Mes chers collègues, le Président de la République et le Gouvernement ont souvent rappelé que nous étions en guerre contre le virus. Cette métaphore guerrière est dangereuse pour la démocratie et l’unité du peuple, à l’image du précédent couvre-feu, décision d’exception qui a une histoire dans la société française. Je vous le dis, monsieur le ministre, les mots ont toujours des conséquences !
La crise sanitaire fait des ravages économiques et sociaux. Les économies qui ont été confrontées à de tels chocs se sont toujours reposées sur trois piliers : nationalisation et planification des secteurs fondamentaux, taxation des bénéfices exceptionnels liés à la crise et mise en place d’un circuit de financement des dépenses publiques, indépendamment du marché. Ces choix politiques ont été pris au sortir d’événements historiques douloureux, ne l’oublions pas. L’histoire n’est pas sans leçons.
Alors que l’observation de la conjoncture est une exhortation à changer de cap, vous vous contentez de reconduire la même politique de l’offre, selon une conditionnalité relative dans l’octroi de l’argent public, et c’est peu dire : elle est très forte pour les plus précaires, mais pratiquement absente pour les grandes entreprises.
Cette approche déconnectée de la réalité a favorisé le coup d’éclat de la droite, samedi dernier, sur l’âge de la retraite, confortant ainsi l’insécurité sociale.
Cette loi de finances pour 2021 doit être l’ébauche d’une nouvelle vision politique, celle d’une redistribution la plus juste et la plus équitable, celle qui répond aux vrais besoins.
Nous, sénatrices et sénateurs du groupe CRCE, ne voyons pas dans votre loi de perspectives durables qui nous permettraient d’être optimistes, dans le cadre d’un changement de paradigme pourtant nécessaire. C’est un budget semblable à celui de toutes les autres années, avec un déficit plus élevé et un recours à la dette plus important, voilà tout.
Il y a bien, dans cette loi de finances, des mesures d’urgence, mais l’urgence sociale vous échappe.
C’est le budget de l’état actuel du capitalisme, où prédominent la technocratie et le marché. Monsieur le ministre, vous avez dit à mon collègue Éric Bocquet que vous ne meniez pas une politique néolibérale. Vous n’êtes pas néolibéral, vous n’êtes pas ordolibéral, vous n’êtes pas ultralibéral… Mais qu’est-ce que vous êtes libéral, monsieur le ministre !