Intervention de Gérald Darmanin

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 25 novembre 2020 à 8h30
Projet de loi de finances pour 2021 — Audition de M. Gérald daRmanin ministre de l'intérieur

Gérald Darmanin, ministre :

Pour répondre à Mme la rapporteure - que je trouve un peu dure quand elle évoque des vaisseaux fantômes -, plusieurs gouvernements ont essayé de rapprocher les services publics des territoires et cela s'est souvent fait dans des maisons de services au public (MSAP) - aujourd'hui maisons France Services. Et quand on déconcentre, la question de d'administration préfectorale se pose. Vous n'avez pas tort de dire que la décentralisation, mais aussi la dématérialisation et parfois le passage de témoin aux collectivités locales - comme dans le cas des cartes d'identité et des passeports -, entraînent une moindre présence dans les préfectures. Et il est certain que des démarches importantes ne se font plus dans les préfectures, à part le dépôt des candidatures et certaines demandes de documents administratifs pour les étrangers. Si vous entendez démontrer qu'il y a moins de public aujourd'hui dans nos préfectures, je souscris. C'est aussi le sens des politiques publiques menées depuis un certain temps sur le territoire national.

Sur le vote par correspondance, je ne peux pas vous donner de montant, monsieur le président, mais je regarderai. Il me semble cependant que le sujet n'est pas tant celui du montant - même s'il faudrait le budgétiser - que la faisabilité technique d'un projet abandonné en 1975 pour des raisons de fraude. Par ailleurs, j'ai déjà émis un doute profond, qui est un doute personnel et non pas celui du ministère - ceux qui me connaissent savent que je peux avoir des avis bien différents de ceux de mes services. Il me semble en effet particulièrement important que le vote soit libre, et qu'aucune pression ne puisse s'exercer, qu'elle soit de nature familiale, communautaire ou électoraliste. Si je ne suis pas opposé à moderniser le vote - et je serai attentif aux travaux du Parlement et des partis politiques sur le sujet -, le vote par correspondance, aussi pratique soit-il, ne peut avoir lieu dans des conditions de sincérité et de libre choix similaires à celles de l'isoloir. Si l'on pouvait me prouver le contraire, j'en serais fort heureux.

De plus, la démarche de se rendre au bureau de vote me semble essentielle dans l'apprentissage républicain. Il faut prendre le temps d'y aller, souvent en famille, le dimanche - et ce n'est pas sans raison que le législateur a souhaité fixer le vote en ce jour d'activité économique réduite. Nous sommes nombreux à avoir accompagné nos parents, découvrant ainsi le bureau de vote, le silence et la solennité qui accompagnent ce moment. Par ailleurs, les études démontrent que beaucoup de gens changent d'avis avant de voter, y compris dans l'isoloir, dans ce temps où l'on est seul avec soi-même. Certains bureaux interdisent aux enfants d'entrer dans l'isoloir afin qu'ils ne puissent répéter ce qu'a voté leur père ou leur mère, et tout bon président de bureau de vote devrait interdire que l'on soit accompagné dans l'isoloir, sauf dans le cas de personnes particulièrement handicapées. Les choses ne doivent pas toujours être rapides et gratuites, et il ne s'agit pas d'une formalité accomplie entre deux démarches administratives.

J'ai grandi dans une famille que j'ai aimée, même si je ne savais pas toujours pour qui chacun votait. Pour beaucoup, le vote est quelque chose de très intime qu'ils n'ont pas nécessairement envie de partager. Le vote par correspondance permet-il de préserver ce moment très important, qui est une conquête républicaine, et pendant lequel on ne rend compte qu'à soi-même ? Je n'en suis pas convaincu et je suis peut-être un peu vieux jeu, mais j'aime bien l'isoloir.

Certains disent que le vote par correspondance figurait dans le programme du Président de la République. J'ai peut-être été distrait mais ce que j'y ai trouvé, c'est la mention de la modernisation du vote et du vote électronique, ce qui n'est pas tout à fait la même chose. Le législateur et l'État ont limité la possibilité du vote électronique, en limitant l'usage des machines à voter dans les mairies pour des raisons de contentieux électoral. Je suis prêt à créer un groupe de travail sur la question de la modernisation du vote, qui se penchera notamment sur le vote par correspondance.

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