Intervention de Patrice Joly

Réunion du 19 novembre 2020 à 14h30
Loi de finances pour 2021 — Article 31 et participation de la france au budget de l'union européenne

Photo de Patrice JolyPatrice Joly :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, avec une contribution annuelle de la France passant de 21, 5 milliards d’euros à 26, 9 milliards d’euros, nous sommes à un tournant dans l’effort financier de notre pays au budget de l’Union européenne.

Plusieurs raisons expliquent cette forte augmentation : d’abord, le ressaut de la consommation des crédits en dernière année du cadre financier 2014-2020, selon un classique effet de rattrapage ; ensuite, la compensation du départ du Royaume-Uni, qui représente pour la France 2, 7 milliards d’euros ; enfin, les conséquences de la crise économique liée à la pandémie, pour 1, 6 milliard d’euros.

En parallèle, nous nous trouvons à un tournant s’agissant du budget européen lui-même, avec le plan de relance européen, d’un montant de 750 milliards d’euros pour les trois années à venir, financé essentiellement par emprunt sur les marchés financiers.

D’une part, au regard des problématiques du financement de ce plan, on ne peut que s’étonner que les négociations du Conseil européen n’aient pas sonné le glas des rabais sur la contribution au budget européen. Ceux-ci permettent à certains pays de payer moins qu’ils ne devraient. Bien au contraire, pour satisfaire aux exigences des pays dits frugaux, qui – je le rappelle – ne représentent que 10 % de la population européenne, le Président de la République et la chancelière allemande ont accepté que ces rabais soient maintenus pour l’Allemagne et même fortement augmentés pour le Danemark, les Pays-Bas, l’Autriche et la Suède. Quel mauvais signal pour la solidarité en Europe, d’autant qu’il s’agit des pays les plus riches !

D’autre part, nous arrivons clairement aux limites d’un système : la question des ressources propres devient pressante pour permettre à l’Europe d’affronter les défis qui sont devant elle et assurer le remboursement de l’emprunt européen, principale source de financement du plan de relance. Il est désormais nécessaire de bâtir une véritable fiscalité européenne ! C’est aussi un enjeu de souveraineté.

Pourquoi ne pas mettre en œuvre immédiatement la taxation des géants du net qui ne paient pas d’impôt en Europe alors qu’ils réalisent la majeure partie de leurs profits sur le territoire européen ? Pourquoi pas une taxe sur les transactions financières, qui permettrait aussi de protéger notre système financier ? Ou une taxe carbone à nos frontières communes pour protéger nos productions ? Certes, les chefs d’État et de gouvernement s’y sont engagés lors du Conseil européen du 21 juillet dernier. Mais nous avons besoin de gages sur la rapidité de mise en œuvre.

À ce sujet, nous aurons l’occasion de relayer nos attentes et celles du Parlement européen prochainement, lorsque nous délibérerons pour autoriser la Commission européenne à emprunter au nom de l’Union européenne. Monsieur le secrétaire d’État, vous pouvez compter sur nous : nous serons au rendez-vous ! Mais il vous appartient aussi d’agir de votre côté lors du prochain Conseil européen.

Cela étant, l’accord obtenu la semaine dernière sur le futur cadre financier pluriannuel est le bienvenu. Nous saluons tout particulièrement le Parlement européen, qui a su trouver la voie pour obtenir un rééquilibrage du financement de programmes européens alors que le compromis entre les États membres avait été annoncé comme bouclé.

Je me félicite spécialement des avancées obtenues par mes collègues sociaux-démocrates du Parlement européen, qui ont pesé de tout leur poids pour rééquilibrer ce compromis en faveur des priorités de nos concitoyens : la santé, le climat, la jeunesse et la culture.

Pourtant, des inquiétudes et des interrogations demeurent.

Les États membres ont procédé à des coupes massives dans tous les programmes européens stratégiques, dans le cadre du budget européen comme du plan de relance adossé. Les exemples ne manquent malheureusement pas, dans le domaine de l’industrie, avec la suppression de l’instrument de solvabilité destiné aux entreprises fragilisées pour leur permettre de se relever et éviter leur rachat par des concurrents de pays tiers, ou dans les domaines de la recherche et de l’innovation, de la santé et de l’environnement.

Même une part du programme InvestEU, pourtant destiné à attirer les investissements privés traditionnels sur garantie publique européenne en direction des infrastructures dites durables et de la numérisation, de la santé, des PME et du secteur social, a été finalement supprimée par les États membres le 4 novembre dernier.

Comment ne pas évoquer aussi la ruralité, alors que les crédits pour le développement rural sont en forte régression ? C’est ne pas comprendre que la relance de l’Europe passe aussi par ces territoires, qui disposent d’un potentiel pour répondre aux défis auxquels nous sommes confrontés en termes d’environnement, de santé et d’économie, entre autres.

De même, nous devons rester vigilants sur la progression de l’enveloppe consacrée à la politique agricole commune, qui, malgré le maintien de ses crédits, un moment menacés, ne satisfait complètement ni les agriculteurs, ni les organisations environnementales, ni les citoyens.

Par ailleurs, nous devons continuer à lutter contre la sous-exécution chronique des crédits de cohésion. Elle représente près de deux années budgétaires de l’Union européenne ! La Cour des comptes européenne s’en est même inquiétée.

Notre vigilance doit porter également sur l’articulation complexe des huit fonds de cohésion, dont les financements constituent potentiellement une contribution réelle à la relance de l’économie européenne, à la solidarité et à la cohésion sociale. Ces fonds seront mis à la disposition des États membres au plus tôt au mois de juillet prochain, ce qui les obligera à alourdir leur déficit entre-temps.

Il faut aussi s’inquiéter de la prise en otage par la Pologne et la Hongrie, rejointes par la Slovénie, de la finalisation des accords sur le cadre financier pluriannuel et le plan de relance européens. Il est essentiel et urgent de désamorcer leur veto, lié à la conditionnalité de l’accès aux fonds européens à l’État de droit, afin de combler le retard déjà pris pour la mise en œuvre du plan de relance.

Sous ces réserves, nous voterons l’article 31, relatif au prélèvement sur recettes en faveur de l’Union européenne. Il est urgent que les négociations financières s’achèvent, pour permettre à l’Europe de relever les défis des prochaines années !

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