Pour ma part, j'aborderai trois points : l'immobilier, l'informatique et l'aide aux victimes.
Concernant l'immobilier, le budget prévoit une augmentation de 6 %, à périmètre constant, des dépenses d'investissement des juridictions. Ce budget atteindrait 227 millions d'euros en 2021, dont 23 %, soit 52,9 millions d'euros, affectés aux contrats de partenariat public-privé des palais de justice de Paris et de Caen, et plus particulièrement, 47,3 millions d'euros pour le loyer parisien qui court jusqu'en 2044.
450 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) avaient été ouverts en 2019. L'état immobilier de nos différents palais de justice méritait cet effort d'investissement. Ces AE ont été complétées par 95 millions d'euros consacrés à des projets en outre-mer en 2019-2020 et 120 millions d'euros pour le tribunal judiciaire de Bobigny en 2021.
Nous ne nions évidemment pas le besoin de travaux. Toutefois, nous avons pu noter quelques dérapages financiers qui témoignaient d'un manque de préparation, tant en matière de programmation, qui parfois n'est pas suffisamment en adéquation avec les besoins des juridictions, que de maîtrise des problèmes techniques. Je voudrais, par exemple, évoquer la cité judiciaire de Nancy qui a vu son enveloppe de travaux passer de 58,5 à 83,25 millions d'euros, en raison de la réévaluation financière du marché et, surtout, de la dépollution des sols sur un ancien terrain d'Alstom - dépollution que l'on aurait pu prévoir et qui aurait peut-être pu être prise en charge par Alstom.
Si la préparation et la bonne exécution du programme immobilier peuvent donc être améliorées, c'est probablement en matière d'informatique que les dysfonctionnements sont les plus criants. Le garde des sceaux nous a confié que la chancellerie n'était pas la meilleure sur ce point ; très franchement, nous pouvons le confirmer. Tout en avouant cela, le garde des sceaux a largement minimisé l'état parfois indigent de l'informatique des juridictions.
Sur le plan matériel, si les magistrats semblent avoir été majoritairement dotés d'ordinateurs portables, la majorité des greffiers, eux, attendent toujours. L'objectif du ministère est de doter 90 % des magistrats et 50 % des greffiers d'ici fin 2020 ; au tribunal de Paris, à peine 10 % des greffiers sont équipés à ce jour, et cela semble être le cas dans l'ensemble des juridictions.
Le sous-équipement matériel se conjugue d'ailleurs aux nombreux écueils que présentent les logiciels. Certaines applications métiers fonctionnent encore sous Windows 3 ou avec WordPerfect - les moins de quarante ans ne savent même pas de quoi je parle ! Ces applications ne sont pas mises à jour suffisamment rapidement après la modification de la loi, retardant l'application de celle-ci - comme la réforme du divorce - ou imposant aux greffiers de « bidouiller » - ce terme a été employé par tous ceux que nous avons entendus -, les retardant un peu plus dans leur travail.
Pour clore ce tableau, j'évoquerai les connexions à distance aux applicatifs métiers. Le ministre nous annonce que désormais 94 % des tribunaux judiciaires ont accès à distance à WinCi - l'applicatif de la justice civile -, alors que, dans la pratique, au tribunal de Paris, cette possibilité n'est offerte qu'à deux greffiers sur plusieurs centaines ; cela montre l'étendue des difficultés.
En résumé donc : 530 millions d'euros d'autorisations d'engagements en 2018, déjà 353 millions dépensés et, mis à part les portables des magistrats, nous attendons encore de voir davantage de résultats concrets. La fin de la course est pour 2022, alors espérons que la situation puisse encore s'améliorer.
En dernier lieu, j'aborderai l'aide aux victimes. Ce budget s'élèverait en 2021 à 32 millions d'euros, soit une augmentation de 11,38 % en un an, bien plus conséquente qu'en 2020. Plus particulièrement, le garde des sceaux, lors de son audition, a indiqué que les crédits dédiés à l'aide aux victimes de violences conjugales s'élèveraient à 8,1 millions d'euros, soit une augmentation de près de 7 millions en dix ans.
Ces crédits ont notamment permis de financer la plateforme « Mémo de Vie » mise en service par France Victimes, qui permet aux victimes de violences de tenir un journal et de prendre conscience de l'engrenage dans lequel elles se trouvent. Il a également permis de financer un espace internet dédié, où l'on peut enregistrer les documents administratifs nécessaires en cas de départ précipité du domicile conjugal, afin de pouvoir s'installer rapidement dans un autre lieu.
Voilà qui est concret mais cela a été simplement financé et non pas créé par le ministère ; là est peut-être le secret.
En conclusion, au vu des différentes observations que ma collègue et moi-même avons formulées, comportant tout de même plus de points positifs que négatifs, nous proposons à la commission d'émettre un avis favorable à l'adoption des crédits des programmes « Justice judiciaire », « Accès au droit et à la justice », « Conduite et pilotage de la politique de la justice » et « Conseil supérieur de la magistrature » de la mission « Justice », inscrits au projet de loi de finances pour 2021.