Intervention de Patrice Joly

Réunion du 19 novembre 2020 à 14h30
Loi de finances pour 2021 — Discussion générale

Photo de Patrice JolyPatrice Joly :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, face à la crise sanitaire, désormais également sociale et économique, qui ronge notre pays, ce projet de loi de finances pour 2021 était attendu, afin de permettre la relance de toutes les forces de la Nation et de redonner du souffle aux Français. Le compte n’y est malheureusement pas, mais les mécomptes y sont !

Combien de chiffres alarmants, monsieur le ministre, combien de rapports soulignant les effets inadaptés de vos mesures vous faudra-t-il encore pour changer de cap ?

Nous sommes face à un PLF sans grande surprise, dans la droite ligne – ou devrais-je plutôt dire dans la ligne de droite ? – d’une politique libérale plus ou moins assumée !

Vous faites preuve d’une confiance inébranlable dans la main invisible du marché et dans la politique de l’offre pour régler les problèmes, entre habituels cadeaux aux multinationales et aux plus riches, et renoncement à une vraie solidarité.

Le Gouvernement fait clairement le choix de poursuivre la réduction des impôts pour les grandes entreprises et les ménages les plus riches, alors même que les besoins en recettes seront essentiels pour renforcer les services publics et rembourser les dettes engendrées par la crise du coronavirus.

Le Gouvernement parie encore sur la croissance alors que celle-ci est affaiblie et qu’elle peinera à rebondir, conformément à ce que l’on constate depuis plus de cinquante ans. C’est un fait établi que vous devez prendre en compte dans vos prévisions. Il va falloir de nouveau questionner notre définition de la croissance : il y a urgence à le faire ! Dans un contexte où la croissance ne reviendra pas au niveau espéré, il nous faut trouver les moyens de satisfaire les besoins des Français de manière juste et équitable. Vous n’en prenez pas le chemin dans ce projet de budget !

Quelle stratégie guide votre nouvelle baisse massive des impôts pour les entreprises ? Pour quelle compétitivité et pour quels emplois prenez-vous de telles décisions ? C’est une politique qui essuie pourtant des échecs évidents. Je pense à Air France et à Renault, qui ont reçu des aides en début d’année et envisagent aujourd’hui des licenciements. J’aurais pu également citer Engie, Airbus et bien d’autres. Comment ne pas évoquer l’absence ou l’insuffisance de contreparties exigées pour ces entreprises dans le domaine social ou environnemental ?

En ce qui concerne la diminution des impôts sur les ménages, avec la suppression de la taxe d’habitation, les 20 % des contribuables les plus riches capteront 44 % de la baisse, soit quasiment 7 milliards d’euros. Je voudrais rappeler que la réforme de l’assurance chômage se traduit par 3, 4 milliards d’euros d’économie au détriment des chômeurs. C’est ce que l’on peut appeler le ruissellement à l’envers !

Toujours en matière de stratégie, je suis très étonné que l’on trouve dans la mission « Plan de relance » le programme 362, « Écologie », qui n’a rien à y faire. Tout d’abord parce qu’il ne produira que des effets limités en 2021 ; ensuite et surtout parce que la transition écologique est nécessairement un processus de long terme. Dès lors, il doit s’agir d’une mission structurante et non conjoncturelle.

Avant même un plan de relance, il aurait d’abord fallu un plan de soutien, car la crise sanitaire ne va pas se terminer le 31 décembre de cette année.

Un plan de soutien est nécessaire pour les entreprises qui sont au bord de la faillite. Je pense, en particulier, aux restaurants, aux bars, aux cafés, aux petits commerces et à bien d’autres, qui risquent de ne pas bénéficier du plan de relance tout simplement parce qu’ils n’existeront plus.

Il faudrait aussi prévoir un plan de soutien pour les plus fragiles de nos concitoyens. Cette crise sanitaire se traduit d’ores et déjà par l’augmentation sans précédent du nombre de chômeurs et d’allocataires du RSA, par la multiplication d’entrepreneurs de TPE et de PME au bord du gouffre, et par le basculement de nombreuses personnes dans la pauvreté.

Ces derniers mois, le nombre de bénéficiaires de l’aide alimentaire a augmenté d’environ 30 %, voire de plus de 45 % dans certains départements. Où sont les crédits ouverts au bon niveau pour les plus démunis dans ce PLF ?

À côté d’une politique de soutien que nous appelons de nos vœux, vous l’aurez compris, l’efficacité d’une véritable relance doit passer par les territoires, tous les territoires, en particulier par ceux que je connais le mieux, à savoir les territoires ruraux, en nous appuyant notamment sur les collectivités locales. Les territoires ruraux offrent un potentiel, économique, social, humain : cette prise de conscience était en train d’émerger et leur reconnaissance a été confortée par la crise.

Malgré cela, vous continuez à vous attaquer à l’autonomie financière et fiscale des collectivités. Cette année, en raison de la pandémie, les collectivités locales devraient enregistrer des pertes financières nettes de l’ordre de 3 milliards d’euros, en l’absence de compensation suffisante de la part de l’État.

À cela s’ajoute le mécanisme de bascule des impôts de production, prélevés sur les entreprises au niveau local, vers des impôts sur la consommation prélevés, notamment sur les ménages, au niveau national. Les collectivités territoriales perdent ainsi la main sur une part importante de leurs recettes, qui leur garantissaient une véritable capacité d’action et surtout leur assuraient un lien direct avec leurs citoyens, électeurs et contribuables.

Je suis de ceux qui pensent que, au contraire de ce qui a été décidé, les collectivités doivent conserver leurs capacités financières, compte tenu de leur rôle d’investisseur public.

Vous l’aurez compris, le groupe que je représente estime que votre PLF manque d’une stratégie renouvelée sur l’évolution à long terme de la société française que cette crise impose. Pour demain, quel tournant écologique, quel plein emploi, quelle souveraineté alimentaire, quelle souveraineté industrielle, quelle souveraineté technologique, quelles justices fiscale et sociale ? Autant de réponses à ces questions que nous ne percevons pas !

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