Intervention de Laurence Cohen

Commission des affaires sociales — Réunion du 2 décembre 2021 à 9h30
Proposition de loi portant création d'un pôle public du médicament et des produits médicaux — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de Laurence CohenLaurence Cohen, rapporteure :

Pour s'approvisionner en matières premières, le pôle public pourra passer des contrats, dans le cadre de marchés publics, avec des fournisseurs certifiés par les autorités de sécurité sanitaire. Il faut se départir de l'image d'une grande usine étatique toute puissante. Notre proposition de loi vise à ce que la puissance publique puisse piloter certaines structures existantes, non les remplacer. Il ne s'agit pas de supprimer ce qui fonctionne, mais de corriger les dysfonctionnements. L'État ne dispose pas à l'heure actuelle - on le voit avec la pandémie - des outils nécessaires pour garantir sa souveraineté. Il convient donc de le doter des moyens pour assurer un pilotage public effectif. J'ai cité dans mon propos introductif certains exemples, mais mon rapport en contient d'autres. Les cas de la Suisse ou du Brésil sont éclairants et nous fournissent des pistes pour construire un pôle public et retrouver notre souveraineté en la matière.

Le comité de pilotage instauré en 2019 est d'abord une instance de réflexion et de concertation entre les acteurs publics et privés. Le pôle public, lui, constituera un levier opérationnel de mise en oeuvre d'une stratégie concertée. Il élaborera un plan d'action à cette fin. Il est vrai que ses missions pourront chevaucher celles de l'ANSM : il appartiendra au décret d'application de préciser leurs missions pour garantir leur complémentarité.

Mme Poumirol a raison, une action au niveau européen est nécessaire. Notre proposition de loi s'inscrit toutefois dans le contexte d'une niche parlementaire et est donc nécessairement modeste. Elle reprend des idées que notre groupe porte depuis longtemps, mais nous ne pouvions pas être exhaustifs en cinq articles. L'idéal serait évidemment que tous les pays européens mettent en place de tels pôles publics et qu'ils s'articulent au niveau européen. On voit bien, avec la crise, que c'est un peu le « chacun pour soi » qui prévaut. Je suis inquiète quand je vois ce qui se passe avec les vaccins : c'est la course à l'échalote, chaque pays précommande des doses, sans concertation avec les autres. Pourtant, on n'arrivera pas à venir à bout de cette épidémie si on ne collabore pas à l'échelle mondiale.

Les pénuries ou les tensions d'approvisionnement peuvent provenir de l'amont, la production, comme de l'aval, la distribution. Il faut donc imposer aux laboratoires d'allouer un stock minimal aux répartiteurs. Actuellement, les exigences posées ne permettent pas toujours d'alimenter toutes les officines.

Encore une fois, le pôle public que nous proposons n'est pas une super-usine : il aura pour mission d'assurer l'approvisionnement d'un nombre limité de médicaments essentiels, dans le cadre d'une stratégie bien établie. Nous avions déjà fait cette proposition à Mme Touraine, puis à Mme Buzyn, en vain ! On s'inspire un petit peu, en l'élargissant, de ce que font déjà, à une plus petite échelle, l'AP-HP ou la pharmacie des armées. Le pôle public ne pourra pas tout régler. La complémentarité avec les autres acteurs sera fondamentale. Pour financer ce pôle, nous proposons de mettre à contribution les grands laboratoires en portant la taxe sur le chiffre d'affaires de 0,17 % à 1 %, mais j'observe que le PLFSS prévoit déjà de la relever à 0,18 %, ce qui me semble insuffisant. Cette hausse devrait rapporter quelques centaines de millions d'euros, mais je vous communiquerai un chiffre plus précis lors de l'examen en séance.

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