candidat proposé par le président du Sénat pour siéger, en tant que personnalité qualifiée, au Conseil supérieur de la magistrature. - Je vous remercie de m'accueillir au sein de votre commission pour cette audition, et je remercie également le président Larcher de m'avoir fait confiance. J'ai bien conscience de la lourde tâche à laquelle vous pourriez me destiner. Je n'avais pas anticipé cette désignation ; j'y suis malgré tout prêt, cette nomination constituant en quelque sorte un prolongement de mes activités à la fois comme auxiliaire de justice - même si l'activité que j'exerce depuis quelques années ne me permet pas de visiter les nouveaux locaux du tribunal judiciaire de Paris - et comme universitaire.
Depuis presque quarante ans, je lis et commente des jugements, et je côtoie les membres de la magistrature. Mon intérêt pour le corps des magistrats et les missions de la justice est allé croissant avec l'âge ou avec l'expérience. Vous avez rappelé mon curriculum vitae, mais je suis ici en tant que personnalité extérieure, avec le désir d'aider en tant que citoyen à mieux faire accepter et comprendre par nos concitoyens l'autorité particulière de la justice. Cette tâche me tient particulièrement à coeur. Cette mission, je ne la mènerai pas seul, puisque je serai, si vous me désignez à l'issue de cette audition, l'un des 22 membres du CSM, mais soyez assurés que je la remplirai en toute conscience et, surtout, en toute indépendance.
Je veux dire quelques mots au sujet de l'indépendance. J'ai la chance, de par mon statut d'universitaire, d'être indépendant y compris à l'égard des magistrats. Nous sommes habitués à supporter des pressions, qu'elles soient externes ou internes. Je serai le garant de l'indépendance, dans un cadre évidemment plus complexe, des magistrats, et serai très vigilant, comme je l'ai été tout au long de ma carrière, à ne pas être motivé par des sentiments qui me feraient perdre de vue cet objectif.
Vous avez rappelé, monsieur le président, mon attachement à tout ce qui relève de la déontologie et de l'éthique. J'ai mis en oeuvre ces exigences dans d'autres sphères que celle de la magistrature. J'ai été surpris de constater que celles-ci devenaient désormais plus « explicites ». Il a fallu attendre 2016 pour qu'un comité ad hoc soit créé, presque 40 ans après le statut de la magistrature. Cela me rappelle les analyses de Norbert Elias sur la civilisation des moeurs : il arrive un moment où certaines vertus sont moins partagées, reconnues ou intégrées, et il faut alors les écrire pour les rappeler. J'espère que ce n'est pas ce mécanisme qui a été à l'oeuvre pour la création de cet organe, mais je veux dire combien la déontologie, qui est une exigence du quotidien, est absolument essentielle, car c'est elle qui permet de tisser un lien avec les justiciables et avec ceux qui n'appartiennent pas au monde de la justice. La déontologie permet de redonner à la justice ce côté très humain. Les magistrats qui sortent de l'ENM sont des jeunes de 24 ou 25 ans : ils n'ont pas forcément la même expérience que nous, alors même que les exigences deviennent plus importantes.
Certains sujets m'intéressent particulièrement. Je pense au filtrage des plaintes de justiciables qui sont adressées au CSM. Il ne faudrait pas que ce filtrage devienne un barrage. Cette question est assez délicate, et suscite beaucoup d'incompréhensions, voire de critiques.
Il me semble également important de suivre la carrière des magistrats qui sont recrutés par les deuxième et troisième voies. Ils apportent un sang neuf de l'extérieur. Je m'interroge sur leurs parcours dans le cadre de la magistrature, un point sur lequel la commission d'enquête de l'Assemblée nationale sur l'indépendance de la justice a insisté. Le peu d'informations que nous avons sur ce sujet est d'ordre strictement quantitatif, ce qui ne nous renseigne pas véritablement sur une évolution nécessaire et acceptée par tous les acteurs du corps de la magistrature.
Je répondrai avec grand plaisir à vos questions.