Ce rapport a le mérite de mettre les pieds dans le plat sur un sujet central qui nous préoccupe tous. Je rappelle que le médicament représente 16 % du PLFSS, une dépense entre 30 et 35 milliards d'euros, ce qui n'est pas anodin.
Je me permettrai toutefois quelques remarques. Vous évoquez le service des armées ; mais celui-ci sait commander : la preuve en est qu'il n'a jamais démenti avoir commandé de l'hydroxychloroquine pour protéger les militaires !
Il faut souligner aussi notre talent pour détruire les laboratoires installés en France - je pense à Boiron - car on limite le remboursement de l'homéopathie ; cela prouve bien qu'on préfère la chimie aux produits naturels. Je pourrais citer aussi le cas d'Ipsen.
Nous avions, avec Alain Milon, défendu un amendement, pour que la discussion entre le CEPS et les laboratoires prenne en compte les investissements et les installations en Europe. Mais ces discussions ne suffisent pas : elles sont très complexes et, finalement, la loi du marché s'impose. Le problème est que les laboratoires sont souvent des multinationales : pour obtenir des financements, ils s'adressent à d'autres pays, aux États-Unis par exemple, et compte tenu de la complexité de notre système, les investissements vont ailleurs. En France, on sait trouver les molécules en recherche fondamentale, mais on ne sait pas développer la recherche appliquée nécessaire pour développer de nouveaux médicaments : ceux-ci sont alors développés ailleurs et on doit ensuite les racheter très cher.
Alors que faire ? La création d'un pôle public est une solution, mais peut-être pas dans l'immédiat. On peut aussi essayer d'améliorer notre dispositif existant. Ce que l'on constate aujourd'hui dans le domaine des médicaments est la conséquence de la révolution des génériques, qui ont fait baisser les prix. La stratégie des laboratoires n'a sans doute pas été la bonne. Face à la concurrence de l'amoxicilline générique, le laboratoire a baissé le prix du clamoxyl® à tel point qu'il était devenu moins cher que les génériques ! Il s'agissait de faire en sorte de reconquérir la place du clamoxyl®, mais cette stratégie tirait tout le monde vers le bas, et on en voit les conséquences.
La question des médicaments dérivés du sang est spécifique et mériterait d'être creusée, car il y a des problèmes au niveau de l'établissement français du sang (EFS). Il conviendrait de revoir la stratégie pour ces produits.
Les dispositifs médicaux ne relèvent pas non plus de la même approche. Attention à ne pas faire fuir les chercheurs dans un domaine où la France est en bonne place, comme pour les valves cardiaques : veillons en tout cas à ne pas reproduire la même erreur qu'avec les génériques.
Quant à la question d'un observatoire citoyen des dispositifs médicaux, j'avoue qu'avec la crise je suis devenu beaucoup plus favorable à la démocratie sanitaire, mais avant de vouloir la refonder, essayons d'abord de faire fonctionner les structures qui existent : si on avait utilisé les outils de démocratie sanitaire qui sont installés au niveau territorial auprès des agences régionales de santé (ARS), on aurait pu traiter les problèmes plus en amont. Mais en période de crise, on ne le fait pas, car on n'a pas le temps de se réunir...