Intervention de Antoine Frérot

Commission des affaires économiques — Réunion du 10 novembre 2020 à 15h30
Audition en commun avec la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable de M. Antoine Frérot président-directeur général de veolia

Antoine Frérot, président-directeur général de Veolia :

Je n'ai pas eu de conversation avec l'Élysée ni les pouvoirs publics, mais j'ai informé les pouvoirs publics, c'est-à-dire Matignon et Bercy, avant de rendre public notre projet le 30 août. L'État a-t-il été prévenu qu'Engie voulait vendre ? Vous avez interrogé M. Clamadieu, Engie a voté la cession de Suez, je ne sais pas quelle a été alors la position de l'État ; en revanche, une fois cette décision rendue publique, elle signifiait qu'une grande entreprise française était en vente - quelqu'un allait donc l'acheter. Je persiste : le meilleur projet, pour les salariés, pour les actionnaires, les clients, les fournisseurs des deux groupes, et la France, c'est notre projet.

Concernant les synergies et l'avenir des sièges, d'abord, il n'y aura pas de suppression de postes opérationnels à cause du rapprochement. Au siège de Suez, ensuite, il y a 750 personnes : 150 dirigent l'activité eau en France, elles rejoindront Meridiam ; la moitié des quelque 600 autres salariés est affectée à la recherche, l'innovation, la construction de projet et la direction juridique : j'en ai besoin pour le rapprochement, pour développer des projets de transformation écologique, je vais même embaucher. Restent les autres fonctions « supports » - la finance, les ressources humaines, achat, comptabilité -, une partie, je dirais les deux-tiers, donc 200 salariés, pourront continuer d'exercer leurs fonctions, je peux en prendre l'engagement au nom d'un groupe qui fera 40 milliards d'euros de chiffre d'affaires et qui est présent dans le monde entier - je pourrai revenir chaque année devant vous pour en rendre compte. J'ajoute que Veolia a l'habitude d'acquérir des sociétés et de gérer des engagements sociaux sans difficulté, je vous ai parlé d'Osis et ses 3 000 salariés.

Il n'y a guère de revirement, Monsieur Salmon, entre ce que vous avez vécu à Rennes et ce que je propose aujourd'hui. En créant une SPL, vous avez décidé de revenir à une forme de régie, donc à moins de concurrence, je maintiens mon point de vue : vous avez eu tort de vous passer de concurrence ; et mon projet, c'est bien de maintenir la concurrence, probablement davantage encore demain qu'aujourd'hui, pour que cette concurrence serve d'émulation dans la gestion déléguée.

La gestion de l'eau, ressource rare, l'accès à une eau de qualité sont des enjeux croissants : ce thème fait partie intégrante de la transformation écologique, au sens large, en particulier la question de nourrir plus d'êtres humains en utilisant moins d'eau, moins d'énergie et moins de sol. La réutilisation des eaux usées est une solution clé, encore faut-il en avoir la technique : nous savons garantir l'innocuité de l'eau, il faut aussi stocker l'eau l'hiver pour son utilisation l'été sans polluer les nappes. De même, pour utiliser moins d'eau dans l'agriculture, dans l'extraction minière, dans l'aquaculture, nous avons des problèmes à résoudre et nous le ferons mieux en étant regroupés.

Quel financement pour renouveler nos réseaux ? Je crois que les prélèvements des agences de l'eau pourraient être davantage utilisés pour investir qu'ils ne le sont aujourd'hui - c'est une première piste. Sur le choix des canalisations, ensuite, vous faites référence aux difficultés de Pont-à-Mousson, l'entreprise française qui fabrique les meilleures canalisations du monde. Veolia achète pour 40 millions d'euros de produits par an, et si Pont-à-Mousson a des difficultés, ce n'est pas le fait des entreprises françaises. Le problème, c'est qu'en dehors de l'Europe, la situation est beaucoup plus difficile car des fabricants asiatiques ont pris la place, avec des produits moins bons, mais moins chers. Une entreprise rassemblant Veolia et Suez sera plus forte pour diffuser plus largement les canalisations en fonte que fabrique Pont-à-Mousson et qui sont les meilleures du monde. Un champion français pourrait renforcer sa solidarité vis-à-vis des autres entreprises françaises.

Comment envisageons-nous la période de transition ? Tant que l'OPA n'est pas conclue, les deux entreprises sont concurrentes, il n'y aura donc aucun changement. Elles resteront concurrentes puisqu'elles conserveront chacune son portefeuille de clients, elles auront à coeur d'accroitre ce portefeuille, pour l'eau comme pour les déchets.

La dette de Veolia est soutenable, notre entreprise a suffisamment éprouvé les problèmes d'une dette trop importante, que j'ai réglés il y a dix ans, pour que je sois tenté de recommencer, et nous avons conçu le projet de rachat pour que la dette soit soutenable. Nos activités sont de long terme, nous pouvons supporter une dette représentant peu ou prou le triple du cash flow. À fin 2019, nous n'atteignons pas ce chiffre. Nous ferons une augmentation de capital, nous l'avons annoncée à deux reprises, et nous nous emploierons à rester à ce niveau d'endettement pour conserver notre notation sur les marchés.

En conclusion, je reviens à mon propos initial : l'entreprise Suez est à vendre, notre projet est le meilleur pour nos deux grandes entreprises, pour tous leurs salariés, pour leurs créatifs, parce que nous innoverons et que nous resterons français. Les salariés des deux groupes seront traités avec équité, chacun participera de manière équitable à cette formidable aventure consistant à créer ce grand champion français, utile d'abord aux territoires français, et capable de tenir son rang dans vingt ans, dans un secteur en pleine expansion et dans lequel nous devons encore inventer la moitié des solutions techniques que nous utiliserons alors - des solutions que nous pourrons proposer en premier aux territoires français parce que nous les aurons trouvées en premier.

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