Votre proposition de loi est courageuse et fait honneur à vos convictions. Les ruptures de stock de médicaments n'ont jamais été aussi nombreuses, et sont insupportables pour les patients et les professionnels de santé. Ce problème renvoie à un enjeu de relocalisation de la production en France ou en Europe. Si l'installation de nouvelles usines de productions chimiques en France peut sembler délicate en raison des risques et du sentiment de l'opinion, car il s'agit d'établissements Seveso, on ne doit malgré tout pas s'interdire d'étudier les moyens d'augmenter la production des sites industriels pharmaceutiques existants pour réduire notre dépendance, qui s'est accrue en dix ans, à l'égard des principes actifs fabriqués à l'étranger, notamment en Asie.
Tout cela nous renvoie au positionnement de l'État. Depuis 35 ans, tous les gouvernements réduisent les crédits alloués au médicament sous la forme de mesures d'économie figurant au PLFSS. Le médicament a été, avec l'hôpital, l'une des deux variables d'ajustement du PLFSS : alors qu'il ne pèse que 16,5 % du budget de la sécurité sociale - je n'inclus pas le budget 2021, qui est atypique - il contribuait, jusqu'à l'année dernière encore, à 50 % des économies au titre de l'objectif national des dépenses d'assurance maladie (Ondam).
De la même manière, depuis plus de dix ans, l'assurance maladie a mis en place des quotas de médicaments. Si l'engagement de remboursement de l'assurance maladie pour un médicament donné est dépassé, le médicament n'est plus remboursé le reste de l'année. Les quotas concernaient au départ 400 références, contre 720 aujourd'hui.
Ce sujet nous amène aussi aux vaccins, et à ce titre, je me demande quelle sera la position du Gouvernement concernant le vaccin contre la grippe saisonnière pour l'année prochaine. Au mois de juin déjà, nous savions qu'il allait manquer deux millions de doses cette année. Il y a une volonté de vacciner plus de concitoyens contre la grippe saisonnière, mais nous n'y mettons pas les moyens en demandant aux industriels de fabriquer plus de vaccins. Quelle sera l'attitude du Gouvernement, en janvier 2021, face aux industriels qui produisent ces vaccins, pour que l'on ne se retrouve pas à l'hiver prochain dans la situation que nous avons connue cette année ?
Un programme public pour des médicaments qui sont en arrêt de commercialisation paraît facile à envisager. En revanche, comment aborder la question pour les médicaments en rupture d'approvisionnement ? Comment anticiper ces ruptures ? Certes, les laboratoires ont l'obligation légale de déclarer les risques de rupture, mais comment un pôle public du médicament pourrait-il avoir la réactivité suffisante pour corriger ce risque ? Nous sommes en effet dépendants des déclarations des entreprises, avec toujours un petit temps de retard. Comment le pôle public pendrait-il concrètement la main ? Cela veut-il dire qu'on réduirait ce pôle public à des médicaments dits « matures », c'est-à-dire peu chers et qui n'intéressent plus les industriels ?
Enfin, je reste sur ma faim concernant l'appréciation du coût de ce pôle public du médicament. La taxe que vous proposez suffira-t-elle à en assurer le financement ?