Intervention de Olivier Dussopt

Réunion du 19 novembre 2020 à 14h30
Loi de finances pour 2021 — Discussion d'un projet de loi

Olivier Dussopt :

Troisièmement, permettez-moi de souligner que le budget que nous vous présentons s’inscrit dans un contexte macroéconomique qui évolue. Le rebond de la crise épidémique nous a amenés à revoir nos prévisions. Comme nous vous l’avons indiqué lors des débats sur le PLFR 4 et à l’occasion de l’actualisation des sous-jacents du PLFSS, nous avons corrigé nos hypothèses macroéconomiques pour 2020.

Nous avons porté nos prévisions de récession à 11 % du PIB – plutôt que 10 %, comme nous l’envisagions au début du mois de septembre –, le niveau du déficit prévisionnel pour 2020 à 11, 3 % – plutôt que 10, 2 %, comme prévu au début du mois de septembre – et le poids de la dette publique de 117, 5 % à 119, 8 % du PIB.

Ces chiffres sont, aux yeux d’autres analystes, particulièrement prudents, la Banque de France et l’Insee considérant dans leurs propres travaux que les hypothèses de récession pourraient être moins mauvaises. Ils avaient, en effet, évalué la récession attendue entre 9, 5 % et 10 % du PIB.

Depuis le début du quinquennat, nous avons constamment fait le choix de la prudence pour nos hypothèses. Le Haut Conseil des finances publiques a toujours qualifié les hypothèses de travail du Gouvernement de « plausibles et prudentes » ou de « plausibles, mais prudentes ».

Nous avons donc à réviser un certain nombre de sous-jacents des textes que nous vous présentons. Vous avez accepté de le faire par l’adoption d’un amendement à l’article 7 du PLFSS pour l’année 2021 ; j’aurai l’occasion, après la discussion générale, de vous proposer un amendement pour actualiser les sous-jacents pour l’année 2020 de l’article liminaire du présent projet de loi de finances, et je reviendrai, dans un instant, sur la prévision pour 2021 au sujet de laquelle nous travaillons.

Nous vous proposons une actualisation des lois de financement de l’État et de la sécurité sociale « au fil de l’eau », en fonction des avis du Haut Conseil des finances publiques et de l’évolution de nos travaux de prévision.

Avant de conclure, permettez-moi d’évoquer deux points : tout d’abord, les évolutions du texte entre le moment où j’ai eu l’occasion de vous le présenter en commission des finances et aujourd’hui, c’est-à-dire après le débat à l’Assemblée nationale ; ensuite, les chantiers qui nous attendent.

Premièrement, le texte a évidemment évolué lors de son examen par l’Assemblée nationale et, si le temps ne me permet pas de revenir en détail sur chacune des dispositions initialement prévues, je tiens à souligner que l’Assemblée nationale l’a enrichi de nombreux amendements, près de 400 ayant été adoptés.

À la suite d’un travail transpartisan réunissant les députés et les sénateurs représentant les Français de l’étranger autour d’un rapport remis par le Gouvernement, l’Assemblée nationale a ainsi adopté le maintien, pour les non-résidents, de la retenue à la source spécifique partiellement libératoire.

Elle a également adopté le relèvement à 10 millions d’euros – au lieu de 7 630 000 euros – du plafond de chiffre d’affaires pour l’application taux réduit de l’impôt sur les sociétés en faveur des petites et moyennes entreprises (PME) ; le maintien de la différence de taxation entre l’E5 et l’E10 au titre de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) ; la neutralisation des incidences de la crise sanitaire sur la détermination des fractions de TVA revenant aux collectivités territoriales ; un abondement de 60 millions d’euros du fonds de péréquation horizontale des départements pour le maintenir à son niveau actuel de 1, 6 milliard d’euros concernant les droits de mutation à titre onéreux (DMTO) ; le maintien de la méthode actuelle de revalorisation des bases des locaux industriels pour garantir aux collectivités une évolution dynamique de celles-ci et, enfin, la mise en œuvre d’un protocole d’accord avec le réseau des chambres de commerce et d’industrie (CCI) par la fixation à 349 millions d’euros du plafond de la taxe additionnelle à la cotisation foncière des entreprises en 2021 et à 299 millions d’euros en 2022.

Deuxièmement, les députés ont adopté en seconde partie un régime de révision des contrats photovoltaïques pour les 800 plus important d’entre eux, dans le but de mettre un terme à la surrentabilité constatée ; la prolongation jusqu’au 30 juin 2021 du prêt garanti par l’État ; la rénovation du dispositif de péréquation régionale conformément à l’accord signé par le Premier ministre avec les présidents de région le 28 septembre dernier ; la modification des critères d’attribution du fonds de stabilisation pour les départements, pour qu’il puisse bénéficier à une cinquantaine de départements au lieu de trente auparavant, et alors qu’il est porté à 200 millions d’euros au lieu de 115 millions habituellement. L’Assemblée nationale a, enfin, adopté les amendements visant à faciliter la mise en œuvre du plan de relance, notamment en permettant des dépenses anticipées sur un certain nombre de sujets.

En matière de dispositions fiscales, les députés ont complété le malus CO2, lui-même modifié par le texte, par l’ajout d’une composante liée au poids des véhicules. Ils ont prorogé les dispositifs en faveur du logement, dits « Pinel » et PTZ, en prévoyant des modifications de leurs paramètres pour les rendre plus justes et plus efficients.

Enfin, en cohérence avec la proposition du Gouvernement que j’ai évoquée, ils ont créé un dispositif de soutien aux entreprises locataires de moins de 5 000 salariés pour leur permettre de faire face aux conséquences économiques de la crise sanitaire. Il permet la prise en charge par l’État d’une partie des loyers, sous la forme d’un crédit d’impôt accordé aux bailleurs égal à 50 % des loyers abandonnés normalement dus au cours de la période d’application des mesures de confinement pour les entreprises de moins de 250 salariés, et à 33 % pour les entreprises d’une taille supérieure.

L’ensemble des amendements adoptés par l’Assemblée nationale conduit évidemment à une dégradation du solde budgétaire de 344 millions d’euros par rapport au point d’entrée en discussion. Ce solde budgétaire s’établirait à 153, 1 milliards d’euros en 2021, représentant un déficit exceptionnellement élevé qui traduit l’impact de la crise sur les finances publiques et la mise en œuvre du plan de relance.

Pour conclure, nous proposons, comme je vous l’ai dit, une révision des hypothèses macroéconomiques au fil de l’eau, avec un objectif de sincérisation des textes et d’adoption de la loi de financement de la sécurité sociale et la loi de finances pour 2020 avec les mêmes hypothèses, les mêmes sous-jacents et la même trajectoire macroéconomique. Nous sommes en mesure de le faire pour 2020 et nous vous proposons de faire de la même manière pour 2021.

Nous proposerons au Parlement d’ouvrir, lors de la nouvelle lecture du projet de loi de finances, les crédits de la mission « Plan d’urgence face à la crise sanitaire » pour 2021. Nous aurons alors plus de visibilité sur les conditions de sortie du confinement et sur les moyens qu’il est nécessaire de mettre en œuvre pour accompagner la sortie du confinement.

Nous avons saisi le Haut Conseil des finances publiques de notre prévision de croissance pour 2021. Nous escomptions, initialement, un rebond de l’activité de 8 % par la levée des contraintes sanitaires grâce à un tissu productif et un potentiel de reprise relativement fort, facteurs qui ont d’ailleurs expliqué la forte reprise du troisième trimestre. Toutefois, la recrudescence de l’épidémie cet automne montre que sa maîtrise sera plus exigeante cet hiver. Aussi avons-nous intégré à nos projections de croissance des comportements plus prudents de la part de tous les acteurs.

Nous avons ainsi proposé au Haut Conseil des finances publiques de chiffrer le rebond de l’activité l’année prochaine à 6 % au lieu de 8 %, toujours mobilisés par la mise en œuvre du plan de relance que nous sommes en train de déployer. La révision du scénario macroéconomique et cette hypothèse de croissance à 6 % auront naturellement des conséquences sur les grands chiffres et les équilibres des finances publiques, notamment le déficit que nous estimons, dans ce projet, à 6, 7 % du PIB. Conformément à la loi organique, je vous propose toutefois d’attendre que nous disposions de l’avis du Haut Conseil des finances publiques pour tirer les conséquences de cette révision dans le PLF et modifier l’article liminaire pour la prévision relative à 2021. Mais nous le ferons, si vous en êtes d’accord, dans un instant, pour la prévision concernant 2020.

L’année 2020 se termine donc avec des finances publiques évidemment dégradées par la réponse à la crise, la diminution des recettes étant liée, elle aussi, à la crise et à l’arrêt de l’activité économique pendant plusieurs semaines.

L’année 2021 s’ouvrira avec un déficit prévisionnel en diminution, mais à un niveau qui restera exceptionnellement élevé. Le niveau d’endettement sera, lui aussi, exceptionnellement élevé. Nous aurons à chercher et à trouver les bonnes solutions en matière de gouvernance, de définition de trajectoire pluriannuelle des finances publiques, de maîtrise et de cantonnement de la dette, d’amélioration des processus d’élaboration de la décision budgétaire et, peut-être, de perspectives pluriannuelles en la matière.

Cela fera l’objet d’un groupe de travail propre au Gouvernement que je mettrai prochainement en place. Nous nous appuierons sur l’intégralité des propositions des parlementaires, qu’elles soient déjà faites et formalisées dans différents rapports – en matière de gouvernance notamment –, ou à venir, dans le cadre des réflexions et des concertations sur la manière dont nous allons affronter cette crise et sortir de la période que nous vivons.

Voilà ce que je souhaitais vous dire, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, en ouverture de la discussion générale sur le projet de loi de finances pour 2021. J’ai la conviction que les échanges qui vont nous réunir pendant plusieurs jours constitueront autant d’occasions de continuer à améliorer ce texte et, je l’espère, à trouver de grandes convergences.

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