Intervention de Jacques Fernique

Réunion du 19 novembre 2020 à 14h30
Loi de finances pour 2021 — Article 31 et participation de la france au budget de l'union européenne

Photo de Jacques FerniqueJacques Fernique :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, rappelons-nous un instant où nous en étions encore tout récemment : avec le Brexit, au plus fort de la crise sanitaire, on a pu penser que c’était fichu, que la désunion européenne était engagée. Mesurons à cette aune le chemin parcouru ces derniers mois, qui ont été intenses pour les acteurs du projet européen.

Aujourd’hui, nous sommes face à une nouvelle donne : accroissement possible de la solidarité européenne ; affichage clair d’un large effort de relance ; et, je l’espère, concrétisation, impérieuse, de nos engagements climatiques.

Le prélèvement sur recettes que nous examinons pourrait passer pour la validation d’un simple chiffre, une information annuelle au Parlement sur l’estimation du montant dû par notre pays. L’article 31, c’est sobre, sec et précis : trois lignes pour 26, 9 milliards d’euros. Pour nous, c’est un petit bout de soirée de débat.

Or je crois que c’est bien plus que cela. Cette année, ce prélèvement est éloquent. Il concrétise l’accroissement de la solidarité européenne et la feuille de route de l’Union européenne pour relancer ses économies et réaliser l’indispensable transition écologique.

Ne débordons pas d’optimisme pour autant : on a avancé, mais ce n’est pas gagné. Les forces de fragmentation, les replis à courte vue font et feront encore des dégâts. Les mécanismes unanimitaires et les conditions de négociation interinstitutionnelle facilitent, on le sait, les blocages et les chantages.

Les dirigeants actuels de la Hongrie, de la Pologne et de la Slovénie risquent fort de nous ramener à la vieille recette des compromis paralysants. La frugalité dont se targuent certains est une façon élégante de désigner une pingrerie totalement inopportune face à l’importance des enjeux. Et que dire de ces fameux rabais des années 1980, qui survivent à leur disparition formelle, maintes fois annoncée ? Le prix à payer pour cet accord à vingt-sept n’est pas toujours bien reluisant, et l’intérêt budgétaire de la France a dû y laisser quelques plumes.

Monsieur le secrétaire d’État, ne cédez pas plus, ne cédez pas trop ; ne perdons pas l’essentiel dans cette phase délicate. Un accord prometteur a été trouvé avec le Parlement européen : il s’agit de tenir pour que ces promesses se concrétisent. Tenir, c’est avancer résolument sur les ressources propres : calendrier rapide à respecter et niveaux visés à maintenir.

Le choix de l’endettement commun est celui d’un dessein partagé. C’est aussi l’obligation collective de dégager des ressources nouvelles et de modifier rapidement la donne budgétaire d’une Union européenne, où, soixante-trois ans après le traité de Rome, chacun pour soi fait encore le solde de ce qu’il verse et ce qu’il récupère, dans un calcul toujours faussé.

Le chantier des ressources propres, c’est la seule et la bonne manière de casser ces logiques de copropriétaires crispés, « assis, genoux aux dents », comme dans le poème de Rimbaud !

Ces ressources propres seraient inopérantes si elles devaient être instaurées au rabais. Si la taxe plastique qui vient d’être mise en place est positive, elle n’est pas pour autant le modèle précurseur. D’ailleurs, il s’agit non pas d’une taxe, mais une nouvelle modalité de calcul des contributions nationales.

Nous avons besoin de passer à tout autre chose : mécanisme carbone aux frontières, taxe sur les géants du numérique. Autant de leviers qui doivent faire bouger sérieusement les lignes des transitions nécessaires ! Il s’agit de faire en sorte que ceux qui tirent le plus de profits du marché européen contribuent à leur juste part à la chose publique et au bien commun. En clair, une taxe sur les transactions financières doit viser cinquante milliards d’euros à soixante milliards d’euros, pas six ou sept !

Les ressources propres peuvent être des moyens d’hâter la transition écologique et d’entraîner nos partenaires extérieurs dans ce mouvement. C’est la même logique qui doit de plus en plus présider à nos relations commerciales et aux accords commerciaux. Les accords de libre-échange sont désastreux s’ils ne s’inscrivent pas dans le respect des objectifs climatiques et de la trajectoire de l’accord de Paris !

Vous l’avez compris, le groupe écologiste votera cette contribution à l’effort européen. Vous pouvez compter sur son exigence pour que cette feuille de route, à la hauteur de la volonté du Parlement européen, tienne effectivement ses promesses !

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