Intervention de Laurence Cohen

Commission des affaires sociales — Réunion du 2 décembre 2021 à 9h30
Proposition de loi portant création d'un pôle public du médicament et des produits médicaux — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de Laurence CohenLaurence Cohen, rapporteure :

La LFSS pour 2020 prévoit quatre mois de stockage, mais ce délai est finalement passé à deux mois pour les médicaments d'intérêt thérapeutique majeur, et à un mois pour les autres. Il y a également une liste de dérogations en préparation, dont on ne connaît pas encore vraiment les contours. Le vrai problème à mes yeux est que les sanctions qui pourraient être infligées par l'ANSM sont très peu dissuasives et rarement appliquées. Des outils sont donc disponibles. Au niveau de notre groupe, par exemple, nous essayons plutôt de récompenser les entreprises vertueuses. Mais les sanctions restent tellement peu dissuasives que cela ne fonctionne pas ! En dix ans, un laboratoire comme Pfizer a fait environ 377 milliards d'euros de profits. Une taxe de 1 % qui frapperait le chiffre d'affaires, resterait donc modeste pour ce laboratoire...

Lorsque j'étais membre de la mission d'information sur la pénurie de médicaments, j'avais avancé la proposition de mettre à contribution la pharmacie centrale des armées, et j'ai été très heureuse de la retrouver parmi les recommandations du rapport. Cette idée de mobiliser la PCA et l'AGEPS a précédé celle de la création d'un pôle public en tant que tel, qui suscitait, je le sentais, des réticences du Gouvernement, tant sous les mandats de François Hollande que d'Emmanuel Macron. Mais, lorsque nous l'avons entendue en audition, la PCA nous a fait comprendre qu'elle n'y tenait pas du tout. En effet, elle a déjà pour mission de répondre aux besoins de l'armée et aux risques que prennent les soldats. L'AGEPS, quant à elle, trouve l'idée intéressante, mais reste une petite structure. Il faut donc une véritable volonté politique, ainsi que des moyens humains et financiers suffisants.

J'entendais à la radio un spécialiste expliquer que, curieusement, les Français étaient de très grands consommateurs de médicaments, mais qu'ils avaient une grande défiance envers les vaccins. Or, en réalité, il n'y a jamais de risque zéro ! Sur cette question des vaccins, il nous faut donc être très attentifs en tant que parlementaires, car les choses vont très vite. Plusieurs vaccins contre la covid sont déjà sortis. Il faut que nous apportions une garantie de transparence et de sécurité sur les nouveaux vaccins.

Je salue votre intervention, Monsieur Savary, car je trouve entre nous des convergences qu'il n'y avait pas auparavant. Sur le problème des génériques, vous avez raison : nous n'avons pas réussi à préciser, lors des auditions, ce qui, au sein du modèle économique des industries pharmaceutiques, relève de l'effet prix et de l'effet volume. Il y a aussi un effet volume pour les médicaments génériques à bas prix, qui sont largement consommés dans nos pays, mais nous n'avons pas d'éléments de chiffrage précis. Il faut donc effectivement creuser ce point. Toutefois, je doute franchement que les grandes entreprises acceptent de produire à perte des médicaments. Le cas de l'amoxicilline est un bon exemple des stratégies qui tirent vers le bas. Aujourd'hui, il n'existe plus que trois fournisseurs du principe actif dans le monde et un seul accident sur la chaîne entraîne de fortes conséquences.

Effectivement, la contribution du médicament à la maîtrise des dépenses de santé est importante. Concernant les anticipations du risque de pénurie, il est évident que le pôle public ne pourra pas répondre à tout du jour au lendemain. L'ambition n'est pas de se limiter à des médicaments anciens. Il faut imaginer une anticipation nécessaire d'au moins dix-huit mois, avec un travail de suivi et d'actualisation par rapport à la réalité de la situation. En tout cas, il faut aller dans ce sens, et certains exemples dans le monde démontrent que cela est possible. Pour être réactifs, il faut aussi avoir une revue extrêmement précise des capacités de production de médicaments et de principes actifs sur le territoire. Lors des différentes auditions, nous avons pu constater que nous ne maîtrisions pas un certain nombre d'éléments. Il est donc important d'avoir cette transparence sur les données.

La taxe de 1 % contribuera au financement du pôle public. Je ne sais pas si elle sera suffisante. En tout cas, c'est un premier pas. Mon groupe et moi-même sommes de toute façon les premiers à déplorer l'insuffisance de la fiscalité pour les grands groupes multinationaux et pharmaceutiques.

Nous ne visons pas une substitution du public aux capacités de production du privé. On peut penser conclure des contrats de sous-traitance, notamment pour la production de molécules essentielles. Nous avons des exemples, notamment en Suisse, de contrats de garantie passés avec la pharmacie de l'armée. Nous devons nous inspirer de ce genre d'expériences pour monter notre pôle public. Comme je l'ai évoqué, nous devons aussi prendre pour point d'appui ce que fait l'AGEPS, qui approvisionne les hôpitaux de l'AP-HP.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion