Intervention de Barbara Pompili

Commission des affaires économiques — Réunion du 10 novembre 2020 à 15h30
Projet de loi de finances pour 2021 — Audition de Mme Barbara Pompili ministre de la transition écologique

Barbara Pompili, ministre :

Je reviens tout d'abord sur la suppression du CAS TE. Ce compte était devenu artificiel. Il était alimenté par une fraction de taxe intérieure sur la consommation des produits énergétiques (TICPE) ajustée à l'euro des dépenses. La séparation entre le CAS TE et le programme 345 était au total virtuelle et peu lisible. Nous avons donc souhaité mettre plus de lisibilité en réintégrant le CAS TE dans le budget général. Cela n'a bien sûr aucune autre conséquence, notamment sur les contrats.

Sur la question des contrats photovoltaïques que Daniel Laurent et vous-même, madame la présidente, avez évoquée, c'est un sujet qui - je le sais - fait beaucoup parler. Je tiens d'abord à préciser sans aucune ambiguïté que l'objectif du Gouvernement est de soutenir le développement des énergies renouvelables. Nous mettons 110 milliards d'euros d'engagements sur plus de 20 ans et nous accroissons de 25 % sur la période 2020-2021 notre soutien financier aux énergies renouvelables. Nous ne sommes donc pas sur de petites sommes. Nous avons également prévu les prochains appels d'offres avec plus de 10 gigawatts d'installations photovoltaïques au cours des cinq prochaines années.

On parle de contrats photovoltaïques, signés entre 2006 et 2010, qui ont créé une sorte de bulle. Ces installations sont pour la plupart totalement amorties, ont parfois bénéficié d'un rendement en capital supérieur de 20 % et sont payées au frais du contribuable - je tiens à le rappeler. Ces contrats bénéficient aujourd'hui d'un tarif de rachat autour de 450 à 480 euros par MWh, qui peut monter jusqu'à 600 euros par MWh. Nous sommes sur des chiffres très supérieurs à une rentabilité normale.

Si nous ne faisons rien, le contribuable va devoir débourser plus de 20 milliards d'euros d'ici 2030 pour rémunérer tous ces contrats. Moins de subventions permettraient de maintenir la même production d'énergie renouvelable en rémunérant normalement les producteurs. C'est donc une rente qui constitue autant de ressources en moins pour développer de nouvelles installations d'énergies renouvelables. Mais nous avons voulu prendre une mesure de révision ciblée. On ne va pas s'attaquer à tous les contrats, on revient sur une petite minorité de contrats, de l'ordre de 800 contrats sur les 235 000 existants. Ces contrats concernent des installations dont la puissance est supérieure à 250 kW, ce qui protège de facto tous les contrats conclus par les particuliers et la quasi-totalité de ceux conclus par des agriculteurs.

Nous avons bien entendu négocié avec la filière pour trouver la meilleure solution sur cette renégociation des contrats. Nous avons mis en place avec la filière une clause de sauvegarde qui nous permet de regarder au cas par cas la situation des exploitants, à leur demande, afin d'éviter toute situation où la révision du contrat pourrait mettre en péril l'exploitation. L'idée n'est pas de mettre tout le monde dans la difficulté mais de retrouver une situation normale en supprimant ces rentes de situation injustifiées et inutiles sans déstabiliser l'équilibre financier de la filière. Nous continuerons de soutenir le développement de la filière photovoltaïque.

Nous avons évoqué cette question ce jour avec la Fédération bancaire française (FBF). Nous avons un précédent de révision de contrats concernant l'éolien offshore. Nous avons pu constater qu'il n'y avait pas eu de baisse d'investissements dans cette filière car ce sont des filières d'avenir, prometteuses, avec une volonté d'investir. Les banques ne se sont pas désengagées et je compte sur elles pour qu'elles continuent de s'engager ainsi. J'ai peu d'inquiétudes sur le sujet. Je rappelle que c'est une mesure extrêmement ciblée dans le temps et sur un petit nombre de contrats qui seront revus.

Sur les autres points soulevés, nous avons souhaité, dans le cadre du plan de relance, donner un coup d'accélérateur sur la rénovation des bâtiments avec Ma Prim Renov' car les bâtiments représentent environ un quart des émissions de gaz effets de serre. Nous avions beaucoup de dispositifs d'aide, et beaucoup d'argent public investi, pour une efficacité dont tout le monde reconnaît qu'elle était assez limitée. Nous avons voulu simplifier les démarches et mettre les fonds, les investissements là où l'on pense réussir à obtenir un meilleur rendement énergétique. Nous voulons faire passer les bâtiments à un niveau supérieur de qualité, d'isolation, de classe énergétique.

Il a ainsi été décidé de privilégier les travaux de rénovation globale et performante plutôt que des aides trop ciblées - par exemple sur une isolation de fenêtre ou un changement de toiture - qui n'amélioraient pas suffisamment la performance énergétique des bâtiments concernés. C'est un vrai choix politique. On a donc voulu réorienter ces aides mais aussi les simplifier en mettant une seule prime et un contact téléphonique ; par ailleurs, nous sommes en train de conventionner avec les régions le réseau FAIRE, qui regroupe des conseillers pour orienter les citoyens. C'est un point très important.

Sur le nombre de primes, je constate que Ma Prime Rénov' a été créée en janvier 2020, qu'elle est très dynamique et que nous nous avons de très bons retours. Effectivement, l'extension de la prime au 9e et 10e déciles constitue une réponse à de très nombreuses demandes, notamment formulées ici par les Sénateurs, car ces déciles sont aussi ceux qui font des travaux et que notre objectif est que le maximum de bâtiments changent de classe énergétique.

Nous avons également mis en place un certain nombre de dispositifs permettant aux ménages les plus en difficulté de financer ces travaux de rénovation. Nous voulons qu'ils puissent cumuler les aides pour qu'ils réalisent cette démarche. Le service public de l'efficacité énergétique est quelque chose que nous connaissons bien en région Hauts-de-France et que nous souhaitons développer ailleurs.

Sur le chèque énergie, je partage avec vous le constat que son montant ne permet pas de financer des travaux. Il s'agit plus ici d'une aide au paiement de la facture. Bénéficier du chèque énergie n'est pas incompatible avec certaines autres primes, et notamment Ma Prim Renov' et tout l'encadrement de l'Agence nationale de l'habitat (ANAH). Je vous rappelle que les ménages les plus en difficulté ont bénéficié cette année d'aides leur permettant de faire face à leur facture de chauffage.

Sur les mobilités propres, la prime à la conversion et le bonus automobile apportent une nouvelle dynamique et soutiennent le développement des véhicules à basses émissions, donc essentiellement des véhicules électriques et hybrides. Nous avons bien conscience qu'il faut - y compris pour les constructeurs - une visibilité dans le temps de ces dispositifs.

Nous avons décidé de prolonger les bonus à leur barème actuel pour les véhicules électriques et hybrides jusqu'à cet été pour tenir compte des difficultés rencontrées par la filière en raison de la crise de la Covid-19. En effet, les fermetures des concessions ne permettent pas aux professionnels de vendre des véhicules et de faire bénéficier nos concitoyens de ces aides. On essaye de se donner des perspectives et d'établir avec la filière une stratégie à 2030 pour augmenter la production de véhicules moins polluants - il n'existe pas de véhicules 100 % propres ! -. D'ailleurs, des mesures, avec des jalons de la Convention citoyenne pour le climat vont dans ce sens. Je rappelle que la loi d'« orientation des mobilités » prévoit qu'il n'y aura plus de ventes de véhicules thermiques en 2040. L'idée de tracer un chemin et de poser des jalons est une bonne idée de la Convention citoyenne pour le climat car lorsqu'objectif est très lointain, si l'on ne dit pas comment arriver à cet objectif, des difficultés peuvent survenir.

Sur les infrastructures de recharge et le suramortissement, je vous apporterai une réponse plus tard.

Sur le plan hydrogène et la distinction entre l'hydrogène renouvelable et l'hydrogène bas-carbone, il existe des discussions au niveau européen sur cette question. L'Union européenne s'oriente vers un soutien à l'hydrogène à base d'énergies renouvelables. Or la France dispose d'une électricité fondée à 75 % sur l'énergie nucléaire ; si cette source d'énergie fait débat, elle est objectivement totalement bas-carbone - il n'y a aucun sujet de discussion là-dessus. Il serait absolument contre-productif de ne pas tenir compte de cet aspect. C'est pourquoi nous allons aujourd'hui déployer un plan hydrogène sur toutes les solutions bas-carbone, à base d'énergie nucléaire et à base d'énergies renouvelables. Nous avons une programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) qui va faire augmenter la part des énergies renouvelables dans notre mix électrique et donc l'hydrogène renouvelable à due proportion. Nous avons une stratégie qui nous permettra d'investir sept milliards d'euros d'ici 10 ans et deux milliards dans le cadre du plan de relance afin de devenir un pays avec des infrastructures de production d'hydrogène. Nous avons beaucoup de demandes d'utilisation d'hydrogène de la part des élus locaux. Mais avant de l'utiliser, il faut le produire. C'est une des priorités du plan de relance que de soutenir les projets de production d'hydrogène, notamment la construction d'électrolyseurs dont nous manquons en France. Nous avons des entreprises déjà positionnées sur plusieurs territoires pour en fabriquer. Voilà l'un des aspects du plan hydrogène. Les usines d'électrolyseurs pilotes et les projets d'hydrogène mutualisés à travers divers usages nous nous permettront de passer une étape pour être pilote dans le cadre de la stratégie hydrogène. En ce qui concerne le code minier, nous avons commencé les consultations sur ce texte de loi sans attendre de disposer du véhicule législatif. Nous sommes un certain nombre à pousser très fort pour que cette réforme soit mise en oeuvre avant la fin du quinquennat, peut-être dans le cadre du projet de loi issu de la Convention citoyenne pour le climat. Cela aurait aussi pu être intégré au projet de loi « 3D ». Je le dis ici clairement : soit on arrive à faire entrer cette réforme dans un projet de loi déjà prévu à l'agenda, soit elle n'aboutira pas. Il s'avère que la Convention citoyenne pour le climat propose quelques mesures concernant les mines, ce qui permet d'avoir une accroche pour y faire entrer cette réforme. Toutefois, rien n'est décidé à ce jour et je ne fais aucune annonce. Cela fait partie des hypothèses de travail.

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