Intervention de Jérôme Bascher

Réunion du 19 novembre 2020 à 14h30
Loi de finances pour 2021 — Discussion générale

Photo de Jérôme BascherJérôme Bascher :

… sur la forme comme sur le fond, sur le conjoncturel comme sur le structurel, sur l’économique comme sur le social, pour aujourd’hui et pour demain !

Je ferai quelques remarques de forme.

Première remarque, j’ai repris ma bible, la LOLF, qui précise dans son article 7, au sein du chapitre II du titre II, qu’« un programme regroupe les crédits destinés à mettre en œuvre une action ou un ensemble cohérent d’actions relevant d’un même ministère ». Force est de constater que votre mission « Plan de relance » et ses programmes ne répondent pas à cette exigence de la LOLF !

Le rapporteur général l’a évoqué, et il en fera la démonstration lors de l’examen de la mission, dans la mesure où les programmes de cette mission contiennent des crédits de rattrapage pour tous les ministères, j’estime, peut-être à tort, peut-être est-ce une mauvaise lecture de cette loi que je connais bien pour l’avoir mise en place, que cette mission n’est pas « lolfique ».

Deuxième remarque, on peut lire à l’article 32, au sein du chapitre Ier du titre III : « Les lois de finances présentent de façon sincère l’ensemble des ressources et des charges de l’État. Leur sincérité s’apprécie compte tenu des informations disponibles et des prévisions qui peuvent raisonnablement en découler. » Or, le rapporteur général et d’autres collègues, notamment Christine Lavarde, l’ont rappelé, ce budget n’est pas fondé sur des hypothèses macroéconomiques qui vont bien, excusez-moi du peu ! Comment pourrions-nous nous prononcer sur une baisse de 8, 6 milliards des impôts de production alors que les hypothèses de croissance sont absolument inconnues ? C’est pour moi une difficulté majeure.

Sur le fond, vous faites bien de réviser votre prévision de croissance. Je la trouve en effet encore très optimiste, avec les 6 % annoncés dorénavant. La situation du commerce extérieur ne va pas aller en s’améliorant, monsieur le ministre, car nos activités exportatrices sont au plus mal, qu’il s’agisse des produits agricoles – nous ne sommes quasiment plus en excédent – ou des avions, dont les ventes ne vont pas repartir à la hausse. Or c’était l’essentiel de nos exportations.

Certes, nos exportations d’armes augmentent, mais est-ce une bonne nouvelle ? Que je sache, le bruit du canon n’a jamais annoncé une amélioration de la croissance pour tous…

Alors, il y a l’investissement, mais vous le savez comme moi, monsieur le ministre, toutes les entreprises aujourd’hui bloquent leurs investissements. Les collectivités, qui ont des ressources en moins, ont elles aussi arrêté d’investir. Tout cela constitue un risque majeur. La consommation repartira, mais uniquement si vous rouvrez les commerces !

Votre plan de relance s’élève, ce qui n’est pas rien, à 36 milliards d’euros. Seules deux missions disposent à ce jour de davantage de moyens, mais avec de vrais crédits de dépense, elles ! Je ne parle pas des dégrèvements chers à Pascal Savoldelli, mais je parle de vraies dépenses. Ces crédits sont totalement à votre main, ce qui me paraît quelque peu bizarre.

Avec ces 36 milliards d’euros supplémentaires, les dépenses publiques représentent dorénavant 66 % du PIB. J’ai fait une plaisanterie en commission des finances, monsieur le ministre : à 66 % du PIB de dépenses publiques, on est dans un pays communiste !

Ce mot d’humour, mais qui ne me fait par rire, prouve que ce pays n’a pas réussi à réduire sa dépense publique auparavant, et que la politique des stabilisateurs automatiques n’est pas la bonne.

J’en veux pour preuve votre trajectoire de réduction des emplois publics. Vous aviez annoncé une baisse de 50 000, puis de 10 000 emplois. Finalement, ce sont vos chiffres, vous en êtes à 1 930 emplois de moins sur quatre ans. Vous êtes dans l’épaisseur du trait, pas dans la réforme structurelle !

Je ne critique pas les lois de finances rectificatives : nous les avons votées pour vous aider, monsieur le ministre, pour aider le Gouvernement et pour aider la France.

En revanche, je n’estime pas que le « quoi qu’il en coûte » et la valse des milliards, qui constituent dorénavant l’unité de compte du budget, soient de bons indicateurs pour les réformes à venir.

La dette, je l’ai entendu, sera remboursée par la croissance. Quel changement de paradigme, monsieur le ministre ! Le « nouveau monde » s’est transformé en destruction de la confiance ! On est passé d’un quinquennat de la croissance potentielle à celui de la décroissance réelle !

La faute à la covid-19, me répondrez-vous ? Non, docteur, dites trente-trois ! Trente-trois, c’est la somme de 11 % de chômage, de 11 % de déficit et de 11 % de récession !

Car, monsieur le ministre, la covid n’est pas seule en cause, vos absences de réformes structurelles sont aussi responsables de cet état de fait. Il fallait préparer une meilleure croissance potentielle. Dois-je rappeler que la croissance potentielle quand nous sortirons de la crise sera inférieure à celle de 2017 ?

Il fallait évidemment innover. Certes, vous avez déposé le projet de loi de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l’enseignement supérieur, sous l’impulsion du Sénat, qui avait demandé que l’on ramène à sept ans cette loi de programmation de la recherche. Ces crédits arriveront après 2022.

Vous n’avez rien fait pour la croissance potentielle en termes de politique familiale. Le rapporteur général avancera des propositions en ce sens. Vous n’avez rien fait non plus pour relocaliser nos entreprises. Ce sont les angles morts de votre politique. Rien en matière de politique industrielle ! Rien en matière de politique de natalité !

Le Président de la République avait clairement oublié les collectivités locales. Elles ont fait la preuve qu’elles étaient utiles lors du déconfinement. Un de vos prédécesseurs avait lancé le hashtag #BalanceTonMaire. Je ne lancerai pas, avec Pascal Savoldelli, #BalanceLeMaire, mais je lancerai plutôt, avec Emmanuel Macron, #LaFrancePlusFaible !

À la fin du quinquennat, croyez-moi, la France ira moins bien qu’avant, la France sera plus pauvre, les inégalités auront augmenté et les marges de manœuvre auront diminué en raison de la dette et de la baisse de la croissance potentielle. Nous avons déjà, dans ce budget, le bilan d’Emmanuel Macron : la France moins forte !

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