Nous avons le plaisir d'accueillir aujourd'hui Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique, pour échanger notamment sur l'évolution des crédits de la mission « Écologie, Développement et Mobilité durables » prévue dans le cadre du projet de loi de finances (PLF) pour 2021. Nous aurons certainement d'autres questions sur d'autres sujets.
Le 7 avril dernier, notre commission appelait le Gouvernement - en la personne de votre prédécesseur Élisabeth Borne - à faire de la « neutralité carbone » l'aiguillon du plan de relance, pour sortir de la crise économique sans dévier de nos engagements climatiques.
Quelques semaines plus tard, notre commission publiait son plan de relance, constituant la déclinaison concrète de cette obligation.
Depuis lors, certaines priorités ont été inscrites à l'agenda gouvernemental : je pense notamment à la rénovation énergétique, à la mobilité propre ou encore à l'hydrogène, pour lesquels des annonces ont été faites.
Ces annonces méritent d'être saluées et doivent être suivies d'effet. Nous y serons vigilants.
Pour autant, il est regrettable qu'il ait fallu attendre la crise économique, puis le PLF pour 2021, pour que le Gouvernement concrétise cette volonté ; depuis l'adoption de la loi « Énergie-Climat », notre commission a plaidé sans relâche pour que le Gouvernement alloue des moyens budgétaires et fiscaux à la hauteur des objectifs énergétiques et climatiques fixés par le législateur. Vous avez d'ailleurs été partie prenante de l'adoption de ces objectifs.
Il y a aujourd'hui des avancées mais elles nous semblent limitées puisque le Gouvernement use bien souvent de redéploiements de crédits.
Dans ce contexte, je souhaite vous faire part de trois motifs de préoccupation.
Le premier a trait au financement des énergies renouvelables (EnR).
Actuellement, celui-ci est largement assuré par le compte d'affectation spéciale Transition énergétique (CAS TE), qui est alimenté par les taxes intérieures de consommation sur l'énergie, à hauteur 6,3 milliards d'euros pour 2020.
Or, ce compte sera clôturé à compter du 1er janvier prochain.
Vous savez, depuis la crise des « gilets jaunes » et compte tenu de la crise de défiance grandissante, que le consentement à l'impôt nécessite de la transparence dans la bonne utilisation des recettes de ces impôts.
Pourquoi ne pas envisager la prorogation du CAS TE au moins jusqu'à la sortie de crise ?
Dans le même temps, le Gouvernement a déposé un amendement à l'Assemblée nationale visant à réviser les contrats d'achat conclus au premier semestre 2010 pour les installations photovoltaïques de plus de 250 kilowatts (kW).
S'il est légitime de veiller à la bonne utilisation des deniers publics et de lutter contre les effets d'aubaine, une telle modification - a fortiori rétroactive -remet en cause la parole de l'État.
Entendez-vous poursuivre cette réforme ? Et quel serait son impact ?
Plus largement, les dispositifs de soutien aux EnR sont entrés dans une zone de turbulences, puisque la baisse des prix des énergies renchérit les charges de service public de l'énergie (CSPE) qui les sous-tendent.
Quel impact global anticipez-vous ? N'est-on pas à l'aube d'une rupture dans le modèle de financement des EnR ?
Le deuxième motif d'inquiétude concerne la fiscalité énergétique.
Alors que le Gouvernement s'était engagé à un « gel » de la fiscalité en 2018, on observe cette année encore une hausse des taxes intérieures de consommation sur l'énergie : 15,1 % pour les produits énergétiques, 4,5 % pour le gaz naturel, 8,3 % pour l'électricité.
Cette hausse est largement captée par l'État puisque les recettes qu'il perçoit à ce titre doublent compte tenu de la suppression du CAS TE.
Par ailleurs, l'adaptation des taxes communales et départementales sur la consommation finale d'électricité (TLCE et TDCE) présente deux risques : un risque de hausse de la taxation de l'électricité dans une partie des départements et des communes - je comprends bien qu'il est plus facile cette année de faire porter cette responsabilité sur les collectivités territoriales ! - ; un risque d'érosion de l'autonomie fiscale de ces collectivités.
Quels seront les départements et les communes concernés par cette hausse ? Et quel en sera le niveau ?
Parallèlement à la hausse des taxes intérieures de consommation sur l'énergie, les incitations fiscales du secteur diminuent de 24,23 %.Les professionnels sont ainsi confrontés à une hausse pérenne de la fiscalité d'un milliard d'euros. Elle s'explique par la révision, l'an passé, de certains tarifs réduits ou exonérations. Or la situation économique a quelque peu évolué. Ces mesures ne devraient-elles pas être reportées ?
Le dernier sujet de vigilance porte sur l'énergie nucléaire.
Sur les 100 milliards d'euros du plan de relance, seuls 200 millions d'euros sont alloués à l'énergie nucléaire ; ils visent à renforcer les compétences, moderniser les entreprises et développer la recherche dans cette filière.
Ces crédits sont bien modestes car l'énergie nucléaire représente encore les trois quarts de notre mix électrique.
Ils sont inadaptés au contexte sanitaire, qui a fait entrer le marché de l'électricité dans une véritable crise un peu passée sous silence avec : une baisse des recettes des fournisseurs et des gestionnaires de réseau, évaluée à 1 milliard d'euros par EDF au premier semestre 2020 ; une fragilisation de l'accès régulé à l'énergie nucléaire historique (ARENH), un contentieux opposant EDF aux fournisseurs alternatifs ; un décalage des grands investissements dans le parc nucléaire, à commencer par le programme d'« arrêt de tranches ».
Au total, EDF se trouve face à des échéances difficiles à gérer, liées à l'arrêt des réacteurs de Fessenheim, au retard dans la mise en service de l'EPR de Flamanville et au recalibrage du « Grand Carénage ».
Ma question est donc double.
À court terme, le Gouvernement a-t-il pris toutes les mesures pour garantir la sécurité d'approvisionnement cet hiver ? Sur ce point, je rappelle que le président de Réseau de transport d'électricité (RTE) anticipe une « situation de vigilance particulière ».
Il serait regrettable que, faute d'un soutien suffisant à la filière nucléaire, des importations de carburants d'origine fossile soient nécessaires pour surmonter la « pointe » de consommation à venir !
À plus long terme, où en sont les négociations entre le Gouvernement et la Commission européenne sur la réforme du marché de l'électricité ?
Un accord est-il en vue pour remplacer l'ARENH par un « corridor de prix » ? Si oui, le relèvement du prix plancher, de 42 à 48 euros le mégawattheure (MWh) selon la presse, est-il prévu ? Ce relèvement permettrait-il de compenser la fermeture de 14 réacteurs prévue par la loi « Énergie-Climat » avec la construction de 6 nouveaux réacteurs ? Soutenez-vous ce programme de construction ?
Dans le même ordre d'idées, le projet de réorganisation « Hercule » est-il en passe d'aboutir ? Si oui, quelles seraient les garanties envisagées pour maintenir le « caractère intégré » du groupe ?
Qu'en est-il du renouvellement des concessions hydroélectriques ? La mise en place d'une « quasi-régie » est-elle prévue ?
Je vous remercie des éléments de réponse que vous voudrez bien nous donner sur ce dossier de première importance.
Enfin, au-delà de l'énergie, je veux vous poser une dernière question : comment envisagez-vous la traduction législative de la Convention citoyenne sur le climat ?
Ce sera notre collègue Daniel Laurent qui vous interrogera au nom de notre collègue Daniel Gremillet, rapporteur pour avis sur les crédits « Énergie », dont je prie de bien vouloir l'absence liée à des contraintes personnelles.