Intervention de Victorin Lurel

Réunion du 19 novembre 2020 à 14h30
Loi de finances pour 2021 — Discussion générale

Photo de Victorin LurelVictorin Lurel :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voilà donc à l’examen du projet de budget pour 2021. Que constatons-nous ?

Nous constatons que, en quelques mois, toutes les doctrines budgétaires ont volé en éclat ; que toutes les règles de limitation des dépenses publiques sont devenues obsolètes ; tous les verrous et carcans d’hier, qu’ils soient nationaux ou communautaires, ont sauté. Sous nos yeux et au gré des PLFR successifs, ce qui était jusqu’alors impossible est advenu, et même devenu vital.

En termes comptables, nous convenons naturellement que l’effort budgétaire consenti cette année et celui prévu pour l’an prochain sont très importants. Toutes les missions ou presque voient leurs crédits augmenter, et le plan de relance semble enfin s’engager.

Cet effort, ce déficit et cet endettement, l’Europe les comprend, la Cour des comptes les comprend, chacun de nous ici les comprend et, par endroits, les approuve. Mais, si nous les comprenons, souffrez aussi que nous émettions des doutes sur l’exécution de ce budget et sur la répartition de l’effort, donc sur son efficacité.

Depuis plusieurs semaines, nous constatons que votre équation budgétaire est mise à mal par nos voisins européens illibéraux, Hongrie, Pologne et désormais Slovénie, qui bloquent l’adoption du plan de relance européen.

Depuis plusieurs mois, nous vous mettons en garde contre les annonces tonitruantes : comment croire en effet que, au-delà des milliards annoncés, les crédits inscrits seront bel et bien consommés ? L’expérience vécue outre-mer nous apprend en effet à être méfiants.

Mes chers collègues, le budget d’une nation est bien plus qu’une addition arithmétique de milliards. Un budget, c’est un acte politique, la traduction d’une philosophie, d’une vision, année après année, de l’avenir d’une société.

Or, par-delà les montants exceptionnels qui sont présentés, ce que nous contestons fondamentalement dans ce budget, c’est bel et bien son orientation et sa philosophie.

Me revient, en cet instant, une phrase célèbre : « L’économie vulgaire […] se contente des apparences […] et se borne à élever pédantesquement en système et à proclamer comme vérités éternelles les illusions dont le bourgeois aime à peupler son monde à lui, le meilleur des mondes possibles », et ce parce qu’elle ne parvient pas ou renonce même à « pénétrer l’ensemble réel et intime des rapports de production dans la société. » Vous aurez trouvé de quel auteur il s’agit…

La philosophie que nous mettons en cause est bien celle du libéralisme à tous crins, du monétarisme et de l’inégalitarisme ; c’est cette croyance fétichiste dans la supériorité du marché qui est celle de l’individualisme possessif et gourmand.

Cette crise a mis à l’épreuve votre doxa ; cette crise était donc pour vous l’occasion de changer de paradigme et de trouver, en quelque sorte, votre chemin de Damas. Cette théologie du salut individualiste souffre d’une déficience épistémique dont, j’en suis sûr, vous avez parfaitement conscience.

Mais, malgré les démentis infligés à vos choix économiques et sociaux, vous persistez dans cette politique darwiniste qui centralise, qui fragilise, qui précarise.

Regardez la partie relative aux recettes : aucun effort demandé aux plus fortunés ; rien sur la fiscalité patrimoniale ou successorale ; rien pour faire face à la voracité des multinationales ; rien pour soutenir l’épargne populaire – je déposerai des amendements en ce sens ; si peu pour soulager nos collectivités locales ; quasiment rien pour la justice fiscale, donc.

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