Intervention de Emmanuel Capus

Réunion du 19 novembre 2020 à 14h30
Loi de finances pour 2021 — Discussion générale

Photo de Emmanuel CapusEmmanuel Capus :

Pourtant, en 2020, la tentation est grande de vouloir rendre un virus responsable de la situation catastrophique de nos finances publiques : c’est à cause de la covid que notre pays affiche une récession à deux chiffres ; c’est à cause de la covid que le déficit dépasse les 220 milliards d’euros ; c’est à cause de la covid que notre taux d’endettement a bondi, en moins d’un an, de vingt points de PIB. Bref, c’est à cause d’un virus que nous nous apprêtons à examiner un budget historique pour la France, avec à la fois le déficit et la dette publics les plus élevés de notre histoire.

La séquence budgétaire dans laquelle nous nous trouvons est sans précédent. Il est utile de nous le rappeler. Et il est utile, aussi, de nous rappeler que ce n’est pas le virus qui est responsable de cette situation catastrophique, mais bien les décisions que nous avons prises pour nous en protéger. Ce n’est malheureusement pas un scoop et ce projet de loi de finances pour 2021 s’inscrit dans la droite ligne des quatre projets de loi de finances rectificative pour 2020.

Tous ces textes traduisent les décisions que nous avons prises collectivement pour lutter contre le virus. Ils correspondent au « quoi qu’il en coûte » que le Président de la République a lancé en mars dernier et qu’aucun responsable politique n’a réellement contesté. En clair, ils reflètent le choix que nous avons fait : donner la priorité à la santé des plus fragiles, quoi qu’il en coûte.

C’est cette priorité donnée à la santé qui nous a collectivement conduits à ralentir le pays, à confiner les Français chez eux, à mettre nos entreprises sous cloche, à fermer les commerces. Et ces mesures radicales sans précédent ont converti la France entière, bon gré mal gré, à un néo-keynésianisme sous stéroïdes.

Car tout découle de ces mesures radicales prises pour contenir la propagation du virus. Sans plan de sauvetage, nous aurions tué bon nombre de nos entreprises en 2020, la plupart dès le premier confinement et lors du second pour celles qui y auraient survécu.

Aujourd’hui, sans plan de relance, nous laisserions notre économie exsangue face à la compétition mondiale : sans relance, impossible d’espérer renouer un jour avec la croissance ; sans croissance, impossible d’espérer rembourser les dettes astronomiques que nous avons contractées.

C’est pourquoi, monsieur le ministre, nous avons à peu près accepté l’impérieuse nécessité d’engager de nouvelles dépenses sans augmenter les impôts. Face à la gravité de la situation, nous sommes nombreux à nous y résigner. D’autres exultent de voir enfin grand ouvertes les vannes de la dépense publique, et voudraient même ajouter de nouveaux impôts.

Je n’entrerai pas dans le détail des différentes mesures dont nous aurons tout loisir de débattre au cours des trois prochaines semaines.

À ce stade, je souhaite simplement présenter trois critères à l’aune desquels le groupe Les Indépendants examinera ce budget hors norme. Ces critères s’imposent à nous, alors que nous nous apprêtons à voter le pire déficit public de notre histoire.

Le premier, c’est que ce budget de relance doit renforcer notre compétitivité. Il s’agit de nous assurer que chacune des mesures valorisera à la fois le travail et l’investissement, à la fois les efforts que feront les Français et les risques qu’ils prendront pour relever le pays. Ce n’est qu’à cette condition que nous sauverons le présent sans hypothéquer l’avenir.

À cet égard, je tiens à saluer la baisse ambitieuse des impôts de production. Notre groupe l’appelait déjà de ses vœux lors du dernier projet de loi de finances. Ces impôts, parce qu’ils ne dépendent pas de la conjoncture, s’avèrent encore plus néfastes en temps de crise qu’en temps normal. Il était grand temps d’alléger ce fardeau qui obère la productivité des entreprises et pénalise l’économie de nos territoires face à la concurrence d’Europe et d’ailleurs.

C’est pourquoi notre groupe soutient la baisse massive de la CVAE. Bien sûr, comme toute baisse des impôts, le risque existe, au moins à court terme, que certains y perdent. Nous serons donc particulièrement attentifs à ce que cette baisse ne se fasse pas aux dépens des collectivités locales, partenaires clés de la relance. Il y va de la cohésion de nos territoires, comme le soulignait à l’instant Bernard Delcros.

Le second critère, c’est que la dépense publique contribue efficacement à préparer la France aux enjeux de demain. Le Gouvernement s’y est engagé. Nous y sommes aussi attachés.

Notre groupe soutiendra les mesures qui favorisent l’investissement dans les technologies du futur et dans l’innovation partenariale, de même que les mesures qui facilitent la circulation des capitaux pour développer de nouvelles activités et celles qui encouragent la modernisation de notre outil de production.

C’est dans le même esprit que notre groupe abordera les mesures visant à favoriser la transition écologique. Plus personne n’ignore l’urgence de la situation : « notre maison brûle », mais nous ne détournons plus le regard.

La nécessité d’adapter nos modes de production et de consommation fait désormais consensus. À nous d’agir en conséquence. Il est urgent de protéger le climat et la biodiversité. Les priorités sont connues.

Ainsi, nous devons faire preuve d’ambition pour lutter contre l’artificialisation des sols, pour réduire l’impact carbone de nos mobilités et pour améliorer l’efficacité énergétique de notre parc immobilier. Nous serons force de proposition pour renforcer le budget dans ce sens.

Cependant, je veux être clair : nous ne chercherons pas pour autant à accéder systématiquement aux demandes de citoyens tirés au sort. L’enjeu est trop complexe, et surtout trop important, pour que nous nous contentions d’imposer et d’interdire pour engager la France dans une transition ambitieuse. Transition ne rime pas qu’avec taxation et restriction, comme le soutiennent les décroissants, mais surtout avec éducation et innovation.

Nous ferons des propositions pour que la transition écologique soit adaptée à la réalité de nos territoires, à la ville comme à la campagne. Tous les Français veulent participer à cette transformation. Nous leur devons mieux que toujours plus de taxes et de contraintes.

Pour conclure, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais évoquer un dernier critère, sans doute le plus important, à savoir le renforcement de notre capacité à rembourser nos dettes à moyen terme.

Or pour ce faire, il n’y a pas d’échappatoire : il faut réduire au plus vite toutes les dépenses qui aggravent notre déficit structurel. La relance n’a de sens que si elle est temporaire, comme l’a rappelé le rapporteur général dans son intervention.

L’objectif n’est pas de revenir à la situation que nous connaissions en 2019, mais bien de consolider la souveraineté de la France en renforçant la compétitivité économique et en accélérant la transition écologique. Mes chers collègues, « qui paie ses dettes s’enrichit » disait Balzac. Cela vaut tout autant pour notre dette publique que pour notre dette climatique.

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