missions budgétaires. Ainsi, près de 18 % des crédits dédiés à la recherche ne seront pas inscrits au sein de la Mires.

Ces moyens additionnels sont bien évidemment appréciables. Cependant, l'émiettement des crédits sur plusieurs actions et programmes contribue à aggraver le déficit de lisibilité dont souffre depuis plusieurs années le budget de la recherche et nous oblige à effectuer un travail de consolidation particulièrement complexe.

Je regrette, dans ce contexte, que le vote de la LPR ne se soit pas accompagné d'une simplification de l'architecture du soutien public à la recherche.

Deuxième point, si le budget pour 2021 est conforme à la programmation, les hausses budgétaires qui nous sont présentées sont partiellement factices. Une partie de ces crédits supplémentaires sont en réalité dévoyés de leur finalité première, pour venir combler des « trous budgétaires » identifiés de longue date. Tel est notamment le cas de l'enveloppe de 68 millions d'euros destinée au rebasage de la subvention versée au Centre national de la recherche scientifique (CNRS). Le sujet du « mur du CNRS » était en effet identifié depuis au moins trois ans, et rien ne justifie à mes yeux l'utilisation des crédits nouveaux issus de la LPR pour mettre un terme à cette situation.

Dans le même esprit, 38 millions d'euros de crédits supplémentaires seront mobilisés pour financer la contribution de la France aux très grandes infrastructures de recherche (TGIR) et organisations internationales, alors même qu'il s'agit d'engagements pluriannuels contraignants pour notre pays.

J'estime ainsi que sur l'enveloppe de 225 millions d'euros de crédits supplémentaires, seuls 124 millions d'euros constituent des moyens réellement nouveaux, soit un peu plus de la moitié. Les choix budgétaires ainsi réalisés me semblent préoccupants, dans la mesure où ils laissent augurer d'une interprétation extrêmement restrictive de la programmation budgétaire, qui constituera un plafond davantage qu'un plancher.

Ma troisième remarque concernera la situation financière des organismes de recherche. Si l'on exclut le rebasage de la subvention du CNRS, ces derniers devraient bénéficier de 67,8 millions d'euros supplémentaires pour la mise en oeuvre de mesures issues de la LPR - à savoir les revalorisations indemnitaires et mesures statutaires, ainsi que la création de 315 emplois supplémentaires.

Il est indéniable que ces moyens nouveaux vont redonner des marges de manoeuvre aux organismes de recherche. Depuis plusieurs années, en effet, ces opérateurs ne sont pas en mesure d'exécuter leur plafond d'emploi, étant donné le dynamisme des mesures salariales et la stagnation des moyens qui leur sont alloués. Le budget pour 2021 devrait ainsi mettre un terme à l'érosion du nombre de chercheurs rémunérés par les organismes, ce qui constitue une avancée notable.

Je note cependant que sur ces 67,8 millions d'euros seuls 16,4 millions d'euros ont été répartis entre les organismes. Ces derniers ne connaissent donc toujours pas le montant des crédits qui leur seront alloués en 2021, et cette source d'incertitude est très préjudiciable.

Par ailleurs, la situation financière des opérateurs est assez contrastée, et demeure tendue pour certains - je pense notamment à l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm). Il faudra donc se montrer très vigilant dans les mois qui viennent, afin que ne se reconstituent pas des « murs budgétaires ».

Je voudrais conclure, et ce sera mon dernier point, sur le redressement financier de l'Agence nationale de la recherche (ANR). Conformément à la LPR, le projet de loi de finances pour 2021 prévoit une hausse de 117 millions d'euros, en autorisations d'engagement (AE), des moyens dévolus à l'ANR. Ces crédits seront complétés par une enveloppe de 286 millions d'euros, en AE et crédits de paiement (CP), en provenance du plan de relance, si bien que, au total, l'ANR devrait bénéficier de 403 millions d'euros supplémentaires, pour atteindre 1 169 millions d'euros. Cette hausse substantielle devrait permettre d'obtenir un taux de succès sur les appels à projets de 23 % dès 2021, contre 17 % en 2019.

Je me suis prononcé à plusieurs reprises en faveur d'une enveloppe budgétaire minimale de l'ordre de 1 milliard d'euros, permettant d'atteindre un taux de succès de l'ordre de 25 %. Je me félicite donc que l'impact conjoint de la LPR et du plan de relance permette d'atteindre ces objectifs dès 2021.

Au vu de toutes les réserves que j'ai évoquées, je réfléchis à un amendement de crédits permettant de rendre le budget pour 2021 plus sincère et plus conforme à la trajectoire votée, mais j'attends encore des informations du ministère.

Je souhaite donc que notre commission des finances propose au Sénat d'adopter les crédits de cette mission, sous réserve du vote de l'amendement que je devrais présenter dans les jours qui viennent.

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