Mon analyse est très proche de celle des rapporteurs spéciaux. Ce budget s'inscrit dans le droit fil des travaux de la LPR. Si l'on annule les évolutions de périmètre qui rendent particulièrement délicate la lecture du budget cette année, la hausse constatée est de l'ordre de 2 %, comme pour 2020. L'année dernière, j'avais estimé qu'il s'agissait d'un budget sans grande ambition. Je pourrais faire la même remarque cette année s'il n'avait pas été sauvé par le plan de relance.
Sur la forme, il a été difficile de reconstituer les différents crédits entre l'enveloppe de la mission budgétaire « Recherche et enseignement supérieur », celle du plan de relance et celle du PIA 4.
Sur le fond, je regrette qu'il ait fallu attendre la plus importante crise de notre histoire économique pour que le Gouvernement applique nos recommandations. Deux mesures étaient demandées par le Sénat depuis plusieurs années : une hausse importante du budget d'intervention de l'ANR afin de revenir à un taux de succès décent et l'augmentation des crédits affectés aux aides à l'innovation de Bpifrance.
Néanmoins, certains points de vigilance perdurent.
D'abord, les organismes de recherche non rattachés au ministère de la recherche ne bénéficient pas de la dynamique de la LPR. C'est notamment le cas de l'IFP Énergies nouvelles (Ifpen), le successeur de l'Institut français du pétrole (IFP), qui travaille sur l'hydrogène.
Ensuite, le glissement vieillesse-technicité ampute chaque année les budgets. Un effort est fait, mais les organismes auraient besoin d'au moins 28 millions d'euros.
Enfin, les documents budgétaires ne renseignent pas sur les moyens précis à mettre en oeuvre concernant les objectifs opérationnels de la LPR. Quid des financements pour que les jeunes scientifiques ne perçoivent pas une rémunération inférieure à 2 SMIC ? Nous n'avons pas obtenu de réponse précise sur ce point : cet objectif ne sera donc vraisemblablement pas atteint en 2021.
Par ailleurs, il me paraît nécessaire de mettre rapidement en oeuvre deux actions.
Les opérateurs ont des trésoreries très importantes, mais celles-ci sont bloquées pour des raisons liées à l'application d'une norme. Il faudrait faire évoluer cette norme pour que ces fonds puissent servir à la recherche.
Le projet de loi de finances pour 2021 supprime un dispositif essentiel, le doublement d'assiette pour les dépenses externalisées auprès d'organismes publics de recherche, dans le cadre du crédit d'impôt recherche (CIR), qui permet de renforcer les liens entre la recherche publique et les entreprises. Il faudrait reporter l'application de cette mesure à 2022 ou 2023.
Le Fonds pour l'innovation et l'industrie (FII) est une poche budgétaire qui prolonge les actions de la mission « Recherche et enseignement supérieur ». Néanmoins, il constitue une débudgétisation contestable qui prive les parlementaires d'informations précises.
Une anecdote est révélatrice de la stratégie particulièrement brouillonne en ce domaine. Parmi les actions financées devait figurer un fonds de 70 millions d'euros par an pour l'émergence de l'innovation de rupture. À ce jour, seuls deux grands défis ont été lancés ; le troisième, qui portait sur un projet de stockage de l'énergie, a été arrêté en raison de la démission du directeur du programme. En matière d'innovations de rupture, l'État cherche encore son chemin...
Je proposerai donc à la commission des affaires économiques un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission, sous réserve de l'adoption de l'amendement que le rapporteur spécial présentera dans quelques jours.