Les métiers de la transformation écologique sont créateurs d'emplois. Chaque solution nouvelle est créatrice d'emplois. Je vous ai parlé de la première entreprise de recyclage de batteries électriques en Moselle, c'est une petite usine, avec trente emplois, nous les doublerons l'an prochain : les emplois seront locaux. Les métiers du déchet et du recyclage créent de l'emploi, notre difficulté est même plutôt de recruter les sujets : il y a 1 097 postes non pourvus au sein du groupe Veolia, sur des profils très divers, du peu au très qualifié. Nous recherchons du personnel dans les territoires, nous ne parvenons pas toujours à recruter - n'hésitez pas à faire connaitre nos métiers. En regroupant nos forces, nous allons donc vers plus d'emploi, et nous rencontrerons plutôt des problèmes de formation : Veolia a construit des centres de formation, en France, nous allons les multiplier. Il y a quarante ans, la France a créé l'école française de l'eau : nous voulons créer l'école française de la transformation écologique, avec de nouvelles compétences. Quant aux métiers traditionnels, le nombre d'emplois ne peut pas y diminuer : la collecte des poubelles ne peut se passer de salariés sur les territoires, comme une concentration industrielle peut le faire - il en va de même pour les stations d'épuration d'eau ou de traitement. Cet épouvantail de la destruction d'emploi ne tient pas debout : il n'y a pas de risque sur l'emploi.
Est-il vrai que nous aurons à désinvestir la moitié de l'activité de Suez à l'international et les trois quarts en France ? Si c'était le cas, je n'achèterais pas Suez, cela n'aurait pas de sens, sauf si mon projet était financier et consistait à vendre à la découpe. Or mon projet, c'est d'additionner nos forces. À l'international, il y aura très peu de raisons de désinvestir et en France, seules les règles de la concurrence guideront nos désinvestissements - ils porteront sur l'activité Eau de Suez et sur une partie de l'activité Déchets, l'Autorité de la concurrence nous le dira.
Comment réalisera-t-on des synergies sans supprimer d'emplois ? Notre projet prévoit 500 millions d'euros par an de synergies, dont 200 millions sur les achats, soit 1 % de notre capacité d'achat, qui sera comprise entre 20 et 25 milliards d'euros. Le fait de grouper nos achats - de véhicules, de canalisations... - peut faire effet d'échelle. Nous calculons 1 % sur quatre ans, c'est peu. Nous économiserons aussi 300 millions d'euros sur l'opérationnel, par l'application des meilleures pratiques. Par exemple, Veolia a développé une technique permettant d'optimiser la maintenance des incinérateurs de déchets, nous atteignons un taux de disponibilité de 94 % en Grande-Bretagne, contre 87 % en France car ces savoir-faire n'y sont pas encore diffusés. Dans les économies d'énergie des stations d'épuration, c'est Suez qui est en avance, on gagnera sur la consommation d'énergie de celles de Veolia. En réalité, 300 millions sur 35 milliards d'euros de dépenses, c'est peu. Nous voyons que 500 millions d'euros d'économies sont possibles sans toucher à l'emploi, je pense même que nous ferons mieux.
Pourrait-on se recentrer sur un seul métier ? Non, c'est exclu, nous souhaitons combiner les trois métiers Eau, Déchets, Services à l'énergie, car l'interface entre les trois sera décisive pour la transformation écologique.
Quand j'ai conçu mon projet, ai-je rencontré les responsables de Suez, d'Engie ou encore des membres de l'exécutif ? Vous avez appris que les dirigeants de Suez étaient au courant plusieurs mois avant l'annonce officielle du projet d'Engie de vendre. Je n'en ai été informé pour ma part que fin juillet - avant, il y avait bien sûr la rumeur, mais seulement la rumeur, dès lors qu'Isabelle Kocher, qui souhaitait conserver ces participations, avait quitté Engie. Je n'ai pas eu de discussion avec le président d'Engie avant l'annonce officielle à la fin du mois de juillet. Je lui ai parlé quelques jours plus tard, début août, et je l'ai revu fin août, pour lui remettre mon offre. J'avais eu l'occasion de rencontrer les dirigeants de Suez par le passé, car des projets de rapprochement avaient déjà été étudiés, l'idée ne venait en effet pas de nulle part. J'ai eu des conversations avec M. Bertrand Camus au cours des mois précédents, afin de savoir s'il serait intéressé par un rapprochement, puis j'ai eu connaissance de l'annonce d'Engie. La réponse a été claire et franche : il n'était pas intéressé. Par la suite, j'ai construit mon offre et n'ai pas échangé avec M. Camus jusqu'au jour du dépôt de celle-ci. J'en ai informé les pouvoirs publics, sans rencontrer le personnel de l'Élysée. Je n'ai pas reçu de leur part de retour sur mon offre.
Pourquoi ce délai laissé à Engie, que vous estimez court ? Il n'est pas si court : Engie a fait part de son désir de vendre fin juillet. Mon offre courait jusqu'à fin septembre, soit deux mois - dans le monde des entreprises, c'est raisonnable, en tout cas suffisant pour savoir si l'offre est intéressante. Mon projet n'étant pas seulement d'acquérir 29,9 % mais l'intégralité de Suez via une OPA, sous condition de l'accord des autorités de la concurrence, cela demande du temps : toute prolongation pour la première partie prolongerait l'ensemble de l'opération, ce n'était pas satisfaisant.
M. Varin dit ne pas avoir reçu d'offre formelle ni de proposition sur l'emploi ; il considère pourtant notre offre irrecevable, hostile, avec des conséquences dramatiques sur l'emploi et la concurrence. Soit il connaît notre offre, et peut juger de ses conséquences, soit il ne la connaît pas - mais pas les deux... La direction de Suez a bien évidemment reçu les engagements que j'ai pris sur l'emploi, que je vous remettrai.
Concernant le calendrier de l'opération : une fois la première partie des actions achetée à Engie, j'ai annoncé notre intention de faire une OPA sur le reste du capital, sous condition des autorisations nécessaires. Les autorités de concurrence ont été saisies, nous avons engagé les travaux et les échanges d'information. Une vingtaine d'autorités dans le monde doivent être consultées. L'autorité européenne a commencé des travaux d'étude - des « market tests » - pour interroger les clients et les concurrents et mesurer les conséquences du rapprochement. Ces travaux vont se prolonger durant plusieurs mois. Nous avons l'intention de pré-notifier l'opération à l'autorité européenne d'ici la fin du mois de novembre. Les travaux dureront entre douze et dix-huit mois, nous ferons les efforts nécessaires pour qu'ils soient le plus court possible.
Est-ce que je m'engage à poursuivre l'innovation ? Vous me le demandez parce que les gens de Suez affirment suivre une stratégie technologique, sous-entendant que Veolia n'en aurait pas. Or nous en avons depuis longtemps, regardez la progression des chiffres d'affaires des deux entreprises : sans innovation, Veolia n'aurait pas pu augmenter son chiffre d'affaires, et ce beaucoup plus rapidement que celui de Suez. Les deux entreprises ont des centres de recherche, des stratégies technologiques, sinon elles n'en seraient pas là où elles sont. Donc oui, je veux poursuivre et même accélérer l'innovation technique, sociétale, institutionnelle, commerciale, académique, une innovation « tous azimuts » ! La transformation écologique passera par l'innovation, ou elle ne sera pas. La moitié des solutions que nous utiliserons dans vingt ans ne sont pas encore disponibles.
Quelle est notre position par rapport à la décision judiciaire du 9 octobre, qui nous a reproché que le CSE de Suez n'ait pas été saisi du projet par Veolia ? Cette décision nous a surpris, car nous pensions que c'était à Suez de saisir son propre CSE. Nous avons contesté cette décision, surtout qu'elle porte sur l'acquisition de 29,9 % du capital, qui n'est pas une prise de contrôle de l'entreprise. Nous attendons la position de la justice en appel. Nous avons envoyé à la direction de Suez le même ensemble de documents que nous avons utilisés pour conduire la consultation chez Veolia, et nous souhaitons que Suez consulte sur cette base les instances représentatives de son personnel.
Vous parlez de notre projet de cession de Suez Eau France à Meridiam, je rappelle que c'est seulement une proposition que nous présentons à l'Autorité de la concurrence. Si elle considère que c'est une bonne solution, nous la mettrons en oeuvre, sinon nous la reverrons. Dans le domaine des déchets, l'autorité nous demandera, je suppose, des cessions sur des bases régionales, car le marché est régional, pour renforcer les autres acteurs français face à la concurrence. Ce qui est sûr, c'est que nous vendrons ces actifs à des sociétés qui s'engagent sur les aspects sociaux, comme nous l'avons fait.
La motivation de ce projet est-elle de faire disparaître mon premier concurrent ? Non, je veux m'associer, additionner les deux forces, pour que nous soyons plus forts demain, pour continuer à tenir le haut du pavé dans vingt ans. Si nous conservions deux champions français - dont l'un est à vendre aujourd'hui - il y a toutes les chances que, dans vingt ans, nous n'en n'ayons plus aucun, tant les marchés et les concurrents se développent vite, souvent à coups de moyens très importants. Ce qui s'est passé dans le monde industriel, nous le connaîtrons dans le monde du service : d'autres professions seront en concurrence avec de très grandes entreprises non européennes. La compétition économique entre les nations ne va pas se dissiper, l'appétence des peuples pour la prospérité non plus car l'exemple des dernières décennies montre que le développement est possible. Nous devons nous organiser pour faire face à cette compétition accrue, et dans notre secteur, nous en avons les moyens. Je ne veux donc pas faire disparaître mon concurrent, mais construire une grande entreprise mondiale.
Quelle est notre méthode et notre définition d'une OPA amicale ? La notion est définie en droit boursier : l'OPA est amicale lorsque l'entreprise cible voit son conseil d'administration recommander l'offre. C'est ce que j'ai souhaité ; je constate que le conseil d'administration de Suez, malgré mes nombreuses propositions - je vous ai apporté les courriers, puisque j'ai entendu dire que je ne voudrais pas dialoguer - m'a opposé une porte close. Cela m'a fait dire, la semaine dernière, que si le dialogue ne pouvait pas s'engager avec les dirigeants de Suez, je demanderais aux actionnaires de Suez de se prononcer, en faisant pression sur ce conseil administratif ou éventuellement, en le remplaçant.
Quelles sont mes raisons pour proposer Meridiam ? Je pense que c'est un opérateur de très long terme, qui connaît bien les collectivités locales, les investissements d'infrastructures, et qui est prêt à investir significativement.
Nos métiers créent de l'emploi, nous cherchons déjà des salariés, et plus nous développerons nos activités, plus nous créerons de l'emploi. Peut-on prolonger nos engagements au-delà de fin 2023, date qui viendra bien après l'élection présidentielle de 2022 ? Je suis certain que fin 2023, nous aurons créé de nouveaux emplois. Meridiam a pris le même engagement, à la demande d'Engie, et je demanderai aux repreneurs des activités dans le secteur des déchets de faire de même. Je renouvelle en outre ma suggestion : il n'est pas impossible que le Parlement puisse suivre, contrôler et sanctionner des engagements sur l'emploi. La sanction financière peut être dissuasive.