Vous décidez, en revanche, une quasi-suppression des impôts de production. Cette suppression, le Medef la voulait, le Medef l’obtient et, ce matin même, Bruxelles la critique.
La soutenabilité financière des collectivités est donc de nouveau menacée ; leur autonomie fiscale est une fois encore mise à mal.
Bien que la dureté de la réalité sociale vous rattrape, vous restez figés et arc-boutés. Votre surmoi libéral est plus fort que la réalité des faits.
Les faits, c’est une augmentation de 9 % du nombre de bénéficiaires du RSA prévue l’an prochain ; les faits, c’est, sur le terrain, des associations de lutte contre la précarité en plein désarroi depuis la fin des contrats aidés ; les faits, c’est un marché du travail tellement précarisé depuis trois ans qu’il insécurise même ceux qui garderont leur emploi ; les faits, c’est l’hubris spéculative et prédatrice des sociétés d’investissement, qui échappent toujours à toute réglementation.
Non, vous ne partez pas de nulle part ; depuis 2017, votre politique est mue par l’idée selon laquelle les inégalités créent la croissance et les vices privés font la vertu publique, raison pour laquelle vous avez continuellement abaissé la fiscalité sur les plus riches ; raison pour laquelle vous avez continuellement privilégié les libertés économiques des plus forts aux solidarités sociales pourtant nécessaires.
Ce PLF continue ainsi d’être adossé à cette idée fixiste que seul le salut individuel peut sauver la France et les Français.
Regardez la partie relative aux dépenses : sur les 36 milliards d’euros inscrits en autorisations d’engagement au titre de la mission « Plan de relance », seuls 200 millions iront en direction des Français les plus modestes. Et ce ne sont pas les 700 millions d’euros annoncés au forceps et in extremis fin octobre qui changeront la donne. C’est purement indigent !
Nous sommes des parlementaires responsables. Nous sommes même des parlementaires inventifs et combatifs, qui persistons à vous démontrer que d’autres voies sont encore possibles.
Parce que cette crise touche d’abord les plus précaires, nous vous proposerons, au cours des débats, une véritable boîte à outils, exposée plus tôt par notre collègue Rémi Féraud.
Parce que nous croyons encore à la belle phrase dite par Lacordaire en 1844 : « Entre le faible et le fort, entre le pauvre et le riche, entre le maître et le serviteur, c’est la liberté qui opprime et c’est la loi qui affranchit. »
Nous le voyons, votre utopie libérale et individualiste s’est muée en dystopie sociale. Quel sera donc votre legs ?
Derrière ces milliards, fictifs ou tangibles, la question qui nous obsédera dès l’an prochain et pour cinquante ans encore est celle-ci : qui paiera en dernier ressort l’explosion de la dette ainsi créée ?
Nous vivons un impensé de la dette et restons dans l’orthodoxie la plus indigente. On prend avec condescendance l’idée de dettes perpétuelles ou de très long terme, ou celle d’une possible suppression des dettes souveraines. Le dogme de l’orthodoxie monétaire et bancaire étouffe et aveugle.
Vous évitez ainsi d’ouvrir tout débat relatif à un possible effacement partiel de la dette pour préserver, dites-vous, la crédibilité de la signature française. Cette inclination persistante est, je vous le dis, proprement irréaliste et idéologique.
Vous l’aurez compris, mes chers collègues, à l’aube de ce débat, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain ne désespère pas de corriger les biais inégalitaires, darwiniens et kafkaïens de ce PLF. Bon travail à tous !