Au moins pour les tâches de base, liées à la machine administrative proprement dite. Cette voie a peut-être déjà été examinée. L'idée, c'est de faire progresser par des tâches administratives des personnes qui ne peuvent le faire par leur simple talent.
Sur la mobilité, nous sommes face à des injonctions contradictoires. Je ne suis pas le premier à le dire. D'un côté, un magistrat, notamment du siège, est statutairement inamovible : s'il ne veut pas changer de poste, il ne bougera pas, avec les conséquences que cela pourra peut-être avoir sur sa carrière ultérieure. D'un autre côté, on voudrait que les postes tournent, et cela bouge trop. Dans certaines juridictions spécialisées, il faut au moins trois, quatre, cinq ans pour être en maîtriser à la fois la technicité de la matière - ce n'est pas parce qu'on est un bon juriste que tout vient de manière immédiate ! - et connaître ses plaideurs, c'est-à-dire le milieu dans lequel on travaille. Si vous êtes juge des enfants à Bobigny, c'est peut-être moins la technicité du droit qui compte que la connaissance des autorités de police et des professionnels de la jeunesse. Faire cela en deux ans, cela me paraît, à titre personnel, difficile. Allonger la durée de deux à trois ans est un pis-aller.
C'est peut-être aussi une question de bon sens : on peut avoir envie de « tourner » plus rapidement entre 25 et 35 ans, mais pas entre 55 et 65 ans. Une carrière, ce n'est pas sauter tous les trois ou quatre ans d'un poste à l'autre. Une réflexion doit être menée. Cela me fait penser au « lit de Procuste » : on allonge ce qui est trop court et on raccourcit ce qui est trop long. Il règne trop de dogmatisme en la matière, mais je sais que les discussions avec la chancellerie n'ont jamais été très simples sur ce point.
Sur la protection des femmes victimes de violences, il est certain qu'un magistrat de mon âge n'a pas la même approche qu'un jeune de 25 ans, pour des raisons liées à la culture et à l'environnement. Pour les magistrats d'outre-mer se pose la question de la durée du poste : si la mobilité n'est pas suffisante, la personne ne se renouvelle plus dans sa manière de juger. Il faut trouver un juste équilibre. Il n'est pas souhaitable de nommer de jeunes magistrats à des postes où ils sont isolés. Lorsqu'on est jeune, on a besoin de collégialité et d'aller dans des « petits » tribunaux, dans lesquels l'expérience humaine est plus importante. Je ne suis pas sûr que l'on y parvienne si l'on a une gestion comptable des effectifs. Le corps comprend 8 500-8 700 personnes, ce qui n'est pas ingérable.
J'en viens à la cinquième question, qui est la plus délicate : le CSM comme contre-pouvoir. Je vais vous faire une réponse de Normand, bien qu'étant bourguignon...