Je l'ai déjà dit : tout est dans tout, et inversement. Nous avons le PLF, le plan d'urgence, le plan de soutien, le plan de relance ; c'est la valse des milliards ! Les parlementaires, les élus et les Français ont la tête qui tourne, dans cette période de crise sanitaire pendant laquelle ils ont été en proie à la peur et la nécessité de s'adapter, tout en observant un affranchissement par rapport aux règles de bonne gestion de l'argent public. On avait l'habitude de se battre pour quelques millions d'euros sur des programmes, et aujourd'hui on affiche des milliards en autorisations d'engagement (AE) ou en crédits de paiement (CP). Il faut faire attention à l'image que nous renvoyons à nos concitoyens, en cette période de deuxième confinement. Beaucoup l'ont dit et je souscris à ces propos, un facteur est aujourd'hui ébranlé : la confiance. Par ailleurs, Claude Raynal vient de le dire : nous déversons des milliards, mais les Français épargnent et, surtout, ils ne dépensent pas.
Jean Bizet, sur la nécessité de définir de nouvelles modalités pour le partenariat public-privé, il me semble qu'il faudrait en fait inventer un nouveau modèle. Nous pourrions ainsi redonner confiance aux Français, et les appeler à mobiliser leur épargne, dont une partie vient de ce que l'État a donné, notamment à travers l'activité partielle. En fait, nous sommes deux fois perdants puisque l'État offre un soutien financier inédit et les Français, parce qu'ils n'ont pas confiance, conservent cet argent et ne le réinjectent pas dans l'économie. C'est une forme de « en même temps », prise dans une spirale dépressive.
Jean-François Rapin, vous l'avez dit, nous mettons la charrue avant les boeufs puisque, sur ces 100 milliards d'euros, 40 milliards sont effectivement des crédits européens espérés. Cela nous permettra de mesurer la solidité véritable de l'Europe. En effet, il n'y aurait rien de pire que de voir l'Europe hésiter au moment où l'on a plus que jamais besoin d'elle, et où elle pourrait donner une image un peu identique à celle qu'elle a donnée, dans des circonstances tout à fait différentes, après la Seconde Guerre mondiale. L'idée du dessein européen pourrait reprendre plus de place dans le coeur des Français et des Européens ; c'est l'une des noblesses de l'engagement de politique que de croire aux idées fortes, qui nous aident à dépasser nos égoïsmes et particularismes.
Je partage avec Vincent Delahaye le constat, sans aboutir à la même conclusion. Nous avons le devoir d'être mobilisés pour trouver des solutions et, dans le concert politique, une assemblée comme la nôtre doit peser pour orienter les moyens proposés. Et, si nous n'avons pas la capacité de réorganiser complètement l'attribution des crédits, nous devons faire entendre la voix d'un Sénat ayant des convictions, et souhaitant orienter le plan de relance pour gagner en efficacité.
Vous l'avez dit, Philippe Dallier, ce plan de relance doit entraîner un rebond. En termes de consommation, d'emploi et de recettes fiscales, le rebond observé à l'issue du premier confinement a été intéressant, meilleur que prévu, ce qui doit nous inciter à l'optimisme. Il ne faut pas encourager les peurs. Mais nous devons faire entendre nos différences en ayant l'objectif supérieur de faire bouger les lignes de l'exécutif. Il s'agit de faire entendre la volonté de nos territoires, car nous ne sommes pas suffisamment entendus. D'ailleurs, certaines mesures balayées par l'exécutif d'un revers de main hier se retrouvent aujourd'hui proposées par le Gouvernement dans le plan de relance.
Sur les dépenses de cohésion, Vincent Delahaye, il y a manifestement un effet de rattrapage. Cependant, nous avons chiffré à 7 milliards d'euros les actions sur la cohésion relevant des ministères.
Roger Karoutchi, je pense que la LOLF est notre prochain chantier, et la Cour des comptes fait aujourd'hui des propositions sur les finances publiques et la manière dont nous devrions assurer leur maîtrise à court terme. C'est l'un des enjeux, quand on considère la dérive du déficit public et de la dette, même si la dette est financée dans des conditions avantageuses.
En effet, Vincent Segouin, la dette, qu'elle soit celle de l'État, d'une entreprise, d'une collectivité ou d'un particulier, répond toujours à une même logique. Par ailleurs, le plan de relance contient effectivement des crédits pour l'aérospatiale, qui sont orientés, peut-être encore trop modestement, vers des applications civiles et militaires. Vous vous inquiétiez aussi d'un trop grand saupoudrage, mais la relance nécessite la mobilisation de crédits temporaires pour muscler tous les secteurs d'activité pouvant être encouragés quand ils ont la faculté d'intervenir vite. C'est ce qui permettra de traverser la crise dans les meilleures conditions, et d'éviter la dépression.
Vincent Capo-Canellas, la volonté de soutenir massivement la rénovation thermique pour accélérer le processus en cours me semble importante. Cela permettra, en même temps que nous améliorons la qualité de vie de nos concitoyens, de répondre aux enjeux écologiques et de réduire le déficit de notre facture énergétique, facture qui représente deux tiers du déficit de la France. Enfin, l'étude de l'IPP sur le plan de relance confirme l'analyse que nous avions faite d'un plan mal calibré.
Didier Rambaud forme des espoirs sur le rôle des territoires. En effet, les territoires ne sont pas associés alors qu'il nous faudrait travailler de façon articulée, dans une démarche collaborative. Je ne comprends pas l'entêtement de l'État à faire descendre de Paris de grandes idées, jusque dans les régions où a lieu un dialogue et puis, au niveau du département, ce sont les comités consultatifs qui entrent en jeu. En tant qu'élu local, je ne souhaite pas être « consulté ». Les collectivités, dans une République décentralisée, devraient avoir la capacité de proposer des projets. Nous aurions alors un dialogue nourri qui permettrait de considérer les projets émanant des départements, des intercommunalités, des métropoles, des régions, et de décider sur cette base. Aujourd'hui, cela ne se passe jamais ainsi. Les élus ne se sentent donc pas représentés, sont désabusés, et quand 500 000 élus rentrent chez eux désabusés, cela n'est pas bon pour le moral des Français.
J'ai répondu à Jean Bizet dans mon propos introductif, et en évoquant la question de la confiance.
Hervé Maurey mentionne aussi la logique d'accélération des projets, et notamment de la DETR. On ne devrait pas se retrouver dans des querelles d'un autre temps, cela n'est pas à la hauteur de notre responsabilité. Pour les crédits DETR, je trouverais normal qu'il y ait, dans un premier temps, une accélération sur des dossiers qui sont prêts et, dans un second temps, l'abondement de projets plus structurants.
Sur les milliards d'euros consacrés à la rénovation thermique, Christine Lavarde, je pense y avoir répondu et je sais que nous partageons les mêmes ambitions. Nous devons être vigilants sur les angles morts, et être vigilants quant à un possible effet « stop and go ». Les entreprises vont effectivement mobiliser de la ressource, former des personnels et acquérir de la compétence, mais si les montants alloués venaient à baisser dans deux ans, il faudrait éviter un effet de ressac. Cependant, il me semble que l'ambition qui est la nôtre permettra aux chantiers engagés de continuer.
Pascal Savoldelli, le plan de relance est effectivement construit par l'administration, qui a lancé bien des appels à projets avant même le dépôt du PLF. La concertation avec les territoires aura lieu après, ce que je regrette. Je vous accorde le mélange des genres, mais ce qui me semble plus important, et sur quoi nous devons mettre l'accent, c'est l'accélération de mesures temporaires dans le cadre de ce plan de relance, dont on doit assurer le succès. Je ne sais pas si nous aurions pu avoir un PLF à la fois visionnaire et structurant, tout en répondant au contexte de la crise. Quelle que soit la formule, l'essentiel reste de pouvoir contribuer à la réflexion et de pouvoir infléchir certains choix.
Philippe Dallier, le sujet des déficits reste entier. Il nous faudra y travailler. C'est le rôle d'une commission des finances, surtout au Sénat, pour que nous ne soyons pas accusés d'une forme de passivité ou d'immobilisme, quand nous avons plutôt tendance à tirer la sonnette d'alarme.
Albéric de Montgolfier, nos préoccupations quant au mélange des genres entre investissement et fonctionnement, court et long terme, sont similaires. Je partage aussi vos questionnements sur les mesures de soutien à la consommation, insuffisamment présentes. En effet, elles devraient viser des populations épargnant peu et capables de mobiliser des moyens rapidement. Il nous faudra sûrement déposer un amendement sur le sujet.
Rémi Féraud a attiré notre attention sur un certain nombre d'angles morts. Sur la relance et l'ambition, j'essaie d'être pragmatique et de faire en sorte de privilégier l'atteinte des objectifs, sans ajouter trop de contraintes. Les orientations, sur le glissement de trois à cinq ans sur la taxe CO2, sur le plan de conversion ou les mesures dites de contrepartie, ont pour objectif de réussir là où c'est possible plutôt que d'imposer des contraintes qui seront mal vécues, rejetées, et participeront à la colère d'un certain nombre des acteurs de notre économie. Avant tout, nous devons redonner confiance et moral.
Sur les principes budgétaires, il est vrai, Jérôme Bascher, que cette mission de relance est un peu étrange parce qu'elle prévoit aussi la fongibilité des crédits qui permettra à Bercy de les déplacer, comme c'est le cas pour les crédits du plan d'urgence. Nous aurons l'occasion de revenir sur ce sujet dans les jours qui viennent.
Christian Bilhac, vous avez évoqué le plan de relance de Mr Bricolage. Je regrette aussi ce déficit d'organisation, d'orientation et de ligne directrice. L'horizon est assez mal dessiné et nous avançons dans un certain brouillard.
Enfin, sur la création des postes de sous-préfets, Marc Laménie, je me demande si le déploiement de fonctionnaires supplémentaires est la solution. Ce n'est pas l'attente des territoires pour gagner en efficacité et les choses auraient dû être décidées autrement. Treize ont été désignés, mais je ne suis pas certain qu'il y en aura dans toutes les régions. Là où ils seront, si leur présence est un échec, il y aura du mécontentement, et les territoires qui n'en accueilleront pas auront le sentiment d'être oubliés. À l'échelle du territoire, c'est une façon de créer plus de mécontentement que de satisfaction.