Intervention de Barbara Pompili

Commission des affaires économiques — Réunion du 10 novembre 2020 à 15h30
Projet de loi de finances pour 2021 — Audition de Mme Barbara Pompili ministre de la transition écologique

Barbara Pompili, ministre de la transition écologique :

Je vous remercie de votre invitation à venir vous présenter dans les grandes lignes le budget de mon ministère.

Le projet de loi de finances est un moment important, essentiel, au coeur même de la vie parlementaire et démocratique. J'y suis profondément et personnellement attachée, notamment comme ancienne parlementaire. Je crois que nous avons d'autant plus besoin de ce moment que notre pays traverse une situation d'une exceptionnelle gravité.

Comme vous, je vois l'inquiétude de nos concitoyens, la peur pour soi, pour ses proches, pour sa santé, pour son emploi et pour son avenir. Dans ces temps troublés, nous avons - vous comme moi - la charge accrue de tenir le cap, de continuer à préparer l'avenir.

Un illustre de vos prédécesseurs, Victor Hugo, l'a écrit : « l'avenir a plusieurs noms » : impossible pour les peureux, inconnu pour les timides, idéal pour les courageux... Ces mots résonnent alors que nous sommes à la croisée des chemins.

Oui, nous pouvons encore choisir l'avenir que nous voulons. Nous pouvons choisir d'éviter la catastrophe écologique. Nous pouvons choisir de relever le pays de la crise, de faire ce que nous propose Victor Hugo : avancer, avec courage, vers l'idéal.

Alors, je suis heureuse de vous présenter un budget qui regarde vers l'avenir, taillé à la hauteur des crises de notre époque. Un budget avec l'écologie au coeur, au-delà du seul périmètre de mon ministère.

Avec le budget vert, notre pays connaît une petite révolution. Mesurer l'impact écologique des recettes et des dépenses, ce n'est pas simplement regarder le budget de l'État à l'aune du développement durable. C'est bel et bien transformer notre conception même de ce qu'il est. C'est reconnaître qu'il y a un déficit écologique et que nous devons le réduire.

L'écologie au coeur du budget de l'État, c'est aussi bien sûr le plan de relance. Ce plan inédit et massif de 100 milliards d'euros consacre un tiers de ce montant à l'écologie. C'est sans précédent ! Jamais aucun Gouvernement n'avait fait le pari de l'écologie comme sortie de crise. Jamais aucun Gouvernement n'avait choisi de redémarrer le pays en préparant autant l'avenir. Avec ce plan, nous plaçons enfin la France dans la trajectoire vers la neutralité carbone. Et la ministre de la transition écologique que je suis s'en réjouit.

Mais, maintenant, ce plan doit vivre et se déployer le plus vite possible dans les territoires. Je ne crois pas aux stratégies de papiers, aux grandes déclarations dont on ne voit jamais la réalité sur le terrain. L'ambition du Gouvernement, c'est donc de faire vite et de faire bien en étant aux côtés des élus de terrain - je vois ici de nombreux élus de terrain ! -, de celles et ceux qui savent comment ça se passe, où ça se passe, et ce qu'il faut faire pour répondre à l'urgence écologique, sociale et économique et reconstruire un autre avenir.

Ce plan, vous le connaissez et je ne vais pas vous en refaire le détail. Seulement, vous prendre un exemple. Depuis des années, les élus prêchaient dans le désert en demandant aux gouvernements successifs de rouvrir de petites lignes, des trains de nuits. Avec le plan de relance, nous mettons 650 millions d'euros sur la table rien que pour ces lignes et trains.

Alors bientôt, on verra un Paris-Nice, un Paris-Tarbes en train de nuit, reliant les villes, leurs habitants, à moindre coût, financier et écologique ; c'est le sens de l'histoire et c'est l'engagement de l'État.

Dans cette bataille de l'écologie, mon ministère est évidemment en première ligne. Et ses moyens augmentent pour l'année prochaine. Ils sont en hausse de 1,3 milliard d'euros pour s'élever l'année prochaine à 48,6 milliards. C'est historique et c'est nécessaire pour être collectivement à la hauteur de nos ambitions.

Transformer la France pour atteindre la « neutralité carbone », protéger nos concitoyens et la biodiversité, rendre notre pays résilient, plus indépendant, mieux préparé aux défis du siècle : ce dont je vous parle, c'est bien d'une course contre la montre car chaque minute compte.

Alors, avec ces moyens, nous allons agir encore plus vite, pour développer les énergies renouvelables, dont le budget est en hausse de 25 %.

Nous allons aussi agir encore plus vite pour préparer notre pays aux conséquences du dérèglement climatique. Vous le savez pour être des élus des territoires : ces conséquences sont déjà là. Je parle de ces inondations, de ces sécheresses, des incendies dont la période s'étend. Tous ces phénomènes extrêmes sont de plus en plus intenses, de plus en plus fréquents.

Fermer les yeux, attendre que cela passe, ce serait une faute historique. Nous ne pouvons pas nous contenter de réagir ; nous devons construire dès aujourd'hui notre résilience de demain !

C'est pourquoi je vous présente aujourd'hui un budget pour la prévention des risques naturels majeurs en très forte hausse, de plus de 55 %.Avec ces crédits, nous allons renforcer la protection des populations et des territoires.

Mais je crois que protéger nos concitoyens, c'est aussi agir dans leur quotidien, pour leur assurer un air de qualité. La pollution de l'air, c'est 48 000 décès prématurés chaque année dans notre pays. C'est 22 % de risques de développer une forme grave de la Covid-19.

Alors oui, là aussi nous faisons face à une urgence sanitaire, sociale et environnementale. Et là aussi, nous avons la responsabilité de tout faire pour protéger les Françaises et les Français.

Avec le budget que je vous présente, nous allons pouvoir agir encore plus vite, pour renforcer le contrôle de la qualité de l'air, pour soutenir les associations de surveillance.

Protéger nos concitoyens, c'est aussi, bien sûr, prendre sa part de la solidarité nationale. C'est un principe de notre République et je sais que nous le partageons toutes et tous. Mais les principes doivent vivre, s'incarner, dans des dispositifs, des politiques publiques et des budgets. Et mon ministère une fois encore est au rendez-vous avec 200 millions d'euros budgétisés pour l'hébergement d'urgence et le retour au logement.

Vous le voyez, c'est un budget large, qui dépasse le périmètre de votre commission, pour préparer l'avenir, protéger nos concitoyens dans tous les territoires, en métropole comme dans les Outre-mer, pour tenir le cap.

Et avec les moyens alloués à mon ministère l'année prochaine, nous allons pouvoir amplifier notre deuxième ligne de front : la protection de la biodiversité.

Vous le savez sans doute, notre pays est particulièrement riche de cette biodiversité. Avec les Outre-mer, la France abrite 10 % de toutes les espèces connues dans le monde. C'est considérable.

Ce patrimoine vivant nous confère une responsabilité particulière. Celle de tout faire pour le protéger. Et, là aussi, il y a urgence. Les récifs coralliens pourraient ne pas passer la fin du siècle. Toutes les espèces sont en déclin : insectes comme oiseaux disparaissent.

Je refuse que nous nous résignions à cette extinction de masse. C'est notre responsabilité, à moi comme à vous, de tout faire pour enrayer et renverser le déclin, de tout faire pour léguer à nos enfants une planète riche de vie, animale ou végétale, en mer comme sur terre.

Alors, avec ce budget que je vous présente, nous allons un cran plus loin, par exemple en renforçant les moyens de l'Office français de la biodiversité (OFB), de l'Office national des forêts (ONF), mais aussi en nous dotant des outils nécessaires pour que la protection de la biodiversité se fasse là où elle se trouve : dans les territoires.

Alors, nous renforçons le soutien aux parcs nationaux, nous augmentons comme jamais le budget des réserves, des parcs naturels régionaux, des conservatoires d'espaces naturels. Ce sont des sentinelles de la biodiversité, au coeur des territoires, au plus près de nos concitoyens pour protéger, éduquer, sensibiliser tous les acteurs - agricoles, industriels -, en somme agir.

Cette transition écologique que je porte, touche à tous les pans de nos existences, et, notamment aux transports.

Ils sont le lien qui relie entre eux nos territoires et nos concitoyens, une colonne vertébrale. Et avec ce budget 2021, notre ambition est bien de la consolider en lui ouvrant l'avenir.

Je vous ai déjà parlé des petites lignes et des trains de nuit.

Je souhaite maintenant vous parler plus largement des mobilités de demain, plus vertes, plus douces, plus connectées aussi : métro, tramways, bus, vélo, train, c'est l'avenir.

C'est bien pourquoi, avec ce budget, nous augmentons le soutien de l'État aux collectivités pour construire des aménagements cyclables sécurisés. Nous soutenons les ménages dans l'achat de véhicules propres. Nous développons massivement le fret pour les marchandises. Nous sommes au rendez-vous de la crise du secteur aérien, en préservant les investissements nécessaires tant pour la sécurité que pour la préparation d'un avenir plus vert.

Bref, avec ce budget nous construisons l'avenir de nos transports.

Ce budget 2021 est le reflet de notre époque, chamboulée, en basculement. C'est un budget qui fait le choix de l'écologie, à tous les niveaux. Et je crois que c'est bien le seul choix à faire pour notre pays, pour sa jeunesse, pour ses aînés, pour sa biodiversité et pour ses territoires.

L'écologie transforme la vie des Françaises et des Français. Elle revitalise les territoires, leur ouvre un avenir, ramène des emplois, de la croissance verte, de l'activité.

Alors, ce budget est ambitieux et il le faut pour faire face aux défis de notre temps, pour réaliser pleinement toutes les promesses de la transition écologique, pour apporter, dans chaque territoire, un monde nouveau que nos concitoyens attendent plus juste, plus solidaire, plus écologique. J'y suis déterminée.

Enfin, la Convention citoyenne sur le climat est un exercice démocratique inédit, porté par le Président de la République. Face à la crise des « gilets jaunes », aux effets de la taxe carbone, au désarroi d'un certain nombre de nos concitoyens, au sentiment d'être mis de côté par rapport à la transition écologique, le Président de la République a souhaité, à travers cette convention, solliciter des personnes qui ne sont pas des politiques et que nous croisons au quotidien, tirées au sort, afin de travailler sur ces sujets et de nous indiquer ce qu'ils estiment acceptable pour la transition écologique et pour notre avenir. Ils y ont passé beaucoup de temps, y compris en prenant des jours de congés et sur leur temps personnel. Ils nous ont fait des propositions et ils comptent maintenant sur le Gouvernement et sur le Parlement pour que ces propositions soient traduites en actes. Un certain nombre de ces propositions sont audacieuses et peuvent suscitent des interrogations. C'est tout l'intérêt du débat parlementaire qui aura lieu dans les mois qui viennent. Il est prévu qu'un projet de loi arrive au Parlement, certainement à l'Assemblée nationale, en mars prochain pour être adopté définitivement avant l'été 2021. Ce serait une erreur de penser que ces citoyens sont déconnectés de la réalité. Au contraire, ils vivent comme tout le monde. Il ne faut pas laisser penser qu'ils n'ont pas pris la mesure de la dimension sociale et économique des mesures qu'ils proposent. Regardons ces mesures et travaillons ; je crois que nous pouvons aboutir à une belle loi et à un bel exercice démocratique si nous prenons le temps d'écouter ce qu'ils ont à nous dire.

Je suis à votre disposition pour répondre à vos questions.

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