Intervention de Daniel Laurent

Commission des affaires économiques — Réunion du 10 novembre 2020 à 15h30
Projet de loi de finances pour 2021 — Audition de Mme Barbara Pompili ministre de la transition écologique

Photo de Daniel LaurentDaniel Laurent :

Comme l'a indiqué la Présidente, j'ai le plaisir de m'exprimer au nom de notre collègue Daniel Gremillet, rapporteur pour avis sur les crédits « Énergie », retenu par des contraintes personnelles.

Nous célébrons aujourd'hui, jour pour jour, une année d'application de la loi « Énergie-Climat » ; le prochain exercice budgétaire sera donc déterminant pour atteindre les objectifs énergétiques et climatiques de cette loi.

Or les crédits « Énergie » sur lesquels nous nous penchons soulèvent plusieurs difficultés.

S'agissant la rénovation énergétique, le constat est ambivalent.

Certes, nous nous réjouissons de la réintégration des propriétaires bailleurs et des ménages des 9e et 10e déciles dans Ma Prime Renov' qui a succédé au crédit d'impôt pour la transition énergétique (CITE) ; nous l'avons constamment et ardemment défendu à chaque examen budgétaire !

En effet, la réforme du CITE engagée l'an passé a conduit à la chute des deux tiers des bénéficiaires et du montant de ce crédit d'impôt.

Si le Gouvernement entend faire de la rénovation énergétique un levier de la reprise économique, il importe cependant d'aller plus loin.

D'une part, l'éligibilité des ménages des 9e et 10e déciles est actuellement limitée aux travaux de rénovation globale : ne pourrait-on pas leur ouvrir les travaux réalisés isolément ?

D'autre part, certaines équipements, tels que les chaudières à très haute performance énergétique (THPE) hors fioul, les pompes à chaleur géothermique ou les appareils de régulation ou de programmation, sont moins bien pris en charge qu'auparavant : ne pourrait-on pas envisager une revalorisation ?

Au-delà des critères d'éligibilité à ce dispositif, je crois qu'il est crucial de se pencher sur son application.

En effet, le Gouvernement a fixé un objectif de 170 000 primes délivrées pour 2020 l'automne dernier, cet objectif ayant été relevé à 200 000 primes par le ministre du logement en janvier dernier ; or, depuis avril, ce sont seulement 65 000 primes qui ont effectivement été attribuées !

C'est insuffisant pour atteindre la cible de 500 000 rénovations par an, issue de la loi de « Transition énergétique ». C'est dramatique car le CITE et les crédits d'impôt qui l'ont précédé ont soutenu pas moins de 16 millions de rénovations de 2005 à 2019 !

Disposez-vous d'éléments actualisés sur l'application de Ma Prime Renov' ? Ne faudrait-il pas urgemment revaloriser les moyens de l'Agence nationale de l'habitat (ANAH) pour faciliter et accélérer l'instruction des dossiers ?

Dans le même ordre d'idées, le chèque énergie n'est quasiment pas utilisé comme un moyen de financement des opérations de rénovation énergétique.

Son faible montant, qui s'établit entre 48 et 277 euros, ne devrait-il pas être rehaussé pour permettre la prise en charge effective de ce type d'opérations ?

Pour ce qui concerne la mobilité propre, les dispositifs existants ne sont pas exempts de critiques.

À l'évidence, nous nous réjouissons de la revalorisation de la prime à la conversion et du bonus automobile que nous avons par le passé appelé de nos voeux.

En effet, il faut rappeler que le décret du 16 juillet 2019 a engendré une chute d'un tiers des ménages et des véhicules éligibles à la prime à la conversion.

Si les conditions d'éligibilité à cette prime ont été desserrées en juin dernier, ce n'est qu'à titre temporaire puisque l'ancien revenu fiscal de référence et l'ancien barème ont pour partie été rétablis.

Par ailleurs, sur l'objectif d'un million de primes à la conversion attribuées sur le quinquennat, seules 50 000 l'ont été au premier semestre 2020.

Ce constat appel deux commentaires.

Tout d'abord, ne pensez-vous pas qu'il faut en finir avec l'instabilité normative entourant ces dispositifs ? Ne pourrait-on pas les maintenir après le 1er juillet prochain ? Ne devrait-on pas desserrer leurs conditions d'éligibilité ?

Plus encore, les primes à la conversion et les bonus automobile ne sont pas toujours effectivement mis en oeuvre. Comment y remédier ?

Hormis les aides à l'acquisition, le soutien à la mobilité propre passe aussi par le déploiement d'infrastructures de recharge en carburants alternatifs.

À l'occasion du dernier collectif budgétaire, nous avions fait adopter un mécanisme de suramortissement sur les infrastructures de recharge en carburants alternatifs qui avait reçu l'avis favorable du Gouvernement !

Pouvons-nous compter sur votre soutien pour le faire aboutir ?

En matière d'énergies alternatives, plusieurs sujets sont à relever.

Tout d'abord, je déplore la suppression au 1er janvier prochain de l'exonération de la taxe intérieure de consommation sur le gaz naturel (TICGN) sur le bio-méthane injecté.

Je rappelle que la loi « Énergie-Climat » fixe un objectif d'au moins 10 % de gaz renouvelable d'ici 2030 : un cadre fiscal incitatif doit donc être préservé !

Aussi, le Gouvernement pourrait-il maintenir cette exonération ?

Pour ce qui est de l'hydrogène, je m'interroge sur les projets susceptibles d'être soutenus dans le cadre du plan de relance.

Nous le savons, une ordonnance est en cours d'élaboration pour cette filière, en application de l'article 52 de la loi « Énergie-Climat ».

Dans sa délibération sur ce projet d'ordonnance, rendue le 24 septembre dernier, la Commission de régulation de l'énergie (CRE) a indiqué qu'« il n'existe aucune raison de distinguer entre l'hydrogène renouvelable et l'hydrogène bas-carbone » dans le soutien public apporté à cette filière.

Le Gouvernement entend-il faire suite à cette recommandation ? Les deux milliards d'euros alloués à l'hydrogène en 2021 dans le cadre du plan de relance sont-ils bien destinés à financer toutes les formes d'hydrogène, y compris celui issu de l'électricité nucléaire ?

Je constate que la loi « Énergie-Climat » prévoit un objectif de 20 à 40 % d'hydrogène bas-carbone et renouvelable d'ici 2030 : aucune distinction n'a donc été faite entre les différentes sources d'hydrogène !

En ce qui concerne les biocarburants, nous nous félicitons que la Commission européenne ait activé, le 4 novembre dernier, le mécanisme de surveillance européen pour les importations d'éthanol ; dans le cadre de son plan de relance, notre commission avait relayé avec force cette demande !

Outre cette mesure bienvenue, ne pourrions-nous pas faire davantage en faveur des biocarburants ? Pourquoi ne pas leur allouer des crédits spécifiques en matière de recherche et de développement dans le cadre du plan de relance ?

Au-delà de ses aspects budgétaires et fiscaux, je voudrais pour finir évoquer l'actualité législative et réglementaire en matière d'énergie.

La crise du Covid-19 est venue perturber notre agenda en la matière.

Plusieurs textes d'application de la loi de la loi « Énergie-Climat » ont ainsi pris du retard ; quels sont ceux d'entre eux dont la publication est imminente ?

Un point mérite une attention particulière : le Gouvernement a lancé une consultation sur la cinquième période des certificats d'économies d'énergie (C2E), allant du 1er janvier 2022 au 31 décembre 2025.

Or l'article 2 de la loi « Énergie-Climat » dispose que les C2E seront fixés par une loi quinquennale à compter du 1er juillet 2023 et ne pourront donc pas être déterminés par décret au-delà du 31 décembre 2023.

Quelle serait la période visée par le décret ? Pouvez-vous nous assurer que l'intention du Gouvernement est bien de respecter la future loi quinquennale ?

Outre la loi « Énergie-Climat », je souhaiterais aussi évoquer les lois « d'urgence sanitaire » car les ordonnances reportant le paiement des factures d'énergie et la « trêve hivernale » ont un impact sur la trésorerie des énergéticiens.

Ne devrait-on pas instituer un mécanisme de solidarité nationale pour leur permettre de faire face aux impayés de facturation qui se multiplient ?

Enfin, les derniers points d'actualité que je voudrais aborder sont les projets de loi relatifs à la Convention Citoyenne pour le Climat et au code minier. Quels en sont le contenu et le calendrier ?

À titre personnel, je voudrais aussi relayer les inquiétudes des agriculteurs et des entrepreneurs sur la remise en cause des contrats d'achat d'électricité solaire pour les installations supérieures à 250 kW, conclus avant le moratoire décidé par le décret du 9 décembre 2010. Ces installations ont été financées par des prêts bancaires ; si cette disposition devait être définitivement adoptée, ils ne seront plus en mesure d'honorer leurs engagements, sans compter les incidences sur les entreprises de maintenance et d'entretien ainsi que sur l'emploi local.

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