Intervention de Jean-Marie Mizzon

Réunion du 19 novembre 2020 à 14h30
Loi de finances pour 2021 — Article 31 et participation de la france au budget de l'union européenne

Photo de Jean-Marie MizzonJean-Marie Mizzon :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous allons désormais procéder à l’examen de l’article 31 du projet de loi de finances pour 2021, relatif à la participation de la France au budget de l’Union européenne.

Au préalable, il est nécessaire de rappeler que notre contribution dépend directement de l’issue des négociations du prochain cadre financier pluriannuel (CFP).

Après deux ans de négociations houleuses, les États membres ont trouvé un accord sur le budget pluriannuel de l’Union européenne lors du Conseil européen qui s’est tenu du 17 juillet au 21 juillet dernier. Cet accord a été obtenu dans un contexte de fortes attentes des citoyens européens sur la réponse à apporter à la crise.

Dans cette perspective, l’accord de juillet constitue un tournant budgétaire et politique majeur. Il définit un CFP dit « socle », s’élevant à 1 074 milliards d’euros en crédits d’engagement, complété par un instrument de relance de 750 milliards d’euros. Le Parlement européen a négocié une hausse de 16 milliards d’euros du CFP. Cette somme qui devrait être ciblée sur les éléments jugés prioritaires par le Parlement européen, comme Erasmus ou les programmes relatifs à la santé.

L’articulation entre le CFP socle et cet instrument de relance retient un schéma inédit, avec, pour le second, un financement assuré par des ressources levées sur les marchés financiers par la Commission européenne, au nom de l’ensemble des États membres.

Toutefois, la commission des finances estime que des interrogations subsistent sur la mise en œuvre du nouveau CFP et du plan de relance.

La première, et non des moindres, tient au veto opposé par la Hongrie et la Pologne, rejointes hier par la Slovénie, sur le mécanisme de conditionnalité des fonds européens. Il met en péril l’adoption pour le 1er janvier du nouveau CFP et du plan de relance européen. Après qu’un accord a été arraché au mois de juillet et que des ajustements de compromis ont été négociés avec le Parlement européen, voilà le plan de relance suspendu à un désaccord politique qui préexistait à la crise sanitaire…

Monsieur le secrétaire d’État, depuis le début des négociations en 2018, le Sénat n’a eu de cesse d’alerter sur les risques d’un éventuel retard de celles-ci, retard qui serait très préjudiciable pour les porteurs de projets locaux, en particulier dans le domaine de la politique de cohésion. Cette crainte devient aujourd’hui une véritable angoisse, alors que le calendrier paraît plus contraint que jamais.

Un déblocage de la situation vous semble-t-il possible dans les prochaines semaines ? Quelles seront les conséquences d’un échec sur le projet de budget pour 2021, première année du nouveau CFP ?

La deuxième interrogation concerne la gouvernance et le décaissement des crédits de la facilité. La procédure de décaissement est guidée par le souci de garantir que les sommes issues de l’endettement commun sont utilisées à bon escient, mais force est de constater qu’elle est complexe et longue. Dans ces conditions, il paraît évident que les plans de relance nationaux restent en première ligne pour assurer le soutien à la reprise économique. Il faut être transparent : le plan de relance européen constitue bien un remboursement a posteriori des dépenses engagées par les États membres dans leur plan de relance national.

La commission des finances a exprimé des inquiétudes quant au coût in fine du plan de relance pour la France. En effet, en l’absence de nouvelles ressources propres, le remboursement sera assuré par les États membres en fonction de part dans le revenu national brut de l’Union européenne. Pour la France, le remboursement du plan de relance européen pourrait s’élever à 2, 5 milliards d’euros par an.

Certes, le Conseil européen a fait de l’introduction de nouvelles ressources propres une priorité. Toutefois, la tâche reste immense pour aplanir les désaccords entre les États membres en la matière. Alors que le Parlement européen estime que le calendrier de la mise en place de nouvelles ressources propres est « juridiquement contraignant », le Conseil considère qu’il s’agit d’une simple feuille de route, témoignant ainsi du caractère sensible du sujet. En tout état de cause, il faudra être particulièrement vigilant pour que ces nouvelles ressources propres ne soient pas vécues comme la création d’un impôt supplémentaire par nos concitoyens.

Dans ce contexte, l’évaluation du montant de la contribution de la France au budget de l’Union européenne pour 2021 constitue un exercice de haute voltige.

Pour l’année prochaine, l’article 31 du projet de loi de finances évalue à 26, 9 milliards d’euros le montant de ce prélèvement, soit une hausse de 13 % par rapport à 2020.

L’évaluation de ce montant est très incertaine cette année. Les perspectives économiques dégradées rendent les ressources propres de l’Union européenne volatiles, sans compter que le règlement sur le CFP n’a pas encore été formellement adopté.

Certes, une part significative de la hausse de ce montant s’explique par le retrait du Royaume-Uni du budget européen. Mais il convient de rappeler que l’accord du mois de juillet dernier a modifié les règles de calcul des contributions nationales. Cela se traduit par un ressaut de 700 millions d’euros pour la France en 2021. À cet égard, l’accord de juillet a entériné un renoncement de la France sur la question des rabais. Si le coût budgétaire aurait pu être mieux maîtrisé, il est certain que le coût politique d’une absence d’accord aurait été beaucoup plus élevé. En outre, la France a tout de même réussi à faire prévaloir certaines de ses positions sur le plan des dépenses, notamment en matière de politique agricole commune.

Sous réserve de ces différentes observations, je recommande, au nom de la commission des finances, d’adopter sans modification l’article 31 du projet de loi de finances pour 2021.

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