Intervention de Olivier Dussopt

Réunion du 19 novembre 2020 à 14h30
Loi de finances pour 2021 — Discussion d'un projet de loi

Olivier Dussopt :

Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai l’honneur de vous présenter le projet de loi de finances pour 2021 tel qu’il a été adopté, il y a quelques jours, par l’Assemblée nationale.

Vous le savez, c’est un texte singulier et même exceptionnel à bien des égards. Je vous le présente alors que notre pays traverse une crise sanitaire inédite, dominée par l’inquiétude et l’incertitude, même si les chiffres de l’épidémie semblent s’améliorer depuis quelques jours. Dans le même temps, nous subissons une crise aux conséquences sévères pour notre économie et tout particulièrement pour nos commerces.

Mesdames, messieurs les sénateurs, les circonstances présentes exigent l’unité et la responsabilité : c’est ce dont le Parlement a fait preuve depuis plusieurs mois, notamment en adoptant plusieurs lois de finances rectificatives, dont les mesures permettent d’apporter une réponse massive à la crise. Tout récemment encore, dans la nuit de lundi à mardi, vous avez adopté un quatrième projet de loi de finances rectificative (PLFR 4), ce dont je vous remercie. L’accord trouvé en commission mixte paritaire permet d’envisager l’adoption et la mise en œuvre de ce texte dans les meilleurs délais.

Ainsi, face à cette crise épidémique et économique sans précédent, le Gouvernement a mis en œuvre une réponse massive. Avec le PLFR 4, nous avons engagé plus de 86 milliards d’euros de dépenses. Nous avons également pris des mesures dont l’efficacité semble avérée.

Nous avons proposé des prêts garantis par l’État (PGE) et reporté la date jusqu’à laquelle ils pourront être souscrits ou rechargés. En parallèle, nous avons mené à son terme une négociation avec la Fédération bancaire française quant aux conditions de remboursement et aux différés de première échéance.

Nous avons mis en place un dispositif de financement de l’activité partielle à un niveau inédit pour ce qui nous concerne et inégalé sur la scène européenne. Ce faisant, nous avons pu prendre en charge jusqu’à 12 millions de personnes lors du premier confinement.

Nous avons mis en place un fonds de solidarité, aujourd’hui bien connu, qui a profité à plus de 2 millions d’entreprises et dont les critères ont été revus à l’aune des débats parlementaires et de diverses contributions. Désormais, ce fonds bénéficie aux entreprises employant jusqu’à 50 salariés, pour des montants pouvant atteindre 10 000 euros par mois.

Nous avons accompagné ces outils de reports massifs de charges, pour une trentaine de milliards d’euros, et de dispositifs d’exonération. En incluant les exonérations que nous accordons au titre du second confinement, le total devrait dépasser les 8 milliards d’euros.

Face à la seconde vague épidémique, nous avons fait le choix, avec Bruno Le Maire, de renforcer ces outils et d’y ajouter une aide à la prise en charge des loyers, à savoir un crédit d’impôt au bénéfice des bailleurs. Ce dispositif a été introduit par voie d’amendement à l’Assemblée nationale ; vous serez appelés à l’examiner au titre des articles non rattachés.

Dans ce contexte, le projet de loi de finances pour 2021 revêt une importante particulière. Il doit permettre au Gouvernement de donner à notre pays les moyens de la relance économique, pour le sortir de la crise, de tenir ses engagements et de financer ses priorités. Il doit également prendre en compte, en suivant un double objectif de sincérité budgétaire et de réalisme économique, les dernières évolutions de la pandémie et ses conséquences sur nos hypothèses macroéconomiques comme sur la trajectoire des finances publiques. Tels sont les trois points sur lesquels je m’appesantirai.

Premièrement, je tiens à rappeler que le projet de loi de finances pour 2021 est le principal vecteur du plan de relance.

Ce plan de relance s’élève à 100 milliards d’euros, dont 14 milliards d’euros seront apportés par divers organismes – je pense à la Banque publique d’investissement, à la sécurité sociale ou encore à l’Unédic, pour ce qui concerne l’activité partielle – et 86 milliards d’euros relèveront directement de l’État.

La baisse des impôts de production sera de l’ordre de 20 milliards d’euros. À cet égard – nous aurons l’occasion d’y revenir –, les collectivités territoriales bénéficieront d’une compensation intégrale, qu’il s’agisse de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), qui concerne spécifiquement les régions, de la cotisation foncière des entreprises (CFE) ou de la taxe foncière sur les propriétés bâties frappant les locaux industriels. Les 66 milliards d’euros restants sont constitués de crédits budgétaires, que l’État déploie pour accompagner la reprise économique.

Le programme d’investissements d’avenir 4 (PIA 4) représente 11 de ces 66 milliards d’euros. En parallèle, 16, 5 milliards d’euros sont répartis entre différentes missions, dont nous débattrons en seconde partie. Par exemple, nous avons considéré que les crédits en faveur de l’insertion par l’activité économique seraient plus utilement et plus efficacement gérés et déployés s’ils relevaient de la mission « Travail et emploi » plutôt que de la mission « Plan de relance ».

De plus, parmi ces 16, 5 milliards d’euros, un certain nombre de crédits ont déjà fait l’objet d’une adoption par le Parlement. Je pense aux dispositifs de soutien aux collectivités territoriales et notamment à la tranche supplémentaire de dotation de soutien à l’investissement local (DSIL) votée à l’occasion du PLFR 3. Vous le verrez en examinant l’article 46 du projet de loi de finances : nous veillons à ce que les crédits non engagés soient bien reconductibles en 2021. Ainsi, la fin de l’exercice budgétaire n’entraînera pas de perte pour les collectivités.

Enfin, la mission « Plan de relance » regroupe 22 milliards d’euros de crédits de paiement et 36, 4 milliards d’euros d’autorisations d’engagement répartis en trois programmes : le programme « Écologie », qui finance notamment la transition énergétique, pour 18, 4 milliards d’euros ; le programme « Cohésion », qui a pour objet la cohésion sociale et territoriale, pour 12 milliards d’euros ; et le programme « Compétitivité », pour 6 milliards d’euros.

Cette concentration est le fruit d’une volonté délibérée du Gouvernement et, en particulier, du ministère de l’économie, des finances et de la relance : elle nous permet de disposer de trois programmes massifs. En outre, la possibilité de fongibilité et de redéploiement des crédits au sein d’un même programme garantit l’application des clauses de revoyure en cas de retard dans la mise en œuvre d’un volet du plan de relance. Ainsi, nous pourrons financer les projets qui avancent, sans perdre de temps avec les projets qui viendraient à être freinés, voire à s’arrêter.

Pour certains, mieux vaudrait reporter le plan de relance. Ce n’est pas notre analyse – j’observe d’ailleurs que, bien souvent, les mêmes avaient d’abord jugé cette réponse trop tardive…

À nos yeux, au-delà des mesures d’urgence adoptées au titre du PLFR 4, la relance économique est justement l’un des moyens de répondre à la crise : il convient de soutenir l’activité pour retrouver au plus vite le niveau de production que nous connaissions à la fin de 2019.

C’est pourquoi nous avons assorti ce plan de mesures spécifiques, comme le crédit d’impôt pour les bailleurs. C’est pourquoi nous voulons qu’il soit mis en œuvre rapidement : notre objectif est que son décaissement atteigne 50 % d’ici à la fin de l’année 2021, ce qui représente une dizaine de milliards d’euros au titre de 2020 et une quarantaine de milliards d’euros au titre de 2021, par le truchement des missions et des opérateurs que j’ai évoqués.

Deuxièmement, ce budget permettra au Gouvernement de tenir les engagements pris, à commencer par le financement de ses priorités politiques.

Vous pourrez constater que nous renforçons le budget des ministères régaliens. Le ministère de l’intérieur voit ses moyens augmenter de plus de 430 millions d’euros. Le ministère des armées voit ses moyens augmenter de 1, 7 milliard d’euros, conformément à la loi de programmation militaire (LPM). Le ministère de la justice voit ses crédits augmenter de 610 millions d’euros, ce qui représente une hausse de 8 %. Cette progression est d’une ampleur inédite, tant en volume qu’en pourcentage. L’objectif est double : rattraper, et même dépasser, la trajectoire fixée par la loi de programmation et de réforme pour la justice et assurer le déploiement de la justice de proximité.

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